-=-=-
samedi 26 octobre 2024
-=-=-
Pierre Desproges
Chroniques de la HAINE ordinaire
La gomme
15 avril 1986
Il était une fois un con fini qui eut l'idée singulière d'inventer, à l’intention des petits enfants, une gomme à effacer en forme de fraise, parfumée à la fraise.
Ce fut un tel succès dans les écoles que le con fini récidiva dans la gomme à la banane, la gomme à la pomme, la gomme à la cerise.
Il culminait dans le saugrenu avec sa gomme exotique au kiwi cinghalais, quand on commença de s'inquiéter de la vague d'entéro-gastrites pernicieuses et d'asphyxies étouffantes qui se mirent à décimer les rangs des maternelles.
(Oui. Il y a un pléonasme dans l'expression ‘’ asphyxie étouffante ‘’, mais les mômes ne pouvaient vraiment plus respirer.)
Un jour d'hiver 1985, alors que, dans son atelier de gomineux, le con fini travaillait dans le plus grand secret à la mise au point de son chef-d'oeuvre, la gomme pour adulte en forme de magret de canard parfumé à la graisse d'oie, les gendarmes lui passèrent un savon et les menottes et
le contraignirent au nom de la loi à fermer boutique.
Subséquemment, les pouvoirs publics, afin que nul n'en ignore et que telle aberration ne se reproduisît point, promulguèrent un décret en date du 18 février 1986, paru au Journal officiel du 28 du même mois, dont photocopie chut dans mon courrier l'autre jour, accompagnée d'une lettre
d'une chère auditrice qui n'a pas tenu à garder l'anonymat mais j'ai foutu sa lettre au panier, j'avais cru reconnaître l'écriture de la femme de Lucien Jeunesse, je me méfie de ce genre de salade, je ne mélange jamais le cul et le boulot.
Ce décret, dont tout homme de bien se doit de saluer la bienvenue, stipule dans son article 1er que ‘’ sont interdites à la fabrication, l'importation, l'exportation, l'offre, la vente, la distribution à titre gratuit, ou la détention par les professionnels, de gommes à effacer qui rappellent par leur présentation, leur forme ou leur odeur des denrées alimentaires et qui peuvent être facilement ingérées ‘’.
L'article 2 déploie l'arsenal effroyable des punitions légales qu'encourrait le contrevenant (elles peuvent aller jusqu'à une amende de 5e classe, vous m'en voyez tout pantois).
L'article 3 accorde un délai d'un mois aux fabricants et détenteurs pour brûler leurs stocks ailleurs que dans ma cour ou dans la vôtre.
Mais c'est l'article 4 qui a retenu mon attention. Il occupe à lui seul quatorze lignes, qui sont simplement la liste des neuf membres du gouvernement signataires du présent décret.
Ce qui signifie qu'en France il faut déployer l'énergie de neuf ministres pour effacer une seule gomme.
Laurent Fabius, Premier ministre, Pierre Beregovoy, ministre de l'Économie et des Finances, Robert Badinter, garde des Sceaux, Édith Cresson, ministre de l'industrie et du Commerce, Georgina Dufoix, ministre des Affaires sociales, Michel Crépeau, ministre du Commerce,
de l'Artisanat et du Tourisme, Henri Emmanuelli, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances, Edmond Hervé, secrétaire d'État auprès du ministre des Affaires sociales, et Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État auprès du ministre du Commerce, de l'Artisanat et du
Tourisme.
Trois et trois six et trois neuf: neuf ministres.
Plus neuf coursiers, neuf plantons, neuf secrétaires de chefs de cabinet, neuf chefs de cabinet, neuf secrétaires des ministres, plus le plumitif du journal officiel, ça nous fait un minimum de cinquante-cinq personnes mobilisées pour dégommer une gomme.
Étonnez-vous, après cela, que trois semaines plus tard ces gens-là aient perdu les élections.
En pleine campagne électorale, au lieu de déployer leur énergie à s'émerveiller du
magnifique bilan de leur gestion, comme cela se pratique couramment, ils regroupaient leurs efforts pour fustiger des gommes à la fraise.
Rien que pour être sûr de ne plus jamais voir ça, j'ai failli voter à droite.
Heureusement que je me suis retenu.
A peine le nouveau gouvernement était-il formé que le Figaro titrait : ‘’ Chirac met la gomme. ‘’
Entre nous, il paraît qu'il met surtout la Gomina.
Quand Bernadette l'a vu revenir de sa fameuse séance de photos électorales, en février, elle a dit
: ‘’ Oh ! Ouistiti est gominé ! ‘’
Quant à ces féroces soldats, je le dis, c'est pas pour cafter, mais y font rien qu'à mugir dans nos campagnes.
Queue de poisson
22 avril 1986
En tant que fonctionnaire, M. Philippe Paleto représentait ce qui se fait de plus haut.
Il était quelque chose comme ‘’ haut commissaire préfectoral à la présidence générale de la Direction régionale des affaires nationales ‘’ à moins que ce ne fût ‘’ président aux Hautes Affaires nationales à la préfecture directoriale des régions ‘’.
Quadragénaire hautain et portant beau, c'était un homme de devoir et de rigueur qui avait toujours su se montrer digne du prénom dont on l'avait honoré en hommage au maréchal
Pétain.
Humble et réservée, pieuse et cul pincé, Mme Philippe Paletot vivait sans éclat dans l'ombre de sa sommité dont elle dorlotait la carrière à coups de soupers rupins fort courus dans la région.
Quand M. Philippe Paletot fut muté à Paris pour d'encore plus hautes irresponsabilités fonctionnariales, cette femme de bien concocta un dîner d'adieu dont les huiles locales n'oublieraient pas de sitôt la succulence.
On y convia deux députés, un procureur, un notaire, le directeur régional de FR 3, une avocate en cour, le plus proche évêque, une harpiste russe blanche, un général de brigade amant de l'avocate, ainsi qu'un peintre exilé de Cuba qui fumait l'évêque par pure singularité hormonale.
Le gratin, pour tout dire, avec les nouilles en dessous car on pouvait apporter son conjoint.
Mme Paletot avait commandé en entrée un saumon surgelé mais norvégien, d'un mètre cinquante de long.
Avant l'arrivée de ses invités, elle avait évité de justesse un drame affreux en éjectant son chat
occupé à entamer la queue de ce salmonidé géant.
Ce fut un dîner tout à fait somptueux, solennel et chiant, bref, une réussite parfaite.
A un détail près.
Au moment de passer au fumoir, M. Philippe Paletot attira son épouse en un coin isolé.
‘’ Il m'a semblé, ma chère amie, que votre poisson avait comme un goût ‘’ lui murmura-t-il sur un ton d'agacement qui la fit blêmir, ‘’ A moins que le Meursault que vous aviez choisi ne fût trop fruité. ‘’
‘’ Rien n'est pire pour dénaturer un saumon rose ‘’, rétorqua-t-elle d'un ton pincé, avant de rejoindre ses piliers du Lion's Club en battant des ailes pour signifier la clôture de l'incident.
La fin de la soirée fut brillante et provinciale, avec débats avortés sur la banalisation des formes de la nouvelle Alfa Romeo, la montée de la violence et du cholestérol, le retour de James Bond à l'écran et de la quatrième à l'Assemblée.
On se quitta en caquetant et gloussant vers la minuit.
C'est alors qu'en rentrant dans sa cuisine pour une brève tournée d'inspection, après que la servante ibérique eut regagné son gourbi, Mme Paletot eut le choc de sa vie.
Raide et l'oeil vitreux, le chat gisait sur le carrelage, plus mort qu'un dimanche en famille.
‘’ Mon Dieu, mon Dieu, Philippe, le petit chat est mort et il avait goûté le saumon ! ‘’gémit la haute commisseuse préfecto-régionale.
Le grand homme local, qui en avait vu d'autres (il avait réchappé d'un cancer du trou par la seule force de la prière), exhorta son épouse au calme et appela le CHU voisin.
L'interne de garde convint qu'il fallait intervenir de toute urgence, car tout laissait à penser que le poisson qui avait tué le chat n'épargnerait pas les soupeurs à brève échéance.
Trois ambulances hurleuses, zébrant la nuit de leurs gyrophares bleus, s’en furent quérir en leurs logis respectifs les convives sur le point de se coucher les uns sur, sous, ou sans les autres, et qui poussèrent des cris effrayants en se sachant au bord de finir aussi sottement leur passionnante existence, par la faute de quelque surgeleur-dégeleur qui allait voir ce qu'il allait voir si jamais on en réchappait.
Lavage d'estomac pour tout le monde, ordonna le médecin.
Et voici, dégradante image de fin du beau monde, voici tous ces bourgeois distingués en nuisettes et pyjamas fripés, odieusement tuyautés et gargouilleux, humiliés dans la chaude puanteur exhalée de leurs ventres blets, horriblement honteux de se faire ainsi entuber en public.
On les garda en observation.
Mais rien, sinon la nuit, ne se passa.
Le lendemain à dix heures, on les autorisa prudemment à réintégrer leurs pénates à condition de n'en pas bouger, et de se tenir à la disposition des médecins à la moindre alerte.
‘’ Bonjour, madame Paletot. Bous j'avez dou avoir dé la peine pour lé pétit chat, no ? ‘’ demanda la servante ibérique en prenant son service.
Et, devant la mine ahurie de sa patronne :
‘’ Quand yé ou fini dé débarracher la couigine, lé pétit chat lui l'avait foutu lé camp. Yé bite bite fait lé tour dou yardin. Loui pas là. Yé bite bite régardé dans la route. Santa Maria ! lé pétit chat l'était écrajé par oune boitoure, qué l'avait complétamente écrabouillé. Ma, comme l'était pas abîmé, yé lé rapporté lé pétit chat dans la couigine. Et pouis, moi yé pas boulou déranyé la madame, alors yé chouis retournée dans ma maichon. ‘’
Quant à ces féroces soldats, je le dis, c'est pas pour cafter, mais y font rien qu'à mugir dans nos campagnes.
-=-=-
samedi 19 octobre 2024
-=-=-
Pierre Desproges
Chroniques de la haine ordinaire
(suite)
De cheval
7 avril 1986
Un ami hypersensible m’est revenu des antipodes sens dessus dessous, pour avoir assisté, dans la banlieue de Melbourne, aux finales du championnat de lancement de nains sur matelas.
Il dit que ce n’est pas drôle, et de nombreux nains ne sont pas loin de partager cet avis, il me semble en effet qu’il serait plus amusant de lancer des jockeys, d’autant que ce serait une bonne action.
J’en ai parlé à mon cheval, il opine :
‘’Les jockeys ne se doutent pas à quel point les chevaux les détestent, en réalité, les jockeys ne comprennent rien aux chevaux. ‘’
Je regardais l'autre jour sur Canal +, avec un certain ébahissement, M. Yves Saint-Martin, qui n’est pourtant pas la moitié d'un con, occupé à flagorner une jument dans les allées cavalières de Chantilly.
‘’ Oh, la grosse mémère. Oh, voui c’est la grosse mémère. Elle est mimi la mémère ‘’, minaudait-il en flattant l’encolure de l’ongulée.
Car les chevaux sont tous des ongulés.
Mais ce n'est pas une raison pour les prendre pour des cons.
M. Saint-Martin avait beau dire à la caméra, l’œil mouillé de tendresse, qu’il aimait les chevaux d’amour, la jument n'y croyait pas du tout.
Mon cheval re-opine :
‘’ Pour quelle raison, des animaux comme moi, que Dieu a créés pour qu’ils broutent et baisent à l’aise dans les hautes herbes, se prendraient-ils soudain d’affection pour des petits nerveux exaltés qui leur grimpent dessus, les cravachent et leur filent des coups de pied dans le bide dans le seul but d’arriver les premiers au bout d'un chemin sans pâquerettes, pour que les chômeurs puissent claquer leurs assédiques le dimanche ?
En réalité (c’est toujours mon cheval qui parle), les jockeys aiment les chevaux comme les charcutiers aiment les cochons. C’est un amour dénaturé, pervers, qui pousse le charcutier, tronçonneur de gorets s’il en est, à signaler la présence de sa boutique par un cochon en bois hilare ceint d'un tablier blanc.
Et c’est le même anthropomorphisme malsain qui incite des publicitaires tordus à vendre des épices par le biais du spectacle effroyable d'un bœuf complètement taré et tout à fait ravi à l'idée qu'on va le bouffer avec de la moutarde, mais pas avec Amora, parce que, meugle-t-il : il n’y a que Maille qui m’aille.
Et les chasseurs, mon cher Pierre, qui affirment sans rire qu’ils chassent parce qu'ils aiment la nature.
Peut-on entendre propos plus consternant de sottise dans la bouche d'un homme ? ‘’
‘’ Tu as raison, reviens, lui dis-je (car mon cheval s'appelle Reviens, je le précise à l'intention des éventuels bouchers hippophagiques qui auraient survécu à la récente épidémie de piroplasmose). Tu as raison, Reviens, mais plus dégénéré que le chasseur, il y a.
Il y a le pêcheur qui affirme que le chasseur est un tueur sans pitié, alors que lui-même accroche par la bouche et fait souffrir à mort des carpes encore plus innocentes qu’immangeables, ou le dompteur qui déborde, pour les lions en cage, du même amour que Louis XI réservait à La Balue. ‘’
‘’ Y a des coups de sabots dans la gueule qui se perdent, soupira mon cheval. L'autre nuit, ajouta-t-il en riant, j'ai fait un rêve absolument charmant. C'était dans une arène, la vache qui rit attrapait un matador par la peau du cul, le jetait par terre, et lui piétinait les oreilles et la queue. ‘’
Je convins que c'était amusant.
‘’ Allez, viens, Reviens, on va se promener, lui dis-je, appelle le chien et les enfants. ‘’
Et nous voilà partis à grands pas dans les chemins forestiers, tous derrière, et lui devant.
Quant à ces féroces soldats, je le dis, c'est pas pour cafter, n'empêche qu’y font rien qu'à mugir dans nos campagnes.
L'aquaphile
10 avril 1986
J'étais littéralement fou de cette femme.
Pour elle, pour l'étincelance amusée de ses yeux mouillés d'intelligence aiguë, pour sa voix cassée, lourde et basse et de luxure assouvie, pour son cul furibond, pour sa culture, pour sa tendresse et pour ses mains, je me sentais jouvenceau fulgurant, prêt à soulever d'impossibles rochers pour y tailler des cathédrales où j'entrerais botté sur un irrésistible alezan fou, lui aussi.
Pour elle, aux soirs d’usure casanière où la routine alourdit les élans familiers en érodant à cœur les envies conjugales, je me voyais avec effroi quittant la mère de mes enfants, mes enfants eux-mêmes, mon chat primordial, et même la cave voûtée humide et pâle qui sent le vieux bois, le liège et le sarment brisé, ma cave indispensable et secrète où je parle à mon vin quand ma tête est malade, et qu’on n’éclaire qu’à la bougie, pour le respect frileux des traditions perdues et de la vie qui court dans les mille flacons aux noms magiques de châteaux occitans et de maisons burgondes.
Pour cette femme à la quarantaine émouvante que trois ridules égratignent à peine, trois paillettes autour de ses rires de petite fille encore, pour ce fruit mûr à cœur et pas encore tombé, pour son nid victorien et le canapé noir où nous comprenions Dieu en écoutant Mozart, pour le Guerlain velours aux abords de sa peau, pour la fermeté lisse de sa démarche Dior et de soie noire aussi, pour sa virilité dans le maintien de la Gauloise et pour ses seins arrogants toujours debout, même au plus périlleux des moins avouables révérences, pour cette femme infiniment inhabituelle, je me sentais au bord de renier mes pantoufles.
Je dis qu’elle était infiniment inhabituelle.
Par exemple, elle me parlait souvent en latin par réaction farouche contre le laisser-aller du langage de chez nous que l’anglomanie écorche à mort.
Nos dialogues étaient fous :
- Quo vadis domine ?
- Etoilla matelus ?
En sa présence, il n'était pas rare que je gaudriolasse ainsi sans finesse, dans l'espoir flou d'abriter sous mon nez rouge l'émoi profond d’être avec elle.
Elle avait souvent la bonté d'en rire, exhibant soudain ses clinquantes canines dans un éclair blanc suraigu qui me mordait le coeur.
J'en étais fou, vous dis-je.
Ce 16 octobre donc, je l'emmenai déjeuner dans l'antre bordelais d'un truculent saucier qui ne sert que six tables, au fond d’une impasse endormie du XVe où j'ai mes habitudes.
Je nous revois, dégustant de moelleux bolets noirs en célébrant l'automne, romantiques et graves, d'une gravité d'amants crépusculaires.
Elle me regardait, pâle et sereine comme cette enfant scandinave que j'avais entrevue penchée sur la tombe de Stravinski, par un matin froid de Venise.
J'étais au bord de dire des choses à l'eau de rose, quand le sommelier est arrivé.
J'avais commandé un Figeac 71, mon saint-émilion préféré.
Introuvable et sublime
Rouge et doré comme peu de couchers de soleil.
Profond comme un la mineur de contrebasse.
Éclatant en orgasme au soleil.
Plus long en bouche qu'un final de Verdi.
Un vin si grand que Dieu existe à sa seule vue.
Elle a mis de l'eau dedans.
Je ne l'ai plus jamais aimée.
Quant à ces féroces soldats, je le dis, c'est pas pour cafter, mais y font rien qu'à mugir dans nos campagnes.
Sketchs - stand-up - Chroniques (-18)
Palmashow : Gendarmes à vélo -=- Anémone : Interview Palais-Royal
Les Nuls : Régis est un con - =- Les Inconnus : Enseignement
-=-=-
samedi 12 octobre 2024
-=-=-
Pierre Desproges
Chroniques de la haine ordinaire
(suite)
Psy
28 mars 1986
Depuis pas loin d'un siècle qu'une baderne autrichienne obsédée s’est mis en tête qu’Œdipe voulait sauter sa mère, la psychanalyse a connu sous nos climats le même engouement que les bains de mer ou le pari mutuel urbain.
On a beau savoir pertinemment que la méthode d'investigation psychomerdique élucubrée par le pauvre Sigmund n'est pas plus une science exacte que la méthode du professeur Comédon pour perdre trente kilos par semaine tout en mangeant du cassoulet,
ça ne fait rien, la psychanalyse, c'est comme la gauche ou la jupe à mi-cuisse,
c'est ce qui se fait maintenant chez les gens de goût.
Ce scepticisme à l'égard de la psychanalyse, mais aussi de la psychologie et de la psychiatrie qui s’y réfèrent de plus en plus, me vient, selon mes docteurs, des données de base primaires d’un caractère brutal et non émotif qui me pousse à manger le pilon du poulet avec les doigts
ou à chanter l’ouverture de Tannhauser dans les moments orgasmiques.
Voici une histoire vécue, où le prestige des psys en prend plein le subconscient.
Ma copine Betty Sartou, mère de famille à ses moments pas perdus pour tout le monde, a connu le malheur d’accoucher d'une espèce de surdoué qui s’appelle Grégoire, comme les moins cons des papes, mais c’est une coïncidence.
A cinq ans et demi, ce monstre donnait des signes alarmants d’anormalité.
Notamment, il préférait Haendel à Chantal Goya, il émettait des réserves sur la politique extérieure du Guatemala et, surtout, il savait lire malgré les techniques de pointe en vigueur à l'Éducation nationale.
Devant ce désastre, la maman et la maîtresse d'école estimèrent d’un commun accord que Grégoire était un mauvais exemple pour ses collègues de la maternelle, et qu’il serait bienséant de le jeter prématurément dans le cours préparatoire.
‘’ Oui, mais à condition, ‘’ dit l'Éducation nationale, ‘’ que Grégoire subisse de la part d’un psychologue, par nous choisi, les tests en vigueur en pareille occasion. ‘’
Au jour dit, mon amie Betty et son super minus se présentent au cabinet du psy, en
l'occurrence une jeunesse binoclée de type Touche pas à mon diplôme.
On prie la maman de rester dans la salle d'attente.
Vingt-cinq minutes plus tard, la psychologue dont le front bouillonnant se barre d'un pli
soucieux libère le gamin et accueille la mère.
‘’ Votre fils Grégoire peut sauter une classe. Il en a la maturité. Il a parfaitement réussi les tests de latéralisation (en gros, cela signifie que si on lui présente une cuillère, il aura tendance à l'attraper plutôt avec sa main droite qu’avec son pied gauche). Malheureusement, je ne vous cacherai pas qu'il semble souffrir de troubles affectifs probablement dus à
un mauvais climat familial. Voyez le dessin qu’il vient de réaliser. Je lui avais demandé de dessiner papa et maman. C’est assez clair, non ? ‘’.
L’enfant avait dessiné un père gigantesque, dont la silhouette occupait toute la hauteur de la page, alors que la mère lui arrivait à peine au plexus.
‘’ Pour moi, c’est clair ‘’, soupira la psy. Cet enfant marque une tendance à la sublimation de l'image du père, tendance subconsciemment contrecarrée par une minimisation anormale de l'image et donc du rôle de la mère dans le contexte familial. Je ne vois malheureusement pas d'autre explication. ‘’
‘’ Moi, j'en vois une, dit Betty. Mon mari mesure un mètre quatre-vingt-treize et moi un mètre quarante-sept. ‘’
Quant à ces féroces soldats, je le dis, c'est pas pour cafter, mais y font rien qu’à mugir dans nos campagnes.
Les rigueurs de l'hiver
4 avril 1986
Papyvole, la charmante chanson gérontophobe de Pierre Perret, est encore trop tendre avec les vieux.
C'est vrai que les prégrabataires nous escagassent l'oreille interne avec leurs jérémiades rhumatismales, mais le pire est que, entre deux gémissements, ils retrouvent toujours quelque regain d'énergie pour nous assener, avec quelle suffisance dans le tremblotement, les recettes frelatées de leur prétendue sagesse ancestrale.
C’est très pénible.
Tout le monde n’a pas, comme moi, la chance d’avoir perdu ses parents à Lourdes. (Ils avaient voulu se baigner dans le grand bain avec leur chaise roulante.)
Les orphelins n'imaginent pas l’acharnement à survivre dont sont capables certains octogénaires pour le seul plaisir de raconter leurs congés payés au Tréport en 36 à des gens qui s’en foutent.
Ça dort à peine trois heures par nuit, ça consomme cent vingt– cinq grammes de
mou par jour, ça ne tient pas mieux debout qu’un scénario de Godard, mais ça cause.
Aux giboulées, l’index hésitant pointé sur le bas-monde, ça cause par dictons :
Noël au balcon, Pâques aux tisons, Noël en Espagne, Pâques aux rabanes, Froid de novembre, cache ton membre
Il va sans dire que ces dictons ne s’appuient sur aucune autre réalité que la sagesse populaire. Et la sagesse populaire, on connaît.
C’est elle qui a élu Hitler en 33, c’est elle qui va au foot à Bruxelles, c’est elle qui fait
grimper l’indice d'écoute de Porte-Bonheur.
A propos, j'ai rapporté du Québec, en même temps qu’un léger ras-le-bol des grands espaces, une histoire de dicton tout à fait édifiante.
Cela se passait au début du siècle, dans les montagnes Abitoubica qui culminent à pas mal de mètres, au-dessus des verts pâturages des Laurentides où les trappeurs trapus trappaient très peu mais bien.
Un jour de froid novembre 1908, Pierre Petitpierre, le plus trapu d'entre eux, se mit en peine de couper du bois pour l’hiver approchant.
Comme il redescendait de la montagne Abitoubica en retenant son traîneau à cheval chargé de deux troncs de sapins, il rencontra Ragondin Diminué, le vieil Indien de la tribu Ouatavulanana, qui allumait son calumet, accroupi sur un rocher moussu en forme de département des Deux-Sèvres.
Quand Pierre Petitpierre s’arrêta à sa hauteur pour le saluer, Ragondin Diminué releva sa vieille tronche fripée de tortue sèche que soixante-quinze étés et soixante-seize hivers avaient sillonnée de mille crevasses, car il était né en octobre, ça nous fait donc un été de moins.
Il huma la bise glacée qui sifflait du Nord à la vitesse d'une 305 Peugeot bleu marine, hocha par trois fois la tête, leva la main droite sans dire ‘’ je le jure ‘’, et lança d'une voix grave:
‘’ Hug, Hug, hiver prochain être rigoureux ‘’.
Pierre Petitpierre se dit que le vieil Indien, dont la race habitait ces montagnes bien des siècles avant l'élection de Miss Saucisse de Toulouse par Dominique Baudis, avait une expérience suffisamment sûre de ces climats austères pour qu’on le prît au sérieux.
Rentré chez lui, il dit à Marion Chapdeplomb, sa femme bien-aimée :
‘’ C'pas pour dire, mais j'crois vraiment qu’faut qu’j’retourne là-bas pour couper d'autres sapins, l'Indien prétend qu'l'hiver sera rude.
‘’ Prends-moi là tout de suite, dit Marion Chapdeplomb que l'odeur de résine embrasait.
Le lendemain, après avoir rentré son bois dans la remise, Pierre Petitpierre retourna dans la montagne Abitoubica.
Cette fois-ci, pour faire bonne mesure, il coupa huit troncs.
Comme il redescendait épuisé, il tomba nez à nez avec Ragondin Diminué qui allumait son calumet, assis sur une fourmilière.
Le vieil Indien, une fois de plus, releva sa vieille tête sus-décrite, renifla le vent du Nord, secoua trois fois la tête, leva la main droite sans dire ‘’ Heil Hitler ‘’, et lança d'une voix grave de fossoyeur déprimé :
‘’ Hug, Hug, hiver prochain être très rigoureux, Aïe ‘’, ajouta-t-il, car c'étaient des fourmis rouges.
‘’ C'pas pour dire, mais j'crois vraiment qu'faut qu'j'y retourne ostie, tabernacle, dies irae, sanctus sanctus ‘’ dit Pierre Petitpierre à sa femme.
‘’ Prends-moi là tout de suite ‘’ dit Marion Chapdeplomb, ‘’ l’odeur de résine a fait rien qu’à m'embraser derechef ‘’
Le lendemain, après avoir rangé ses huit nouveaux troncs dans la remise, Pierre Petitpierre débita douze autres sapins dans la montagne Abitoubica.
Quand il le vit passer, le vieux Ragondin Diminué refit ses simagrées de western enneigé de série B, avant de lancer d’une voix de parking souterrain :
‘’ Hug, Hug, hiver prochain être très très très rigoureux. Oh oui ‘’, ajouta-t-il, car il était assis sur une bitte d'amarrage du Mayflower que le cyclone Josefa avait malicieusement déposée là.
‘’ Mais enfin tout de même, ostie, Kyrie eleison ‘’, s'énerva le trappeur, ‘’ Comment ça s'fait don que tu peux savoir à c't'heure que l'hiver y s'ra rigoureux, vieil Indien ? ‘’
‘’ Ça facile ‘’, éructa le fossile à plume. ‘’ Dicton indien dire : Quand homme blanc couper beaucoup bois, ça vouloir dire hiver être très rigoureux. ‘’.
Quant à ces féroces soldats, je le dis, c'est pas pour cafter, n’empêche qu’y font rien qu’à mugir dans nos campagnes.
-
Sketchs - stand-up - Chroniques (-18)
Les Deschiens : le Gibolin -=- Finis ton vin le gamin
Les Guignols : Frank Ribéry à l’école -=- J. Chirac et Sylvestre Les Nuls : Hassan Cehef
-=-=-
samedi 5 octobre 2024
-=-=-
Pierre Desproges
Chroniques de la folie ordinaire
(suite)
Les compassés
24 mars 1986
On ne rit vraiment de bon cœur que dans les cimetières.
Ainsi, au spectacle quasi funèbre de ce premier Conseil des ministres de samedi dernier, mes enfants, mon chien et moi-même avons-nous été secoués d'une crise inextinguible de franche hilarité.
On n'oubliera jamais cette table immense et nue, cernée de toutes ces plantes en pot cravatées de sombre, et costumées de gris, ni ces faciès compassés, présents et à venir, ni cette poignante détresse émanant de ces gens dont la plupart se sont pourtant débattus pendant vingt ou trente ans, au risque d'y laisser leur honneur ou leurs amours, dans le seul but d'être là un jour, posés sur leur cul, dans du velours, sur les petits trônes instables de leurs petits pouvoirs fragiles.
‘’ La gravité est le bonheur des imbéciles ‘’, disait Montesquieu, dont l’œuvre inspira la Constitution de 1791, c'est dire s'il avait oublié d'être con.
Voilà une maxime qu'on serait bien venu de déployer sur une banderole à chacune de ces réunions de pingouins emministrés, comme au-dessus des monuments aux morts et des cours d'honneur, où des remetteurs coincés de médailles posthumes décochent des bisous mous sur les joues des veuves de flics.
La gravité est le bonheur des imbéciles.
Ce ne sont pourtant pas des imbéciles, tous ces coincés de samedi matin.
Ce sont tous, à un titre ou à un autre, les élus du peuple, et trente-sept millions et demi de connards ne peuvent pas se tromper.
Non. Ce ne sont pas des imbéciles.
S'ils avaient l'air grave sur cette photo de famille insoutenable, c'est parce que, pour reprendre l'expression de l'inventeur de la dératisation par l'emploi des laxatifs, ils se faisaient chier comme des rats morts.
Ils s’ennuyaient avec une intensité inconnue sur l'échelle du regretté Richter, ils s'ennuyaient comme un cercueil s'ennuie sous l'oraison dernière,
ils s'ennuyaient comme s’ennuie l'eunuque distrait égaré au Ciné-Barbès à la dernière séance de ‘’ Prends- moi par les deux trous ‘’.
Mais pourquoi s’ennuyaient-ils ?
L’instant d'avant, d'avant qu'ils ne se fussent assis en lune pour les photographes, que s’était-il passé ?
De nombreux journalistes ont observé que, sur le perron de l'Élysée et dans la cour, l'atmosphère avait été beaucoup plus sereine et détendue.
Je ne pense pas trahir un secret d'État en rapportant quelques bribes de conversation échangées à ce moment-là entre le Président de la République et le nouveau Premier ministre qu’il s'est offert.
Je veux dire qu’il s'est payé, du moins va-t-il essayer de se le payer.
Chirac : Fait pas chaud.
Miterrand : Non, on peut pas dire.
Chirac : En plus, c'est couvert.
Miterrand : Ça va peut-être se lever ?
Chirac : Faut espérer.
Miterrand : Oui .
Chirac : il vaut mieux un bon petit froid sec qu’une mauvaise petite pluie fine.
Miterrand : C'est ce que je dis toujours.
Chirac : L'humidité, ça transperce.
C’est alors qu'ils se sont assis, le Président, le Premier ministre et les ministres en second et les petits ministres.
Au début, ils ont continué à échanger des idées d'ordre général.
On a même ri, quand Édouard Balladur a suggéré qu'on pourrait nationaliser les antiquaires.
Alors ?
Alors il s'est produit, juste, avant l'entrée des caméras, quelque chose d'insolite et de désolant qui a fait brutalement basculer cette bonhomie confraternelle dans la plus obséquieuse patibularité fratricide.
A l'heure où je vous parle, trois hypothèses circulent dans les couloirs de l'Élysée et de Matignon.
Je vous les soumets en toute objectivité, cela va sans dire :
1 - Le Président a dit à Léotard qu'il avait le look séminariste et l'air évêché.
Le jeune ministre de la Culture a répondu : C'est celui qui le dit qui y est.
2 - Charles Pasqua, dont l'élévation de pensée peut parfois surprendre, a raconté l'histoire du mec qui en a trois.
3 - Enfin, et c'est l'hypothèse la plus plausible, Jacques Chirac, qui venait de se baisser pour renouer son escarpin, s'est écrié soudain : C'est quoi, le paquet sous la table ?
Quoi qu'il en soit, il faut qu’on cohabite, pour reprendre le cri d'amour du crapaud.
Quant à ces féroces soldats, je le dis, c'est pas pour cafter, mais y font rien qu'à mugir dans nos campagnes.
La baignoire aux oiseaux
26 mars 1986
Il était une fois une dame qui s'appelait Loisel, et qui aimait les oiseaux.
Même que c'est vrai et que c'est ma copine, et si nous nous voyons moins, c’est la vie, que voulez-vous, les chemins, parfois, se croisent et, d’autres fois, divergent et divergent, c’est beaucoup pour un seul homme.
Elle s'appelait Loisel à l'imparfait de l'indicatif, mais on garde toujours son nom de jeune fille, surtout quand on s’appelle Loisel, et donc elle aimait les oiseaux et elle les aime encore, et elle s’appelle toujours Loisel, mais vous pouvez l'appeler Madeleine au présent de l'indicatif.
Or, vous allez voir comme le bon Dieu exagère, les amours de Madeleine et des oiseaux finissaient toujours tragiquement, pour les oiseaux, pas pour les chats.
Car j'oubliais de vous dire que Madeleine n’aimait pas seulement les oiseaux, mais aussi toutes sortes d'animaux à poil, dont certains, fins gourmets ornithophages, n'ont jamais caché leur prédilection atavique pour l'hirondelle melba, ou le rouge-gorge tartare servi dans sa plume.
En plus des chats, elle avait des belettes et des petits lapins.
Et des chiens louches ou borgnes arrachés au ruisseau, dont l'un, si véritablement épouvantable, qu'on eût dit le fruit des amours contre nature entre une serpillière écorchée et quatre pieds de tabouret de prison.
Il répondait rarement, et d'une voix de chiotte, au nom de Badinguet, ultime insulte posthume que le père Hugo lui-même n’eût point osé servir au petit Napoléon.
Hormis les petits lapins, tous ces fauves de basse extraction plébéiennes se prélassaient dans le farniente, la débauche et la reniflette subcaudale, dans la jolie maison forestière de Madeleine.
Ils présentaient un danger permanent pour la pie-grièche, le geai goguenard et la bergeronnette fouille-merde, bien obligés de partager le même logis.
Et sans le moindre garde-fou, car leur hôtesse se refusait à les mettre en cage pour qu’ils pussent s'adonner sans entrave à leurs séances d'expression corporelle.
Aussi Madeleine prenait-elle bien soin de séparer les à-plume des à-poil, avant de partir chaque matin pour son travail, d’où elle ne rentrait qu'à la nuit, les bras chargés de fémurs de vaches et de sacs de grains d’orge.
Seuls, les petits lapins étaient autorisés à cohabiter avec les oiseaux, en vertu de l'adage cher au chasseur à pied, qui dit en substance qu'on n'a jamais vu un lapin, même bourré à l'alcool de pruneaux, débusquer le plus petit gibier à plume.
Or, un beau matin de printemps où, contre toute attente, mars avait passé l'hiver, Madeleine, en ouvrant ses volets entendit un infime mais poignant piou-piou-piou qui semblait monter du gazon encore lumineux de la rosée de l'aube.
C'était un ersatz de moineau échevelé, avec un cou vilain comme une quéquette anémiée, qui s'était cassé la gueule en se penchant du nid pour voir si Newton avait raison.
Le cœur de Madeleine se mit à saigner, ses joues s'inondèrent de larmes.
Elle courut sauver le pauvre oisillon qu'elle enferma doucement au creux de sa main où il put enfin chier au chaud entre ses doigts câlins.
Il fallait bien vite trouver un abri sûr, pour ce nouveau petit protégé.
Mais z-où, car c'est plus beau que mais hoù ?
Des bestiaux, il y en avait partout.
Outre Badinguet et les trois monstres saucissonnoïdes à poil dur issus d'une bergère allemande de l'Est réfugiée politique dans les Deux-Sèvres, la salle de séjour comptait un lévrier tripode, deux chats dissidents siamois, une tortue balinaise mange-crapauds, des crapauds donc, et un tatou qui sniffait les termites et les buffets Henri II.
Dans la cuisine, un basset handicapé physique (il faisait un mètre quatre-vingts au garrot) jouait à casse-bouteilles avec un castor au chômage depuis qu'il s'était niqué la queue dans la porte du garage.
Un chevreuil qu’on appelait Pipi Luke (il pissait plus vite que son ombre) éclaboussait la chambre d'amis en cabriolant sur la moquette gorgée de ses flaques.
Les oiseaux gardaient le bureau de Madeleine, dont ils avaient assuré la décoration des meubles et des sols dans le plus pur style tachiste de la période fiente.
Craignant qu'ils ne prissent l'intrus pour un lombric à plume, tant il est vrai que Chaval avait raison : ‘’ Les oiseaux sont des cons ‘’, il ne restait plus à sainte Mado d'Assise que de reléguer le bébé moineau dans la salle de bains.
Là, il serait à l'abri, avec pour seul compagnon un gentil petit lapin blanc de Prusse (il avait les yeux bleus), qui avait pris ses habitudes dans la baignoire où il aimait s'écouter crottiner sur la faïence entre deux bâfrées de luzerne.
Madeleine installa une grosse boule de coton hydrophile blanc pour faire un petit nid douillet dans le porte-savon, elle y déposa doucement le fœtal emplumé, le couvrit de baisers passionnés, salua le lapin, et s’en fut à la ville pour y gagner son Canigou.
Lorsqu'elle rentra à la nuit tombée, tout semblait en ordre dans la maison, je veux dire que le désordre avait l'air normal dans la ménagerie.
Rien n'avait changé dans la salle de bains.
Au fond de la baignoire, le lapin posait, sur tout et sur rien, son œil ahuri de lapin, et ruminotait à petits coups de nez un chewing-gum imaginaire.
L'oiseau, en revanche, donnait des signes d'épuisement.
En le sortant de son nid, Madeleine poussa un cri d'effroi.
Il n'avait plus de pattes.
Il avait dû les laisser dépasser à travers la grille du porte-savon, et le lapin, que les âmes sensibles me pardonnent, le lapin, de nature grignoteuse, les lui avait bouffées.
Oyez mon conseil, bonnes gens :
si jamais l'on vous pose un lapin, prenez votre pied tout seul.
Quant à ces féroces soldats, je le dis, c'est pas pour cafter, mais y font rien qu'à mugir dans nos campagnes.
-=-=-
Sketchs - stand-up - Chroniques (-18)
Malika Sadykova : Autre Asiatique -=- Guy Bedos : le dictionnaire médical -=- Raymond Devos : Le mille-feuille
Les guignols / Jacques Chirac : la cohabitation -=- La vaporette -=- L'ordinateur
-=-=-
samedi 28 septembre 2024
-=-=-
Pierre Desproges
Chroniques de la haine ordinaire
(suite)
Le fil rouge
14 mars 1986
Le type qui a inventé l'espèce de fil rouge autour des portions de crème de gruyère,
on peut pas le tuer, quand même,
c'est pas possible qu'il l'ait fait exprès.
Je veux bien qu'il y ait, dans les services de renseignements, des brutes professionnelles qui inventent des
systèmes de torture extrêmement sophistiqués, mais même les pires d'entre eux ont leur raison.
Il ne leur viendrait pas à l'idée de griller électriquement les testicules d'un fonctionnaire assermenté pour de simples raisons ludiques.
Ils ne s’y résolvent que poussés par la raison d'État, dans le but, par exemple, de découvrir les microfilms sur lesquels figurent les plans de la nouvelle machine à électrifier les quéquettes au laser.
Mais le type qui a inventé l'espèce de fil rouge autour des portions de crème de gruyère,
c'est pas possible qu'il l'ait fait exprès.
Il connaît même pas les gens qui aiment manger des portions de crème de gruyère.
Je veux dire : qui aimeraient manger des portions de crème de gruyère.
Ne les connaissant pas, il n'a aucune raison de leur en vouloir à ce point.
La sensibilité, le simple bon sens se révoltent jusqu’à refuser l'idée même de certaines actions inhumaines.
On a du mal à croire qu'une mère ait pu jeter elle-même son petit garçon dans une rivière.
Elle est intolérable, l'image de cet enfant enfermé dans un sac, attaché, si ça se trouve, avec une espèce de fil rouge, vous savez, comme celui qu'il y a autour des portions de crème de gruyère.
Un psychanalyste vous dirait sans doute que ce type, le type qui a inventé l'espèce de fil rouge autour des portions de crème de gruyère a des tendances sadiques.
Il est vrai que cette idée incroyable de faire des nœuds coulants à des laitages qui ne vous ont rien fait peut à première vue relever d'une certaine forme de perversion.
Mais bon, ça ne prouve pas que ce type soit un sadique.
Le vrai sadique, pour avoir son plaisir, il faut qu'il assiste de visu à la douleur de l'autre.
Mais lui, le type qui a inventé l'espèce de fil rouge autour des portions de crème de gruyère, il n'est jamais là pour se rincer l’œil quand je me relève affamé à trois heures du matin avec, au ventre, l'espoir insensé de me faire une petite tartine de crème de gruyère...
Alors, qui est-il ?
Peut-être qu'il m'entend, la haine aveugle n'est pas sourde.
Peut-être qu'il est dingue, ce type.
Peut-être qu’il est dingue de père en fils, si ça se trouve, c'est une forme d'aliénation mentale plus ou moins héréditaire.
Peut-être que son père, c'est le type qui a inventé l'espèce de papier collant autour des petits-suisses ?
Peut-être que sa mère, c'est la pétasse qui a inventé le chocolat dur qui tient pas autour des esquimaux ?
Peut-être que son grand-père, c'est le fumier qui a inventé la clef qui casse le bout des petites languettes des couvercles de sardines, en complicité avec le pourri qui met de l'huile jusqu’à ras bord des boîtes ?
Peut-être que sa grand-mère, c'est la salope qui a inventé le suffrage universel ?
Quant au mois de mars …...…
Il y a misère et misère .
21 mars 1986
Il y a la misère éclatante qu'on nous trompette avec fracas, qui s'étale à nos unes et s'agrippe à nos remords, qu’on nous sert dans la soupe et qui nous éclabousse.
C’est la faim fiévreuse des agonisants sur le sable, et les maladies rongeuses, la lèpre avec moignon sur rue, et le crabe invaincu, le crabe aux pinces noires à nous manger le ventre, et les génocides, un peu trop loin pour qu’ici l'on soupire, mais les génocides bien sûr, et la pauvreté des villes aux usines fermées, et les enfants d'Orient, moins hauts que leurs fusils, qu’on fait trotter au front.
Et puis, il y a la misère de série B qui ne vaut pas le détour.
D'ailleurs, on ne la voit même pas.
C'est la détresse bien mise de la vieille fille au cul déshérité n'ayant su que s'asseoir.
C'est la panique extatique du vieillard rhumatisant qui ne sait plus s'extraire de son taxi tout seul.
C'est la misère des petites annonces, pas forcément des petites annonces du cœur, du sexe ou de l'âme.
Voyez celle-ci qui m'est tombée sous l’œil par hasard, dans la rubrique divers ventes d'une revue spécialisée dans les métiers du spectacle :
‘’ A vendre mannequin ventriloquie. Système américain invisible, garçonnet de 6 ans, vrais cheveux, smoking bleu nuit, vernis noirs. Matériel de professionnel. Prix 12 000Frs. Vendu avec corbeau très comique 85 cm,
prix 1 000 Frs. ‘’.
Suivaient un nom et un numéro de téléphone.
La ventriloquie avec marionnette est une attraction qui prolongea pendant quelques années à la télévision l'engouement qu'elle avait suscité au temps du cinéma des familles où elle avait tout loisir de s'exprimer entre les esquimaux et le documentaire.
A deux pingouins près, bien peu de ces phénomènes connurent un véritable vedettariat.
Les plus doués, ou les plus chanceux, survivent encore dans les cabarets emplumés où le personnel zélé profite du peu d'intérêt qu'ils suscitent pour renouveler les consommations pendant que les girls changent de cache-sexe.
Généralement, l'humour suranné de ces fantaisistes hypogastriques met en boîte des chanteurs morts sous Pétain, ou un ministre de la IVe République qui aurait fait un bon mot au moment des conflits sociaux de 1947.
Ou bien encore, exhumant de leur mémoire en chômage des velléités de satyre contre la guerre des sexes, raniment-ils soudain l'anachronique conflit entre le gendre et la belle-mère.
Le tout servi, avec une voix de canard meurtri insultante aux portes qui grincent, à des publics texans ou nippons accourus en ces lieux pour voir bouger des culs pailletés.
Alors, un soir, ou bien plutôt à l'aube, en sortant du Paris-Folies par la porte de derrière, pour que les belles dames et les messieurs bien mis ne voient pas les marques pelées de sa misère sur son manteau de drap,
le ventriloque se dit qu'il en a marre.
Il ouvre sa voiture-gamelle pour rentrer à Saint-Denis.
A la place du mort, il dépose avec douceur le pantin rigolard qui s'appelle Philémon, quelquefois Roudoudou.
Ce soir, il oublie de lui attacher sa ceinture, mais il lui demande, comme ça, par réflexe, et puis d'ailleurs il n'a personne d'autre à qui parler :
‘’ Et toi, Philémon, t'en as pas marre de faire le con tous les soirs de la vie pour ces gens qui s'en foutent ? ‘’
Le ventriloque et son pantin n'iront plus au Paris-Folies.
Le ventriloque ira vivre chez son fils Aramis qui a réussi dans les affaires.
Il habitera dans le petit pavillon au fond du parc à Saint-Rémy-lès-Chevreuse.
L’été, il soignera les roses et gardera les meubles de style et les grands crus classés, quand les enfants seront aux îles.
L'hiver, il attendra l'été.
Et, comme il a sa dignité, il va vendre le pantin Philémon pour pouvoir s'acheter du mazout.
Alors, le ventriloque prend dans ses bras le pantin Philémon, qui est son enfant.
C'est lui qui l'a fait, c'est lui qui lui a collé les vrais cheveux, un à un,
c'est lui qui lui a cousu le smoking bleu nuit et le système américain invisible.
Il l'allonge doucement sur la table à repasser.
Avec une brosse à dents,
la même depuis trente-cinq ans, monsieur !
il fait briller une dernière fois les vernis noirs.
Et puis, avec toujours la même délicatesse, il couche le pantin Philémon à côté du corbeau très comique de quatre-vingt-cinq centimètres, dans la mallette satinée qui leur servait jadis pendant les tournées des cinémas de campagne.
Et il ferme lentement le couvercle qui claque à peine, dans un chuintement ouaté.
C'est comme un bruit définitif de cercueil élégant.
Et le ventriloque se lève.
Il se sent vieux.
Il téléphone aux petites annonces avec une voix de canard.
Quant au mois de mars, je le dis sans aucune arrière-pensée printanière, je ne serais pas autrement surpris d'apprendre qu’il a passé l'hiver pas plus tard qu'aujourd’hui.
Sketchs - stand-up - Chroniques (-18)
Les Guignols : Le couple Chirac -=- La boîte à coucou -=- Les Deschiens : Le psychiatre -=- L’accident du travail
Laura Felpin : PMA -=- Alison Wheeler / Manu Payet : Carte de Presque
-=-=-
samedi 21 septembre 2024
-=-=-
Pierre Desproges
Chroniques de la haine ordinaire
(suite)
L'humanité
10 mars 1986
J'aime beaucoup l'humanité.
Je ne parle pas du bulletin de l'Amicale de la lutte finale et des casquettes Ricard réunies.
Je veux dire le genre humain, avec ses faiblesses, sa force, son inépuisable volonté de dépasser les dieux, ses craintes obscures des Ténèbres, sa peur païenne de la mort, sa tranquille résignation devant le péage de l'autoroute A6 dimanche dernier à 11 heures.
Il y a en chaque homme une trouble désespérance à l'idée que la brièveté de son propre passage sur terre ne lui permettra pas d'embrasser tous ses semblables et particulièrement Mme Lemercier Yvette, du Vésinet, qui ne sort jamais sans son berger allemand, cette conne.
C'est un crève-cœur que de ne pouvoir aimer tous les hommes.
A y bien réfléchir, on peut diviser l'humanité en quatre grandes catégories qu'on a plus ou moins le temps d'aimer, les amis, les copains, les relations, les gens qu'on connaît pas.
Les amis se comptent sur les doigts de la main du baron Empain, voire de Django Reinhardt, pour les plus misanthropes.
Ils sont extrêmement rares et précieux.
On peut faire du vélo avec eux sans parler pendant que le soir tombe négligemment sur les champs de blé, et on n'a même pas mal dans les jambes dans les côtes.
La caractéristique principale d'un ami est sa capacité à vous décevoir.
Certes, on peut être légèrement déçu par la gauche ou par les performances de l'AS Saint-Étienne, mais la déception profonde, la vraie, celle qui peut vous faire oublier le goût des grands saint-émilion, ne peut venir que d'un véritable ami.
Par exemple, j'ai été déçu hier par mon ami Jean-Louis, qui est pourtant vraiment mon ami, puisque parfois nous ne parlons même pas, même à pied, dans les sentiers de Picardie.
Je venais de lui apprendre que j'avais acquis une petite chienne, une bergère, allemande, certes, mais une bergère.
Sans prendre le temps de réfléchir pour ne pas me faire de la peine, il m'a dit en ricanant :
‘’ Ah bon ? un chien nazi ? Tu lui as mis un brassard SS ? J'espère qu'elle n'est pas armée, ta carne ? ‘’
Méchanceté gratuite. Envie gratuite de blesser.
Tu sais très bien que tu ne risques rien de cette petite boule de poils, tu n'es même pas juif.
Tu sais très bien que le seul déprédateur, le seul tueur pour le plaisir, la seule nuisance à pattes, se tient sur celles de derrière, afin d'avoir les mains libres pour y serrer son fouet à transformer les chiots en miliciens bavants.
Me faire ça à moi, Jean-Louis, à moi qui suis ton ami.
Et qui te l'ait prouvé, puisque, une fois, au moins, je t'ai déçu moi-même.
Les copains se comptent sur les doigts de la déesse Vishnou qui pouvait faire la vaisselle en applaudissant le crépuscule.
Ils déçoivent peu car on en attend moins, mais c'est quand même important qu'ils pensent au saucisson quand le temps se remet aux déjeuners sur l'herbe et qu'ils viennent se serrer un peu pour faire chaud quand le petit chat est mort, ou pour faire des révérences à l'enfant nouveau. Les bons copains se comprennent à demi-mot.
Il règne entre eux une complicité de tireurs de sonnettes qu’entretient parfois l'expérience du frisson.
Les relations se comptent sur les doigts des chœurs de l'Armée rouge.
Mais on sera bien venu de n'entretenir que les bonnes, celles sur lesquelles on peut s'appuyer sans risquer de tomber par terre.
Quand on n'a pas de glaïeuls, certaines relations peuvent faire très joli dans les soirées mondaines, à condition qu'elles soient célèbres ou stigmatisées de la Légion d'honneur. Il suffit alors de les appeler coco et de les embrasser gaiement, comme si on les aimait, et comme cela se fait dans mon milieu.
Le commun ne manquera pas de s'esbaudir.
Il arrive que certaines relations soient susceptibles de se muer en amitiés, mais le temps n'a pas tout le temps le temps de prendre à temps le temps de nous laisser le temps de passer le temps.
Parmi mes relations, je compte un ministre en fin d'exercice qui m'a demandé un soir l'autorisation de s'asseoir à ma table, dans un pince-fesses pompeux, pour ne pas être assis à côté de Dalida, c'est devenu une relation, une camaraderie assez chaleureuse, encore qu'elle ne s'appuie que sur une prédilection commune, un peu futile, pour la bonne chanson française.
Les gens qu'on connaît pas, les doigts nous manquent pour les compter.
D'ailleurs, ils ne comptent pas.
Il peut bien s'en massacrer, s'en engloutir, s'en génocider des mille et des cents chaque jour que Dieu fait (avec la rigueur et la grande bonté qui l'ont rendu célèbre jusqu'à Lambaréné), il peut bien s'en tronçonner des wagons entiers, les gens qu'on connaît pas, on s'en fout.
Le jour du récent tremblement de terre de Mexico, le gamin de mon charcutier s'est coupé un auriculaire en jouant avec la machine à jambon.
Quand cet estimable commerçant évoque aujourd'hui cette date, que croyez-vous qu'il lui en reste ?
Était-ce le jour de la mort de milliers de gens inconnus ?
Ou bien était-ce le jour du petit doigt ?
Je verrais bien une cinquième catégorie où s'inscrirait, unique, la femme qu'on aime sur le bout des doigts.
Parce qu'on la connaît par cœur.
Les cèdres
12 mars 1986
Nous irons au Mexique pour voir trembler la terre quand les fêlés du ballon s'éjaculent des vestiaires.
Nous irons à Rio compter les enfants pauvres avant d'aller danser en bermuda résille.
Nous irons à Moscou faire de la planche à voile sur la Moskova bleue à portée des étoiles.
Nous irons à New York sucer des sorbets mous au fond d'un taxi jaune derrière un nègre roux.
Nous irons à Jérusalem comme à Berlin nous lamenter au pied du mur.
Nous irons à Colombey en chemise au nouveau son des deux églises.
Nous irons à Vichy dans la rue maréchale goûter les eaux thermales avec Anne-Sophie.
Nous irons, mon colon Bigeard, filmer l'ultime colon bêcheur à Colomb-Béchar.
Nous irons au fond du désert compter les bouts d'hélicoptère oubliés cet hiver sous la poussière automobile.
Nous irons à Cuba pêcher la langouste, nous irons à Lorient pêcher le hareng.
En revenant de Glasgow, nous irons à Bruxelles-Grand-Place baiser en parachutistes à l'hôtel Amigo dans la chambre à trois glaces, go.
Nous irons au fond des Carpates pour frissonner au loup-garou et voir s'enfiler les blattes dans le cimetière aux hiboux.
Nous irons à Tananarive, pour voir si ta nana revient.
Nous irons un de ces jours, c'est sûr, mon amour, avec l'A.S. Oradour aux Jeux d'été d'Hiroshima.
Nous irons à Pékin pour bouffer chez Maxim's et pour voir si la Chine commence à s'habiller Cardin.
Aux heures méditerranéennes, nous irons à Ibiza défoncer des Norvégiennes en chantant Mélissa.
Nous irons au sud du Portugal où chaque été des Anglais vieux viennent se shooter au Gardénal dans des palais ignominieux.
Nous irons au bout du monde, et jusqu'à Paris-sur-Seine, où la Tour est folle, et la Joconde en bois, ce qu'on sait peu.
Nous irons au bout du monde,
mais
Nous n'irons plus au Liban, les cèdres sont coupés, les enfants que voilà ne savent plus chanter.
-=-=-
Sketchs - stand-up - Chroniques (-18)
Sandrine Sarroche : La loi du talon Alison Wheller : Marie Cystite Les Nuls : fausses pubs
Virginie Hocq : La liste des courses Les Deschiens : La drogue
-=-=-
samedi 14.09.24
-=-=-
Pierre Desproges
Chroniques de la haine ordinaire
Le règne animal
5 mars 1986
Mercredi, rude journée, pas d'école.
Les minus-mercredi et que vous êtes des milliers, chers adorables minus, à traîner à portée des transistors au lieu de vous rendre utiles en défenestrant le chat pour voir si ça rebondit, voici mon cours du soir sur le règne animal.
On prend son cahier.
On prend son crayon noir.
Je ne veux pas de feutre, ça tache le chocolat.
En titre : Le règne animal
Animal en un seul mot, imbéciles.
Le règne animal :
L'animal est un être organisé, doué de mouvement et de sensibilité et capable d'ingérer des aliments solides par la bouche, ou à côté de la bouche si c'est du chocolat.
Le règne animal se divise en trois parties,
1 - Les animaux,
2 – L'homme,
3 - Les enfants.
1 – Les animaux
Les animaux sont comme des bêtes, d'où leur nom.
Ne possédant pas d'intelligence supérieure, ils passent leur temps à faire des bulles ou à jouer dans l'herbe au lieu d'aller au bureau.
Ils mangent n’importe quoi, très souvent par terre.
Ils se reproduisent dans les clairières, parfois même place de l'Église, avec des zézettes et des foufounettes.
Les animaux ne savent pas qu'ils vont mourir, c'est pourquoi ils continuent de batifoler quand ils ont 38°.
2 - L'homme.
Remarquons au passage que si l'on dit ‘’ les animaux ‘’ au pluriel, on dit ‘’ l'homme ‘’ au singulier, parce que l'homme est unique.
De même, nous dirons que les animaux font des crottes, alors que l'homme sème la merde.
L'homme est un être doué d'intelligence.
Sans son intelligence, il jouerait dans l'herbe ou ferait des bulles au lieu de penser au printemps dans les embouteillages.
Grâce à son intelligence, l'homme peut visser des boulons chez Renault jusqu'à soixante ans sans tirer sur sa laisse.
Il arrive aussi, mais moins souvent, que l'homme utilise son intelligence pour donner à l'humanité la possibilité de se détruire en une seconde.
On dit alors qu'il est supérieurement intelligent.
C'est le cas de M. Einstein, qui est malheureusement mort trop tard, ou de M. Sakharov, qui s'est converti dans l'humanisme enfermé, trop tard également.
Les hommes ne mangent pas de la même façon selon qu'ils vivent dans le Nord ou dans le Sud du monde.
Dans le nord du monde, ils se groupent autour d'une table.
Ils mangent des sucres lourds et des animaux gras en s'appelant ‘’ cher ami ‘’, puis succombent étouffés dans leur graisse en disant ‘’ docteur, docteur ‘’.
Dans le sud du monde, ils sucent des cailloux ou des pattes de vautours morts et meurent aussi, tout secs et désolés, et penchés comme les roses qu'on oublie d'arroser.
Pour se reproduire, les hommes se mettent des petites graines dans le derrière en disant ‘’ Ah oui, Germaine ‘’.
3 - Les enfants
Les enfants, contrairement à l'homme ou aux animaux, ne se reproduisent pas.
Pour avoir un bébé, il est nécessaire de croire à cette histoire de petite graine.
Malheureusement, les enfants n'y croient pas tellement.
A force de voir jouer les animaux dans l'herbe aux heures de bureau, ils s'imaginent, dans leur petite tête pas encore éveillée à l'intelligence, qu'il faut des zézettes et des foufounettes pour faire des bébés.
En réalité, les enfants ne sont ni des hommes ni des animaux.
On peut dire qu'ils se situent entre les hommes et les animaux.
Observons un homme occupé à donner des coups de ceinture à une petite chienne cocker marrante comme une boule de duvet avec des yeux très émouvants.
Si un enfant vient à passer, il se met aussitôt entre l'homme et l'animal.
C'est bien ce que je disais.
Ce n'est pas une raison pour nous coller du chocolat sur la figure quand nous écrivons des choses légères pour oublier les vautours.
Quant au mois de mars, je le dis sans aucune arrière-pensée politique, ça m'étonnerait qu'il passe l'hiver.
Au voleur
6 mars 1986
Quand je vous aurai dit à quel point je déteste la force publique et les bâtons blancs, les procureurs hépatiques à nuque rase, les barreaux aux fenêtres et les miliciens cramoisi-gévéor tiraillant des chiens-loups démentiels électrisés de haine apprise.
Quand je vous aurai dit, en somme, l'ampleur de ma dégoûtation pour les lois collectives et les marches forcées,
m'écouterez-vous enfin, catafalqueux et gauches intellectuels qui tremblotent sous le joug d'un terrorisme par vous-mêmes suscité ?
m'écouterez-vous encore, mes bien chers frères, si je vous dis que je hais autant les voleurs que les gendarmes ?
Je ne parle pas tant des voleurs professionnels, braqueurs de banque, perceurs de coffres, garagistes, épiciers, etc., qui, certes, s'emparent malhonnêtement du bien d'autrui, mais qui le font avec une conscience professionnelle sur laquelle bien des jeunes gens honnêtes seraient bienvenus de prendre exemple.
Non, je veux parler des voleurs amateurs qui volent n'importe quoi, n'importe où, n'importe comment, au petit bonheur des portes ouvertes, et qui repartent sans dire merci, en laissant les traces obscènes de leurs pieds boueux sur les draps brodés de grand-mère qu'ils ont jetés à terre pour y chercher l'improbable magot qui sommeille à la banque.
Rappelle-toi, résidu de gouape, reliquat freluquet de sous-truanderie, rappelle-toi cette nuit de printemps où tu es venu polluer ma maison de ton inopportune et minable équipée.
Tristement encagoulé de gris, tu viens dans ma maison, la sueur froide sous le bas noir et la pétoire sous le bras.
Infoutu de discerner un vase de Sèvres d'un cadeau Bonux, tu voles au ras des moquettes un vieux sac à main où l'enfant rangeait les billets de Monopoly et ses dents de lait pour la petite souris.
Triste rat, tu voles bien bas.
La maison dort, sauf le vieux cocker tordu d'arthrite et à moitié aveugle qui rêvasse au salon sur son pouf.
Il se lève doucement pour aller te lécher un peu, avec cette obstinée dévotion pour nous qui n'appartient qu'aux chiens.
Alors toi, pauvre con, tu lui vides en pleine gueule la moitié de ton chargeur de 11,43, et puis tu files éperdument, veule et cupide gangstérillon de gouttière, la trouille au ventre et chiant sous toi, piaillant aux étoiles les salacités vulgaires attrapées au ruisseau.
La nuit résonne encore à mes oreilles du cliquetis métallique de ton sac de toile plein de vaisselle.
Et moi je reste là, immobile, à te regarder filer, parce que j'ai peur aussi, j'avoue.
Je renâcle à risquer ma vie pour Arcopal et Duralex.
Il y a si longtemps maintenant que j'attends mon cancer je ne vais quand même pas partir sans lui.
Où es-tu aujourd'hui, grêle terreur des chiens mourants ?
Sans doute, courageusement abrité derrière ta quincaillerie militaire, es-tu en train de guetter une petite vieille au coin de sa chambre de bonne, pour lui casser la gueule avant de lui prendre sa carte orange et le cadre en inox avec la photo de ses enfants qui ne viennent plus la voir ?
Je ne te souhaite pas forcément la prison, c'est l'engrais où les âmes pustuleuses et les contaminées s'épanouissent en incurables bubons.
Je ne te souhaite pas non plus quelque mort légale qui ferait de toi, infime et dérisoire épouvantail de terrain vague oublié, un héros de chevalerie zonarde pour progressistes illuminés, ou pire encore, une raison de se réjouir pour les nostalgiques des ordres noirs.
En réalité, je ne te souhaite ni ne te veux rien.
Je tiens seulement à ce que tu saches, Al Capone de poubelle, Mandrin de mes couilles à condition qu'on me les coupe, je veux seulement que tu saches que toute la famille se joint à moi pour te prier d'agréer l'expression de mon plus profond mépris.
Quant au mois de mars, je le dis sans aucune arrière-pensée politique,ça m'étonnerait qu'il passe l'hiver.
-=-=-
Sketchs - stand-up - Chroniques (-18)
Laura Laune : Attention à ce qu’on dit aux enfants Florence Foresti : Younelle Madonna
Alexandre Astier : Le surdoué Pablo Mira : Chronique Elena : Elle fait fondre le public
-=-=-
samedi 7 septembre 2024
-=-=-
Pierre Gesproges
Chroniques de la haine ordinaire
La démocratie
3 mars 1986
Est-il en notre temps rien de plus odieux, de plus désespérant, de plus scandaleux que de ne pas croire en la démocratie ?
Et pourtant. Pourtant.
Moi-même, quand on me demande : ‘’ Êtes-vous démocrate ? ‘’, je me tâte.
Attitude révélatrice, dans la mesure où, face à la gravité de ce genre de question, la décence voudrait que l'on cessât plutôt de se tâter.
Un ami royaliste me faisait récemment remarquer que la démocratie était la pire des dictatures parce qu'elle est la dictature exercée par le plus grand nombre sur la minorité.
Réfléchissez une seconde, ce n'est pas idiot, pensez-y avant de reprendre inconsidérément la Bastille.
Alors que, en monarchie absolue, la loi du prince refuse cette attitude discriminatoire, puisqu'elle est la même pour les pour et pour les contre.
Vous me direz que cela ne justifie pas qu'on aille dépoussiérer les bâtards d'Orléans ou ramasser les débris de Bourbon pour les poser sur le trône de France avec la couronne au front, le sceptre à la main et la plume où vous voudrez, je ne sais pas faire les bouquets.
Mais convenez avec moi que ce mépris constitutionnel des minorités qui caractérise les régimes démocratiques peut surprendre le penseur humaniste qui sommeille chez tout cochon régicide. D'autant plus que, paradoxe, les intellectuels démocrates les plus sincères n'ont souvent plus d'autre but, quand ils font partie de la majorité élue, que d'essayer d'appartenir à une minorité. Dans les milieux dits artistiques, où le souci que j'ai de refaire mes toitures me pousse encore trop souvent à sucer des joues dans des cocktails suintants de faux amour, on rencontre des brassées de démocrates militants qui préféreraient crever plutôt que d'être plus de douze à avoir compris le dernier Godard.
Et qui méprisent suprêmement le troupeau de leurs électeurs qui se pressent aux belmonderies boulevardières.
Parce que c'est ça aussi, la démocratie.
C'est la victoire de Belmondo sur Fellini.
C'est aussi l'obligation, pour ceux qui n'aiment pas ça, de subir à longueur d'antenne le football et les embrassades poilues de ces cro-magnons décérébrés qu'on a vus s'éclater de rire sur le charnier de leurs supporters.
La démocratie, c'est aussi la loi du Top 50 et des mamas gloussantes reconverties en dondons tisanières.
La démocratie, c'est quand Lubitsch, Mozart, René Char, Reiser ou les batailleurs de chez Polac, ou n'importe quoi d'autre puisse soupçonner d'intelligence, sont reportés à la minuit pour que la majorité puisse s'émerveiller dès 20 heures 30, en rotant son fromage du soir, sur le spectacle irréel d'un béat trentenaire figé dans un sourire définitif de figue éclatée, et offrant des automobiles clé en main à des pauvresses arthritiques sans défense et dépourvues de permis de conduire.
Cela dit, en cherchant bien, on finit par trouver au régime démocratique quelques avantages sur les seuls autres régimes qui lui font victorieusement concurrence dans le monde, ceux si semblables de la schlag en bottes noires ou du goulag rouge étoilé.
D'abord, dans l'un comme dans l'autre, au lieu de vous agacer tous les soirs entre les oreilles, je fermerais ma gueule en attendant la soupe dans ma cellule aseptisée.
Et puis, dans l'un comme dans l'autre, chez les drapeaux rouges comme chez les chemises noires, les chefs eux-mêmes ont rarement le droit de sortir tout seuls le soir pour aller au cinéma, bras dessus, bras dessous avec la femme qu’ils aiment.
Les chefs des drapeaux rouges et les chefs des chemises noires ne vont qu'au pas cinglant de leurs bottes guerrières, le torse pris dans un corset de fer à l'épreuve de l'amour et des balles.
Ils vont, tragiques et le flingue sur le cœur.
Ils vont, métalliques et la peur au ventre, vers les palais blindés où s'ordonnent leurs lois de glace. Ils marchent droits sous leurs casquettes, leurs yeux durs sous verre fumé, cernés de vingt gorilles pare-chocs qui surveillent les toits pour repérer la mort.
Mais la mort n'est pas pour les chefs des drapeaux rouges ni pour les chefs des chemises noires.
La mort n'est pas aux fenêtres des rideaux de fer. Elle a trop peur.
La mort est sur Stockholm. Elle signe, d'un trait rouge sur la neige blanche, son aveu d'impuissance à tuer la liberté des hommes qui vont au cinéma, tout seuls, bras dessus, bras dessous, avec la femme qu’ils aiment jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Quant au mois de mars, je le dis sans aucune arrière-pensée politique,ça m'étonnerait qu'il passe l'hiver.
La Cour
4 mars 1986
Je me rappelle ce dîner en banlieue chez ce grand amuseur français, c'était, je crois, en 1982, c'est-à-dire à une époque où il était déjà plus célèbre en France que Roland Dubillard ou la bataille de Marignan.
Il m'avait fait l'honneur d'imaginer que j'étais capable de collaborer à l'écriture d'un film qu'il était plus ou moins sur le point de tourner.
A cet effet, et aussi, je pense, par pure amitié, il m'avait convié à souper chez lui en toute intimité, c'est-à-dire en compagnie de quatre-vingts parasites nocturnes abonnés quotidiens de sa soupe populaire.
Certains hauts personnages accrochent ainsi à leur traîne par altruisme, ou pour se rassurer, des conglomérats gluants d'indécrochables sangsues.
J'en ai vu de ces phagocytaires.
J'en ai vu sautiller humblement derrière un écrivain célèbre.
J'en ai vu, des cultivés à diplômes, s'aplatir voluptueusement pour mieux flagorner une chanteuse grasseyante plus vulgaire qu'une virgule sur le mur gris des toilettes.
J'en ai vu s'accrocher au fauteuil d'infirme d'une vieille star lyophilisée.
J'en ai vu ramper sous des pétasses cinégéniques à lolos centripétes.
J'en ai vu, dans le show-biz, ramper de si peu dignes et si peu respectables qu’ils laissaient dans leur sillage des rires de complaisance aussi visqueux que les mucosités brillantes qu’on impute aux limaces.
Ce soir-là, chez mon hôte, c'en était plein, de la moquette aux baignoires,et jusque sous l'évier où les plus serviles léchaient les serpillières pour avoir l'air utiles.
Bref, si cet homme eût été de la merde, ils en eussent été les mouches.
Quand je suis entré dans le séjour, le maître de céans m'entourant les épaules d'un bras affectueux, ils m'ont regardé drôlement.
Sous les saluts vibrants de jovialité fraternelle où les gens de ce milieu cachent mal leurs indissolubles haines réciproques, je devinais des regards noirs d'inquiétude.
Qu'est-ce que c'est, qu'est-ce qu'il a, qui c'est celui-là, on l'a jamais vu là ?
Et, soudain, j'ai compris avec effarement que j'étais à Versailles, et trois siècles plus tôt.
Ça me crevait les yeux ces sous-punks aux cheveux verts, ces faux loulous qui sentaient les herbes rares et le vin des Rochers chaud, ces intellos d'agences de pub, ces dessinateurs en vogue à l'insolence calculée, ces starlettes argotiques du rock à gogo, ces gens fléchis, courbés, pentus,
c'était la Cour.
La Cour de Louis, le grand, le Soleil, celui-là même que l'État c'était lui, rebaptisé Rigolo XIV pour ce siècle un peu plus étriqué.
Eux étaient ses courtisans, guettant ses miettes et ses bons mots en forçant leur sourire pour s'attirer ses grâces.
Et moi, qu'on n'avait encore jamais vu aux petits soupers du prince, j'étais l'intrus, la menace potentielle de leur avenir improbable, l'importune matérialité d'un favori possible.
Car tous avaient à vendre des idées, des chansons, des sketchs à deux voix, leur sœur, ou un bateau à voile pour le bon plaisir du roi sur l'eau.
Je me rappelle fort bien celui du bateau à voile, il se tenait accroupi aux pieds du maître assis. Fébrilement empêtré dans les maquettes de ses monocoques, il se débattait sans grâce dans un manteau de fourrure pâle, comme un gros labrador mou flattant les escarpins de son chasseur repu, lequel ne l'écoutait même pas, car il dormait un peu, l’œil mi-clos, contemplant les volutes exotiques de son mégot de foin des Indes.
Parmi ces soumis, je reconnus quelques chanteurs électroniques qui brament aujourd'hui encore leur indignation face aux injustices de classe.
J'ai pris congé pour aller vomir plus loin.
Quant au mois de mars, je le dis sans aucune arrière-pensée politique,ça m'étonnerait qu'il passe l'hiver.
-=-=-
Jacques Villeret : Brexit Just Leblanc Les inconnus : la révolution
Jérôme Commandeur : Les gars des Vosges
Florence Foresti / Anne-Sophie de la Coquillette : L’adultère Florence Foresti / Dominique Pipeau : Les vœux
-=-=-
samedi 31 août 2024
-=-=-
Les trois draps du prince d'Orient
20 février 1986
Imaginez, face au Léman gris-bleu que la mouette escagasse, l'un des plus beaux palaces hôtels de Genève.
Un grand beau cube adouci aux entournures, cachant aux yeux du populaire, sous sa brillante carapace de verre fumé, des chambres de princesses et des salons d'ébène où seuls le cliquetis assourdi d'une cuiller d'argent sur un cristal de Daum ou le froissement craquelé d'un billet de cent dollars viennent parfois troubler à peine le silence feutré des moquettes vert tendre si profondes que les plus petits émirs, chatouillés sous les bras par leurs doux poils de laine blanche épurée, les parcourent en pouffant d'un beau rire oriental.
J'y vins dormir trois nuits aux frais de mon éditeur, lequel, ébloui par le chiffre de mes tirages, au seuil de l'année nouvelle, m'avait envoyé ronronner là pour que je m'y partageasse entre deux interviews compassées par-ci et deux intervieweuses compassées par là, avec des gros lolos pour la partie ludique.
Au soir du troisième jour, alors que l'hôtel était bondé d'une horde gominée de parvenus de style Vuitton-Cartier, atterris en ces lieux pour assister à je ne sais plus quel Salon de la décoration de bureau pour amateurs d'ordinateurs Louis XV, voici qu'apparaît à la réception et à l'improviste un magnifique ministre princier d'un État du Golfe, avec une noble tête de pirate du désert sur un ensemble Balmain pied-de-poule, et un gorille élastique et camionnal, beau comme un Depardieu rectifié au brou de noix.
- Cher réceptionniste, dit le ministre, outalib bi alrorfa mia oua tamani yaoua talatin.
- Plaît-il ? s'étonna le réceptionniste.
- Well, dit l'armoire, The Prince says dat he would like to get the room one hundred and thirty eight.
Le réceptionniste, hélas, dut s'aplatir en excuses navrées, la suite 138, celle que le prince et son Rocky-des-sables habitaient habituellement, était exceptionnellement occupée, son Altesse aurait dû réserver.
Mais il restait une chambre simple, la 147.
Or, le ministre exigeait que son garde du corps dormît dans la même suite que lui, sur un lit de camp dans la pièce contiguë.
Hélas, oulala, oulala, cette nuit-là, non seulement il ne restait qu'une chambre, mais tous les lits de camp avaient été réquisitionnés pour les épouses ou les hétaïres des cadres brillantinés sus-décrits.
Son Altesse accepterait-elle exceptionnellement que son collaborateur dormît à l'étage du dessus où restait une chambre mansardée sous le toit ?
- Ya Rarab bi teq ! hurla le ministre.
ce qui peut se traduire en substance par putain de bordel de merde ça va chier nom de Dieu.
Le réceptionniste affolé réveilla le directeur, le prince était le meilleur client de l'hôtel.
L'été, il venait prendre les eaux du lac avec son harem, les cousines de son harem, les sœurs des cousines de son harem et des tas de potes sous-émirs pétrolifères djellabiques qui venaient déverser leurs milliards superflus par les fenêtres du casino.
La seule exigence de ce client en or était qu'on fît dormir son musclé près de lui.
- Je suis infiniment confus, dit le directeur. Je ne vois qu'une solution, ce serait que Monsieur, ajouta– t-il en montrant la bête humaine, couche dans le lit de Votre Altesse, dans la chambre 147. Je ferai remarquer à Votre Altesse qu'il s'agit d'un lit de deux cent cinquante centimètres de large, ce qui exclut toute éventualité de promiscuité désobligeante.
- N'est-ce pas ? ajouta-t-il avec un accent vaudois approximatif, car il était de Berne.
- Ya Rarab bi teq ! Re hurla la seigneurerie, signifiant qu'il n'était absolument pas question qu'un prince de sang s'allongeât jamais dans les mêmes draps qu'un roturier du même sexe.
Finalement, c'est une petite soubrette espagnole qui trouva la solution.
Elle suggéra timidement qu'on mît trois draps dans le lit.
Le prince dormirait entre le premier et le deuxième drap.
Le gorille entre le deuxième et le troisième drap.
On l'applaudit.
On fit comme elle avait dit.
Tout le monde dormit bien cette nuit-là.
Le prince n'épousa pas la soubrette, mais il lui fit porter des fleurs tout à fait merveilleuses qui la firent s'évanouir de ravissement.
Cette fable ne vaut que parce qu'elle n'en est pas une.
Elle est authentique, et rassurante, dans la mesure où elle nous prouve qu'on a souvent besoin d'un plus petit que soi pour réussir le clivage des classes sociales dans les contes à dormir couché.
Quant au mois de mars, Ya Rarab bi teq, je le dis sans aucune arrière-pensée politique, ça m'étonnerait qu'il passe l'hiver.
Joëlle
24 février 1986
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais signaler que moi aussi j'ai vu les Césars, très bien.
Toute cette vraie sincérité qui éclate sur les visages de ces gens qui sont si malheureux de ne pas pouvoir partager leur cadeau avec les ouvreuses et les machinistes.
Je tenais à en profiter pour remercier France Inter sans qui je serais sur Europe 1.
Je voudrais remercier ce micro sans lequel ma voix ne toucherait pas Barbizon.
Je voudrais remercier Rika Zaraï de n'être pas venue à cet enregistrement avec Leprince-Ringuet, son amant.
Et puis, finalement, je voudrais remercier mon cul d'avoir supporté mes jambes pour venir jusqu'à vous ce soir.
J'ai une enfant douée d'un tempérament très original.
Elle regarde RécréA 2, elle a des bisounours, elle aime le chocolat au lait et elle collectionne les autocollants.
Elle passe le plus clair de ses loisirs à m'engluer de tendresse afin que je fasse jouer mes relations dans le milieu des calicots pour lui obtenir, à n'importe quel prix, n'importe quelle sorte de vignettes pourvu qu'elles soient adhérentes sur tous les supports, y compris sur le chat qui, bien que noir de poil et persan d'origine, pour ne pas dire arabe, se promenait hier encore avec un dossard proclamant son soutien à Jean-Marie Le Pen.
Samedi matin, comme cette petite personne rentrait de l'école avec RTL sur le pull et Europe 1 entre les oreilles, quelle honte, je lui signifiais sévèrement ma réprobation pour cet engagement cocardier, quand le téléphone fit quoi ? Sonna.
C'était Joëlle Kauffmann, la femme de Jean-Paul.
Je devrais dire la femme sans Jean-Paul, car elle ne vibre, ne bouge, ne se désole et ne se démène qu'au fond du trou sans fin de cette absence qui lui mange la vie.
Elle me demandait de venir, éventuellement, l'après-midi même, sur la péniche amarrée sous le Pont-Neuf, où est installé le comité de soutien à Jean-Paul Kauffmann et aux autres otages.
Elle donnerait une conférence de presse à 16 heures pour souligner le début du dixième mois de détention de son mari et de Michel Seurat, du douzième mois pour Fontaine et Carton.
En règle générale, je ne manifeste jamais mes sentiments, mes idéaux, mes combats en public, sauf quand c'est payé.
J'ai mes pauvres, j'ai mes déshérités, et j'ai des opinions, mais je m'interdis le plus souvent de les exhiber en public, persuadé qu'il y a toujours une certaine impudeur à montrer son cœur à tous les passants pour pas un rond, alors qu'on se fait rétribuer pour leur montrer son cul.
Et puis, je suis bien trop maladivement individualiste pour manifester à plus de un.
Mais, je ne sais pas pourquoi, je ne résiste pas à Joëlle Kauffmann.
Elle me bouleverse à force de ne jamais s'effondrer.
Elle va faire libérer son bonhomme parce que neuf mois, ça suffit comme ça, faut pas pousser, allons, allons, ouvrez-moi cette porte et brisez-moi ces barreaux.
Joëlle Kauffmann me fait penser à une autre femme que je connais qui a un cancer et qui va guérir parce que ‘’ la mort, comprenez-vous, je n'ai tout de même pas que ça à faire ‘’
Une question me hantait : ‘’ Chère Joëlle, est-ce que vous distribuez des autocollants sur votre péniche ? ‘’, elle me dit que oui.
J'allai donc à sa conférence de presse.
Il faisait un froid bleu sur Paris, et sur la Seine un de ces vents qui pincent et bleuissent et foulent aux pieds les espoirs de monsieur Thermolactyl.
Joëlle nous a fait du vin chaud avec de la cannelle. Il y avait là, tassés comme des oiseaux frileux dans le nid de ce bateau ventru, des journalistes aussi bronzés que célèbres, un architecte émouvant, d'autres journalistes pâles et moins connus, et puis cette poignée de jeunes gens incroyables et bénévoles qui se shootent à l'espoir vrai quand d’autres se fixent à l'héroïne.
Joëlle est montée sur le pont pour lire son communiqué à la presse.
Elle a le nez rougi par la bise et les yeux pétillants, sombres, farouches du désir d'en finir avec ce calvaire inhumain jonché d'inquiétudes mortelles et du désert de lui.
Pendant que les gens d'Antenne 2 montent leur caméra baladeuse avant de l'enregistrer, elle me prend par le bras et se met à rire en regardant le Pont-Neuf.
Elle me raconte que, quand Christo a eu emballé l'ouvrage, il s'est montré un peu ennuyé de la promiscuité forcée de son œuvre avec cette péniche placardée de photos des otages :
‘’ Vous comprenez, madame, nous faisons la fête de la joie, et vous, vous nous montrez le drame, c'est fâcheux, vous pourriez peut-être aller plus loin ?.
C'est parfaitement authentique, et je signale que tous les médias étaient au courant de cette anecdote et qu'aucun n'en a jamais soufflé mot parce que, en France, terre des couards et des faux-culs, les mêmes qui se pâment devant Guernica vous feront remarquer qu'on ne mélange pas l'Art et la douleur dans la même rubrique.
Aux cris de ‘’ Libérez Kauffmann et le Pont-Neuf ‘’, les amis de Joëlle ont fait revenir Christo sur ses aspirations séparatistes.
Maintenant, Joëlle est sur le pont.
C'est plus qu'une image, c'est une figure de proue.
Elle lit d'une voix forte et décidée :
‘’ Samedi 22 février 1986: neuf mois de détention pour Jean-Paul Kauffmann et Michel Seurat, onze mois pour Marcel Carton et Marcel Fontaine. Que signifie pour nous de marquer la date mensuelle de cette criminelle détention qui ne trouve pas d'issue ?.
Au-delà de ma propre douleur, je renouvelle, pour mes enfants et ma famille, un appel désespéré à tout homme de bonne volonté, ici ou ailleurs, en France et en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient, pour contribuer à la libération immédiate de Jean-Paul et de ses compagnons de détention ‘’
Fin de citation, fin du jour, fin du vin chaud.
Ce soir lundi est le deux cents soixante-quinzième jour après le premier jour où la vie des Kauffmann s'est mise entre les parenthèses d'acier de la folie des hommes.
Moi, je m'en fous, j'ai mon autocollant.
Et, depuis ce matin, sur le cahier d'écolier où Eluard écrivait ton nom et où j'écris cette chronique, j'ai mis près du tien :
Liberté, le nom de Kauffmann.
Quant au mois de mars, je le dis sans aucune arrière-pensée politique,ça m'étonnerait qu'il passe l'hiver.
Sketchs - stand-up - Chroniques (-18)
Blanche Gardin / Marjorie Poulet : A la plage - Hollywood - Spécial misère
Palma show : Les agents immobiliers Pierre Desproges : Que choisir
-=-=-
samedi 24 août 2024
-=-=-
Pierre Desproges
Chroniques de la bêtise humaine
Humilié
14 février 1986
Connaissez-vous rien de plus humiliant, pour une grande personne, que d'être publiquement déculottée par un enfant ?
J'entends ‘’ déculottée ‘’ au sens figuré, cela va de soi.
Pour ce qui est des tentatives de détournement de majeur, faites-moi confiance, je sais me défendre.
En revanche, j'entends ‘’ grande personne ‘’ au sens propre, trois fois hélas, je devrais dire quarante-six fois hélas, mon expulsion placentaire ayant coïncidé avec le début d'un exode encore plus général.
Je suis même une grande personne en voie de tassement.
Je commence à m'essouffler dans les secrétaires, même bilingues.
Bientôt, j'accosterai sur les rives mortelles du Troisième Age, celui où tout bascule, où l'on s'éveille un triste matin sur les genoux, avec les mains froides et le gris aux tempes.
La veille encore, tout allait bien pour toi, mon frère :
tant qu'il a les artères plus molles que le sexe, l'étalon piaffe.
Et puis, plaf, tu sais ce que c'est, quand l'un de ses membres ne lui permet plus de cavaler, on abat le vieux cheval... Pouf, pouf !.
Avant ces digressions de cimetière où la grisaille givrée de cet hiver de merde me pousse malgré moi,
j'allais vous narrer comment je fus récemment humilié, que dis-je, bafoué au plus profond de ma vanité de mâle à poil dur, par un petit garçon.
Un petit Suisse, tout laiteux, tout sucré, qui s'appelait Hans et qui avait huit ans et demi au moment des faits, c'est-à-dire avant-hier.
Un petit garçon normal, avec des cheveux tendres et des yeux bleus parallèles.
Je venais de déjeuner avec quelques amis chez son papa, un Suisse riche, un Suisse qui fournit des rations-repas aux compagnies d'aviation du monde entier.
Un type bien, ne me faites pas dire qu'un con fait des rations helvétiques, je ne calemboure point dans les alpages.
Au pousse-café, Hans-qui me tient pour un être exceptionnel parce que je dis des gros mots dans le poste voulut à tout prix me montrer sa chambre.
C'était, sur douze mètres carrés, du sol au plafond et jusque sous le lit, un musée de l'avion, avec tout ce qui vole, plane ou sombre, depuis les biplans incertains façon Blériot jusqu'à l'invincible navette d'artifice que vous savez, en passant par le Bréguet-deux-ponts et le Spirit-of-SaintLouis.
Hans m'expliqua que son père avait naturellement aidé à sa collection d'aéroplanes mais que, maintenant, ce qui l'intéressait surtout, c'était les chasseurs et les bombardiers.
Quand nous fûmes revenus au salon, je félicitai le gamin pour la stupéfiante précocité de son aérophilie casanière, tout en m'étonnant tout de même de sa nouvelle attirance vers les machines de guerre.
- Je m'en fous, quand je serai grand, je serai pilote de chasse, décréta-t-il,avec une pointe d'agressivité dans le ton.
Et alors moi, pauvre moraliste de café-tabac,
voilà-t-il pas qu'emporté par un élan de pacifisme moisi indigne du responsable du stage rafia longue durée de la Maison de la culture de Saint-Jérôme-Deschamps,
voilà-t-il point qu'au lieu de me taire, exalté à cœur par les brumes de mon Davidoff mêlées aux effluves de la poire Williams,
revoilà-t-il re-point que je m'entends dire que : pas beau la guerre et que à caca la mitrailleuse et que c'est vilain tacatacaboum.
- Voyons, Hans, mon petit pote, ce qui te plaît, dans l'avion, c'est de voler. Mais pourquoi veux-tu à tout prix voler dans l'armée ? Sais-tu bien ce que cela représente, comme morts à venir, un pilote de chasse ?
Sais-tu que ça peut tuer, un pilote de chasse ?
Et lui, poliment surpris :
- En Suisse ?
Hu-mi-lié !
Quant au mois de mars, je le dis sans aucune arrière-pensée politique, ça m'étonnerait qu'il passe l'hiver.
-=-
Criticon
19 février 1986
Un critique de films, dont je tairai le nom afin qu'il n'émerge point du légitime anonymat où le maintient son indigence, écrivait dans un hebdomadaire dans lequel, de crainte qu'ils n'y pourrissent, je n'enfermerais pas mes harengs, un critique de films, disais-je donc, avant de m'ensabler dans les méandres sournois de mes aigreurs égarées entre deux virgules si éloignées du début de ma phrase que voilà-t-il pas que je ne sais plus de quoi je cause,
un critique de films écrivait récemment, à propos, je crois, d'un film de Claude Zidi, deux points ouvrez les guillemets avec des pincettes :
‘’ C'est un film qui n'a pas d'autre ambition que celle de nous faire rire ‘’. »
Je dis merci, merci à toi, incontinent crétin justement ignoré, merci d'avoir fait sous toi, permettant ainsi à l'humble chroniqueur radiophonique quotidien de trouver matière (je pèse mes mots) à entretenir sa verve misanthropique que les yeux tendres des enfants et la douceur de vivre en ce pays, sans barreaux aux fenêtres des dictateurs en fuite font encore trop souvent chanceler. (C'est la verve qui chancelle.)
Merci, sinistrissime ruminant, pour l'irréelle perfection de ta bouse, étalée comme un engrais prometteur sur le pré clairsemé de mon inspiration vacillante où je cherchais en vain ce soir les trèfles à quatre griffes de ma haine ordinaire qui s'épanouit jour après jour au vent mauvais qui l'éparpille sur 1852 mètres grandes ondes avant la publicité pour le GANet, l'UAP et le journal de Patrice Bertin, mais pour écouter dans les tunnels, essayez la FM.
Relisons ensemble cette sentence digne de figurer au fronton du mausolée à la gloire du connard inconnu mort pour la transe :
‘’ C'est un film qui n'a pas d'autre ambition que celle de nous faire rire. ‘’
D'abord, je passerai sur l'écrasante fadeur du lieu commun.
On a justement mis le doigt récemment sur l'immense ennui distillé à longueur de discours par la fameuse langue de bois des politichiens et des politicons.
Mais tirez donc celle de certains journalistes, et vous verrez qu'elle est chargée :
‘’ On se perd en conjectures sur les causes de l'accident, et on murmure dans les milieux généralement bien informés qu'on laisse entendre de source sûre, mais devant l'amas de tôles froissées et de poutres calcinées, l'innocente victime ne fait que répéter " C'est affreux, c'est affreux ", et gageons que cette soirée n'engendrera pas la mélancolie. Nous y revoilà.
Je sens qu'ils vont bien dormir au sommet de la francophonie.
Ce qui (sans génie, je vous l'accorde) me fait bouillir, c'est qu'un cuistre ose rabaisser l'art, que dis-je, l'artisanat du rire au rang d'une pâlotte besognette pour façonneur léthargique de cocottes en papier.
Qu'on me comprenne, je ne plaide pas pour ma chapelle.
D'ailleurs, je ne cherche pas à vous faire rire, mais seulement à nourrir ma famille en ébauchant ici, chaque jour, un grand problème d'actualité.
Ceci est une chronique qui n'a pas d'autre prétention que celle de me faire manger.
Mais qui es-tu, zéro flapi, pour te permettre de penser que le labeur du clown se fait sans la sueur de l'homme ?
Qui t'autorise à croire que l'humoriste est sans orgueil ?
Mais elle est immense, mon cher, la prétention de faire rire.
Un film, un livre, une pièce, un dessin qui cherchent à donner de la joie (à vendre de la joie, faut pas déconner), ça se prépare, ça se découpe, ça se polit.
Une oeuvre pour de rire, ça se tourne, comme un fauteuil d'ébéniste, ou comme un compliment, je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire avec ce trou béant dans ta boîte crânienne.
Molière,qui fait toujours rire le troisième âge, a transpiré à en mourir.
Chaplin a sué, Guitry s'est défoncé, Woody Allen et Mel Brooks sont fatigués, souvent, pour avoir eu, vingt heures par jour, la prétention de nous faire rire.
Claude Zidi s'emmerde et parfois se décourage et s'épuise et continue, et c'est souvent terrible, car il arrive que ses films ne fassent rire que lui et deux charlots sur trois.Mais il faut plus d'ambition, d'idées et de travail pour accoucher des Ripoux que pour avorter de films fœtus à la Duras et autre déliquescences placentaires où le cinéphile lacanien rejoint le handicapé mental dans un même élan d'idolâtrie pour tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la merde.
Pauvre petit censeur de joie, tu sais ce qu'il te dit monsieur Hulot ?
Quant au mois de mars, je le dis sans aucune arrière-pensée politique,ça m'étonnerait qu'il passe l'hiver.
-=-=-
-=-=-
samedi 17 août 2024
-=-=-
Pierre Desproges
Chroniques de la haine ordinaire
La drogue, c'est de la merde
7 février 1986
Cela s'appelle un clip, parce que c'est bref. Je dirais plutôt un film, parce que ça dit une histoire, ça porte une idée.
Dans la cour d'un lycée, un grand adolescent commun tourne autour d'une gamine.
On le devine encore boutonneux, elle, toujours chrysalide, avec, dans les yeux, cet émoi brûlant qu'elles ont à l'âge des seins qui poussent.
Un petit garçon joli les regarde, intrigué, peut-être inquiet.
Le grand, doucement, enveloppe la petite de son bras rassurant.
Il la pousse ainsi jusqu'aux toilettes.
Là, il extrait de sa poche un petit sachet blanc et le pose sur le rebord du lavabo.
David, j'aime à penser que le petit s'appelle David, tout philosémitisme mis à part, s'interpose alors entre la nymphe et l'acnéen, s'empare du sachet blanc, jette dans la lunette du cabinet, et Il tire la chasse d'eau.
Apparaît alors, bouffant tout l'écran en lettres d'or, ce cri du cœur :
‘’ La drogue, c'est de la merde ‘’.
Ce petit film, qu'on verra dans les salles de cinéma dans quelques jours et à la télévision si les programmateurs s'éveillent à l'intelligence, on peut rêver, a été écrit et réalisé par Jean-Marie Périer, en collaboration étroite et avec le chaleureux soutien de Jacques Séguéla, dont le quotient intellectuel dépasse largement le chiffre de la température anale dès qu'il cesse de nous comparer le message publicitaire à l'expression onirique de quelque néoromantisme éthéré.
Le film de Périer et Séguéla dure une minute.
C'est un chef-d’œuvre.
Ça existe, un chef-d'œuvre de soixante secondes.
Personnellement, je n'échangerais pas Viens poupoule contre deux barils de la Traviata, ni ce film-plume-ci contre deux quintaux de Lelouch.
C'est beau et terriblement efficace. Je l'ai montré à une petite fille qui m'est familière et qui a presque l'âge de celle du film, et j'ai lu dans ses yeux, furtif et flamboyant, le dégoût salutaire des immondices exotiques.
Et pourtant, Dieu m'émascule, si possible au laser ça fait moins mal, il s'est trouvé de consternantes badernes pour hurler au scandale.
Ces censeurs, que seule la crainte du pléonasme m'interdit de qualifier d'imbéciles, se sont montrés choqués par la dureté du film.
Engoncés dans le carcan étriqué de leurs certitudes apprises, ils sont de ceux qui hurlent à la lune morte les cris de leur cœur surgelé : on ne doit pas dire de gros mots, même pour lutter contre la drogue.
On ne doit pas mettre ses doigts dans son nez quand on monte à l'assaut.
On ne doit pas mettre ses coudes sur la chaise électrique.
Les mêmes se justifient en arguant que ce type de propagande attire les jeunes vers la drogue au lieu de les en dégoûter.
Ils disent aussi que les manifs antiracistes exacerbent les désirs de pogrom des eunuques en cuir.
Alors quoi ? Chut, silence, pas un mot ?
Après tout, c'était le bon temps, celui où leur bonne, enceinte de leurs soubresauts obscènes, se défonçait sans bruit les entrailles à l'aiguille à tricoter avant d'aller crever au caniveau, comme un junkie sous overdose.
Je connais bien ce type d'argument.
Récemment, à la fin d'un spectacle,dans une ville de province, j'ai reçu dans ma loge un journaliste d'une radio locale (j'ai trop de respect pour la liberté pour appeler ça une radio libre), un de ces zombies mous qui s'imaginent qu'il suffit de flatuler dans un walkman pour faire de la radiophonie.
En essayant de brancher son Philips à deux têtes sur un magnétophone Henri II, ce mammifère me dit qu'il avait aimé l'essentiel de mon spectacle, ce qui me rembrunit d'emblée.
Et puis, il ajouta, je cite sans fioritures, :
- Mais comment que ça se fait que, dans vos sketches, vous rigolez des cancéreux ?
Et d'ajouter, devant ma mine navrée :
- En tout cas, vous critiquez le cancer.
Quant au mois de mars, je le dis sans aucune arrière-pensée politique,ça m'étonnerait qu'il passe l'hiver.
Dieu n'est pas bien
12 février 1986
Ce matin-là, qui était le matin du septième jour, Dieu ne se sentit pas très bien.
Il faut dire que, les six premiers jours, il n'avait pas ménagé sa peine, créant coup sur coup la lumière, la terre, les mers, l'homme, les animaux, ciel bleu, les étoiles jaunes, enfin tout ce bordel de Dieu qui nous entoure et sans lequel nous n'aurions jamais pu connaître l'arthrite du genou ni la bombe à neutrons.
Et donc, le septième jour, Dieu se sentit mou et s'en fut consulter l'interne de garde à l'Hôtel-Dieu.
- Comment allez-vous, mon Dieu ? s'enquit le docteur.
Et Dieu dit :
- Bof, comme un lundi.
C'est fâcheux, dit le docteur, on est dimanche. Mais que ressentez-vous précisément ?
Et Dieu dit :
- C'est difficile à dire, j'ai l'impression d'être creux et sans contours, comme ballonné, mais sans la baudruche autour du rien. L'impression de ne pas être là et de ne pas être ailleurs non plus. Pour être clair, docteur, je crois que je n'existe pas. Dans ma situation, vous comprendrez que c'est extrêmement pénible.
- Rassurez-vous, ce n'est qu'une sensation, affirma le docteur, qui était plus pieux qu'une cuisse de grenouille intégriste, je vais tout de même vous examiner. Dites 33 !.
Et Dieu dit :
- On ne donne pas d'ordre à Dieu. On le prie.
- Je vous prie de dire 33, dit le docteur.
Et Dieu dit :
- 33, 33, 33.
- Bien,maintenant, faites aaaa. Je vous prie de faire aaaa.
Et Dieu dit :
aaaa.
- Vingt dieux ! s'exclama le docteur qui voyait grand.
Et Dieu dit : -é a o eu ? é i a ?
- Eh bien, c'est incroyable, vous avez la gorge si sombre que je n'y vois rien.
Et Dieu dit :
- C'est normal. Les voies du Seigneur sont impénétrables.
- Mais vous n'avez pas de moi profond ! Sans son moi profond, on ne peut pas vivre, reprit le docteur.
- Quand je vous disais que je n'existe pas, c'est pas des conneries, dit Dieu.
- C'est égal, on est bien peu de chose, constata le docteur.
- On n'est même rien du tout, oui, dit Dieu , ni moi ni vous puisque sans moi pour vous créer,
vous l'avez dans le ...... néant.
- Ah nom de Dieu, dit le docteur.
- Je vous en prie, dit Dieu, combien vous dois-je, docteur ?
- Je ne sais pas, moi, donnez-moi ce que vous voulez, donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien.
- Comme d'habitude ?
- Comme d'habitude.
- Et deux baguettes bien cuites pour le docteur Freud, dit Dieu.
Quant au mois de mars, je le dis sans aucune arrière-pensée politique,ça m'étonnerait qu'il passe l'hiver.
-=-=-
Sketchs, stand-up, Chroniques (-18)
Pierre Desproges : Refus de la drague Anne Sinclair / Pierre Desproges : Les cons, la guerre, et les impôts
Guy Bedos : Le tube de l’hiver Sophie Daumier / Guy Bedos : Private Club
Valérie Lemercier : César 2024 Alison Wheeler / Monsieur Poulpe : Ou alors ?
-=-=-
samedi 10 août 2024
-=-=-
Pierre Desproges
Chroniques de la haine ordinaire
Les restaurants du foie
4 février 1986
Attention, attention. Il n'y a pas que les nouveaux pauvres, il y a les nouveaux riches.
Pour venir en aide à mes amis nouveaux riches qui crèvent dans leur cholestérol en plein hiver à Méribel, j'ai décidé d'ouvrir les restaurants du foie.
Envoyez-moi des tonnes de verveine et des quintaux de biscottes sans sel, le bon Dieu vous les rendra.
Sans vouloir offenser les marchands de confitures, il faut bien se rendre à l'évidence, les sirupeux commencent à nous les engluer.
Depuis des lustres, déjà, la mièvrerie d'un humanisme sanglotant enrobait l'Homo sapiens occidental, infiltrant en son cœur débordant de remords colonialistes le flot sucré de la plus vulgaire sensiblerie.
Mais bon, on se contentait de patauger dans le filandreux sans s'y noyer :
trois sous pour l'abbé Pierre,
une marraine pour le Vietnam,
une cuillerée pour Mamadou,
et l'on pouvait retourner finir son foie gras la conscience débarbouillée, et l'âme dans les pantoufles.
Mais voici qu'une horde électronique de rockers anglophones surgavés d'ice-creams se prend soudain d'émotion au récit pitoyable de la misère éthiopienne dont les navrantes images nous prouvent en tout cas qu'on peut garder la ligne loin de Contrexéville.
Gravés sur le vinyle, les miaulements effrayants et les brames emmêlés de ces chanteurs transis déferlent un jour sur les ondes, et c'est alors le monde entier qui glougloute dans la mélasse, la larme en crue et la honte sous le bras.
Pantelants d'admiration pour tout ce qui vient d'Amérique, les troubadours fin de siècle du rock auvergnat veulent faire la même chose.
Ils s'agglutinent en vain aux portes des maquignons du 33 tours, Renaud a eu l'idée avant.
Alors, ils chantent avec lui.
À la vue du clip de ces durs en cuir pissotant leur douleur sur leurs leggings, Margot, dégoulinante de chagrin panafricain, se prive des Mémoires de Patrick Sabatier pour pouvoir s'acheter le disque.
Survient l'hiver.
Les nouveaux cons tuent la dinde.
Les nouvelles dindesses zibelinent.
Les nouveaux pauvres ont faim.
Les charitables épisodiques, entre deux bâfrées de confit d'oie, vont pouvoir épancher leurs élans diabétiques.
Le plus célèbre des employés de Paul Lederman ouvre les Restaurants du cœur.
Des tripiers doux, des épiciers émus, de tendres charcutiers, le cœur bouffi de charité chrétienne et la goutte hyper glycémique au ras des yeux rouges, montrent leur bonté à tous les passants sur les trois chaînes.
Margot revend son disque pour l'Éthiopie pour acheter des pieds de porc aux chômeurs islamiques.
Telle une enfant sud-américaine s'enfonçant dans la boue, la France entière fond doucement dans le miel.
Des auréoles de saindoux poussent au front des nouveaux bigots du show-biz, ca tartuffe sur TF 1.
Dans la foulée, un chanteur sans père se donne aux orphelins, c'est Sans famille sur Antenne2.
Un animateur lacrymal chante la complainte à nodules des damnés, c'est saint Vincent de Paul sur FR 3.
Infoutus d'aboutir, les pontifes d'Esculape tendent la sébile aux carrefours, SOS métastases, médecins sans scanner,
‘’ ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant ‘’, partout les alarmés du salut nous poissent de leurs déjections sucrées.
Heureusement, Dieu m'écartèle, si possible sous anesthésie générale, il reste encore en France, en Colombie, en Éthiopie, des humains qui n'ont rien perdu de leur dignité, qu'un sort heureux a mis à l'abri de la pitié des hommes.
Eux n'ont pas à mendier, en casquette à galon doré, ils somnolent dans les tourelles antiseptiques de leurs chars astiqués.
Ils sucent des caramels en attendant le déclenchement de la troisième.
Quand on lèvera des impôts pour les mourants du monde et qu'on fera la quête pour préparer les guerres, j'irai chanter avec Renaud.
En attendant,oui, mon pote, j'ai cent balles, et je les garde.
Quant au mois de mars, je le dis sans aucune arrière-pensée politique,ça m'étonnerait qu'il passe l'hiver.
( à suivre )
Sketchs, stand-up, Chroniques (-18)
Nicole Ferroni : Séance de thérapie La méditation
Thaïs Vauquières : Multiplier nos chances de pécho
-=-=-
samedi 3 août 2024
-=-=-
Pierre Desproges
Chroniques de la haine ordinaire
-=-
Il était temps que janvier fît place à février.
Janvier est de très loin le mois le plus saumâtre, le plus grumeleux, le moins pétillant de l'année.
Les plus sous-doués d'entre vous auront remarqué que janvier débute le premier.
Je veux dire que ce n'est pas moi qui ai commencé.
Et qu'est-ce que le premier janvier, sinon le jour honni entre tous où des brassées d'imbéciles joviaux se jettent sur leur téléphone pour vous rappeler l'inexorable progression de votre compte à rebours avant le départ vers le Père-Lachaise.
Dieu merci, cet hiver, afin de m’épargner au maximum les assauts grotesques de ces enthousiasmes hypocrites, j'ai modifié légèrement le message de mon répondeur téléphonique.
Au lieu de "Bonjour à tous", j'ai mis "Bonne année mon cul".
C'est net, c'est sobre, et ça vole suffisamment bas pour que les grossiers trouvent ça vulgaire.
-=-
Plus encore que les quarante-cinq précédents mois de janvier que j'ai eu le malheur de traverser par la faute de ma mère, celui-ci est à marquer d'une pierre noire.
Je n'en retiens pour ma part que les glauques et mornes soubresauts de l'actualité dont il fut parsemé :
C'est un avocat très mûr qui tombe, sa veuve qui descend de son petit cheval pour monter sur ses grands chevaux.
-=-
Côté bouillon de culture, Francis Huster attrape le Cid avec Jean Marais.
-=-
Au Progrès de Lyon, le spécialiste des chiens écrasés et le responsable des chats noyés, apprenant qu’Hersant rachète le journal, se dominent pour ne pas faire grève.
-=-
Le 15, premier coup dur, Balavoine est mort.
-=-
Le 16, deuxième coup dur, Chantal Goya est toujours vivante.
-=-
Le 19, on croit apercevoir mère Teresa chez Régine.
C'était Bardot sous sa mantille en peau de phoque.
-=-
Le 23, il fait 9° à Massy-Palaiseau, on n'avait pas vu ça, un 23 janvier depuis 1936.
Et je pose la question :
Qu'est-ce que ça peut foutre ?
-=-
Le 26, sur TF 1. le roi des Enfoirés dégouline de charité chrétienne dans une entreprise de restauration cardiaque pour nouveaux pauvres.
Heureusement, j'ai mon Alka-Seltzer.
-=-
Le 27, l'un des trois légionnaires assassins du Paris-Vintimille essaie timidement de se suicider dans sa cellule. Ses jours ne sont pas en danger.
Je n'en dirais pas autant de ses nuits.
-=-
Le 29, feu d'artifice tragique à Cap-Kennedy.
Bilan: 380 tonnes d'hydrogène et d'oxygène liquides bêtement gâchées.
-=-
Enfin voici février.
Sec comme un coup de trique et glacé comme un marron.
Avec son Mardi gras qui nous court sur la crêpe.
C'est le mois de Saint Blaise, qui rit dans son ascèse,
et de sainte Véronique, qui pleure dans les tuniques.
-=-
A suivre ….
-=-=-
Sketchs, stand-up, Chroniques (-18)
Jérôme Commandeur : Iphone François Rollin : Peut'on rire de tout ? Progression aléatoire
Les inconnus : les restaurants Alex Vizorek : Le bac de Philo
Diane Segard : Bilan de compétence Qui suis-je ? La maman de Garance Alors, séduit ? Ras le Q
-=-=-
samedi 27 juillet 2024
-=-=-
François Rollin
Quelques extraits dont certains du dictionnaire amoureux de la bêtise par un prince loufoque du royaume d'Absurdie
-=-
En réalité les deux graphies sont admises :
Si Alfred de Musset en personne a pu écrire : Je prends la liberté de vous envoyer ci-jointes des rillettes,
on écrirait tout aussi impunément, et à condition de prévoir l'emballage idoine :
Je prends la liberté de vous envoyer ci-joint des glaces à l'abricot.
-=-
Dans mon immense naïveté, j'avais toujours pensé que Laurent concevait, préparait, écrivait lui-même les nombreuses émissions qu'il anime.
Je me trompais. Je le découvre entouré d'une cohorte de secrétaires bimbo, toutes mieux gaulées les unes que les autres, comme disait mon copain Jean d'Ormesson, de superbes créatures qui bombycinent autour du Ruquier comme autant d'asticots sur une tête de veau en décomposition.
la comparaison n'est pas flatteuse, mais c'est celle qui me vient en premier.
-=-
On ne fait pas boire l’âne qui n’a pas soif.
On n’instruit pas celui qui se pense déjà instruit.
On ne délivre pas de la bêtise celui qui est dépourvu d’empathie.
-=-
La connerie, la vraie connerie, la connerie rutilante, la connerie superbe, c’est l’homme.
-=-
Ce sont toujours les cons qui l’emportent, étant donné leur surnombre.
-=-
L’âne, en somme (bête de somme), suscite légitimement de nombreux commentaires, mais il n’est nullement établi qu’il soit bête.
Du reste, à l’abbaye de Mortemer, j’ai été attiré par le braiment d’un âne, que j’ai rapidement trouvé, paissant paisiblement dans un pré clôturé.
Je lui ai tendu un chardon, qu’il est venu manger.
Après quoi je lui ai tendu mon téléphone portable, et il ne l’a pas mangé.
-=-
L’âne est têtu, c’est une affaire entendue, il est doux ,et il n’est pas contestable qu’il possède une tête, une queue, et quatre pattes.
C’est ce qui ressort de l’énigme orale laborieuse bien connue :
Vincent mit l’âne dans un pré et s’en vint dans l’autre.
Combien y a-t-il en tout de têtes, de queues, et de pattes ?
-=-
La bêtise triomphe à tous les étages, avec arrogance, mépris, et la complicité de tous les fonctionnaires qui se reconnaîtront.
-=-
Que l’on est bête, quand on est amoureux, que l’on est bête, mais comme on est heureux.
En amour, l’esprit est une enclume, et c’est lourd quand on est fait de plumes.
-=-
Tu es ma muse, tu es ma joie, tu es mon équilibre, tu es ma mémoire, tu es ma source, tu es ma raison d’être, tu es mon tremplin, tu es mon carburant, tu es ma force, tu es mon soleil.
Je ne vois pas d’autre moyen de te dire ma reconnaissance que de me prosterner à l’instant à tes genoux.
-=-=-
Sketchs, stand-up, Chroniques (-18)
François Rollin
Les contes de Noël Le professeur se rebiffe Petite devinette L’expérience Code bancaire
Sophie Daumier / Guy Bedos
Vacances à Marrakech Aimez-vous les uns les autres La drague
Blanche Gardin
-=-=-
samedi 20 juillet 2024
-=-=-
Perles médicales
(en l’état)
-=-
Je viens vous voir parce que mon fils a une infection urinaire, c'est mon médecin qui lui a prescrit
-=-
Si j'ai de la température ?
Oui, deux : j'ai chaud et j'ai froid
-=-
Si je vais garder mon pace-maker longtemps ?
Non, j’attends juste que la mode passe
-=-
Combien j'ai comme tension?
Oh Docteur pas beaucoup, à peu près 300€ par mois
-=-
Docteur, il y a du sang dans ses aisselles
-=-
Ah oui Madame l'infirmière, j'ai bien pris ma température au pli de la laine
-=-
Docteur, j'ai des mangeaisons
-=-
J'ai peur d'avoir attrapé le SIDA, j'ai fait frotti-frotta avec une meuf.
S'il y a eu pénétration?
Non, on était habillé.
-=-
Oui madame je tousse j'ai de la fièvre je ne me sens pas bien du tout.
Prendre un rendez vous avec le médecin ?
Non, c'est pour annuler celui que j'ai aujourd’hui, justement.
-=-
Bonjour Docteur, alors il faudrait me faire une échographie tout de suite, pour savoir qui est le père
-=-
Mon médecin m'a prescrit du " Fepalcon " contre le stress
-=-
Docteur, je viens vous voir parce que je suis enceinte, je le sais, j'ai fait la chorégraphie
-=-
Ah au fait Docteur, j'aimerais aussi faire un ketchup complet
-=-
Docteur pourriez-vous me prendre la tentation ?
-=-
Vous auriez des préservatifs pour les doigts?
-=-
Si je fume après avoir fait l'amour ?
Je sais pas, j'ai jamais regardé
-=-
Et si je fais une scoliose en plâtre ?
-=-
Mon mari a eu une fracture de la cocarde
-=-
Ma fille est allée chez le spéléologue, il lui a posé la stéréo avec un spéculoos
-=-
Docteur, j'aimerais bien que vous changiez mon stérilet.
Si je suis ménopausée ? Oui, depuis trois ans, pourquoi ?
-=-
On m’a mis une vulve cardiaque.
-=-
Vous croyez aux compliments alimentaires ?.
-=-
Je ne veux pas de médicaments génétiques.
-=-
J’ai oublié ma carte virale.
-=-
Ma gastrologue m’a entubé.
-=-=-
Sketchs, stand-up, Chroniques (-18)
Florence Mendez – Lexomil et une nuit
Les Inconnus - La set (peinture – sculpture)
Jérémy Ferrari et Malik Bentalha : Spéciale vivre ensemble
Guy Bedos ; Chagrin fiscal Le boxeur
-=-=-
samedi 13 juillet 2024
-=-=-
Perles du bac
(en l’état)
-=-
Victor Hugo est né à l'âge de 2 ans
-=-
Néron, célèbre empereur romain, organisait des combats de radiateurs.
-=-
Clovis est mort à la fin de sa vie.
-=-
Les calamars géants saisissent leurs proies avec leurs immenses testicules.
-=-
Au Moyen Âge, les mauvais élèves étaient souvent décapités.
-=-
Les Romains ont construit les viaducs pour faire passer les trains.
-=-
Même si le blessé n'a rien, vaut mieux lui faire une autoposie.
-=-
En 1945, les Américains déclarent la guerre aux États-Unis.
-=-
La femelle du corbeau s'appelle la corbeille.
Et la femme du Pape, la Paperasse.
-=-
La majorité des Français ont voté non à la prostitution européenne.
-=-
La Camargue est régulièrement inondée par les côtes du Rhône.
-=-
Après quand c'est justifié comme ça, c'est bien fait.
-=-
La France compte 60 millions de Français dont beaucoup d'animaux.
-=-
La Drôle de Guerre, cependant, n'a fait rire personne.
-=-
Pendant la Guerre Froide les gens étaient gelés ?
-=-
Des petits soubresauts de cadavres ...
-=-
Pour trouver la surface, il faut multiplier le milieu par son centre.
-=-
L'artichaut est constitué de feuilles et de poils touffus plantés dans son derrière.
-=-
L'exemple de Titanic sert à démontrer l’agressivité des icebergs.
-=-
Pendant la bataille de Stalingrad, les soldats étaient tués et retués pour être bien sûr qu'ils soient bien morts, ensuite, ils étaient brûlés, décapités, écrasés et découpés en morceau.
Et certains ont survécu.
-=-
Les atomes se déplacent dans le liquide grâce à leur queue en forme de fouet.
-=-
Le galoug c'était quelque chose.
-=-
L'amour est un organe qui permet au cœur de battre.
-=-
Toute sa vie, Montaigne a voulu écrire, mais il n'a fait que des essais.
-=-
Les lapins ont tendance à se reproduire à la vitesse du son.
-=-
La pénétration en Afrique est plus longue et plus dure"
-=-
Quand ils voyaient la mort arriver, les Égyptiens se déguisaient en momie pour ne pas se faire repérer.
-=-
C'est la goutte d'eau qui met le feu aux poudres.
-=-
La terre rote sur elle-même.
-=-
La Corée est une dictature avec son cruel président King Kong.
-=-
La physique a été découverte par hasard dans l'Antiquité par Larry Stote.
-=-."
Ah bon ? C’était pas Michel Platoni ?
-=-
Citez des couples d'homophones : Jean Marais et Cocteau, Rimbaud et Verlaine, Delanoë mais je sais pas avec qui.
-=-
OMC : Organisation du Monde Contemporain.
-=-
FMI : Fondation Mondiale Internationale.
-=-
Loutremer est une loutre qui vit dans la mer.
-=-=-
-=-=-
samedi 6 juillet 2024
-=-=-
Perles de la Gendarmerie
-=-
Nous avons donc pu constater qu'il n'y avait rien à constater.
-=-
Ses explications étaient si embrouillées que nous avons du le relâcher faute d'avoir la preuve que nous pouvions comprendre ses explications.
-=-
L'homme a menacé l'adjudant que si on le prenait sur ce ton, lui aussi le prendrait sur ce ton.
-=-
C'est la pluie qui empêcha le brigadier de s'apercevoir qu'il s’était mis à neiger.
-=-
Quand le contrevenant a crié: " Espèce de gros con ! " dans son dos,
le brigadier de service a aussitôt cru se reconnaître et a verbalisé.
-=-
L'homme, qui était aussi sourd que son épouse, ne semblait pas s'entendre très bien avec elle.
-=-
L'homme niant toute culpabilité, nous l'avons arrêté.
-=-
Le suspect s'est alors décidé à passer des aveux complets pour nous prouver qu'il n’était pour rien dans cette affaire.
-=-
L'homme nous déclara qu'il avait effectivement frappé son adversaire avec la manivelle mais en faisant bien attention à ne pas lui faire mal.
-=-
L'homme avait essayé de cacher l'arme dans ses bottes,
malheureusement pour lui, il s'agissait d'un fusil dont la longueur dépassait.
-=-
Le trou de balle était si gros que nous avons pu y mettre deux doigts.
-=-
L'animal n'a fait qu'une bouchée de la carrosserie du véhicule.
-=-
L'homme a insisté pour nous présenter son préjudice qui ne mesurait en fait pas plus de dix centimètres.
-=
Le plaignant, visiblement en état d’ébriété, prétendait s'appeler Jésus et signa le formulaire d'une croix.
-=-
Si nos gendarmes n’étaient pas intervenus, le viol n'aurait sûrement jamais eu lieu.
-=-
Pour finir, l'interpellé avoua le vol ainsi que quelques autres meurtres.
-=-
Si l'appel n'a pas obtenu de réponse, c'est qu'il est parvenu au poste vendredi en fin de matinée alors que le permanent de service venait de partir se coucher comme tous les jours a la même heure.
-=-
Arrêté par les gendarmes, le voleur les a menacés d'appeler la police.
-=-
Il est à noter que les deux véhicules sont entrés en collision l'un avec l'autre exactement le même jour.
-=-
En nous priant d'accepter ses excuses, l'homme nous affirma que ses injures étaient bien l'expression de sa pensée et que l'incident était donc clos.
-=-
Malgré un taux d’alcoolémie de 3.8, le conducteur avait garde toute sa lucidité pour écraser l'animal.
-=-
Sous le coup de la colère, l'homme mangea une pomme en ricanant.
-=-
C'est à l'intersection des deux routes que le mur a violemment heurté la voiture.
-=-
Le cadavre ne semblait pas en possession de toutes ses facultés.
-=-
Un violent coup de marteau l'avait cloué au lit depuis deux jours.
-=-
Le pendu est mort noyé.
-=-
Comme il devait être pris en charge au plus vite par un asile d’aliénés, il a été conduit a la gendarmerie.
-=-=-
(les originaux constellés de viol de grammaire ont été rectifiés - sauf erreur ou omission - )
-=-
-=-=-
samedi 29 juin 2024
-=-=-
Jacques Brel
Le plat pays
Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague,
Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues,
Et de vagues rochers que les marées dépassent,
Et qui ont à jamais le cœur à marée basse.
Avec infiniment de brumes à venir
Avec le vent d'ouest écoutez le tenir
Le plat pays qui est le mien.
Avec des cathédrales pour uniques montagnes,
Et de noirs clochers comme mâts de cocagne
Ou des diables en pierres décrochent les nuages,
Avec le fil des jours pour unique voyage,
Et des chemins de pluie pour unique bonsoir,
Avec le vent de l'est écoutez le vouloir,
Le plat pays qui est le mien.
Avec un ciel si bas qu'un canal s'est perdu,
Avec un ciel si bas qu'il fait l'humilité
Avec un ciel si gris qu'un canal s'est pendu,
Avec un ciel si gris qu'il faut lui pardonner.
Avec le vent du nord qui vient s'écarteler,
Avec le vent du nord écoutez le craquer,
Le plat pays qui est le mien.
Avec de l'Italie qui descendrait l'Escaut,
Avec Frida la Blonde quand elle devient Margot,
Quand les fils de Novembre nous reviennent en Mai,
Quand la plaine est fumante et tremble sous Juillet,
Quand le vent est au rire quand le vent est au blé,
Quand le vent est sud écoutez le chanter,
Le plat pays qui est le mien.
-=-=-
Sketchs, stand-up, Chroniques (-18)
-=-=-
samedi 22 juin 2024
-=-=-
Serge Gainsbourg
La Chanson De Prevert
Oh je voudrais tant que tu te souviennes
Cette chanson était la tienne
C'était ta préférée je crois
Qu'elle est de Prévert et Kosma
Et chaque fois ‘’ Les feuilles mortes ‘’
Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour les amours mortes
N'en finissent pas de mourir
Avec d'autres bien sûr je m'abandonne
Mais leur chanson est monotone
Et peu à peu je m'indiffère
A cela il n'est rien à faire
Car chaque fois ‘’ Les feuilles mortes ‘’
Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour les amours mortes
N'en finissent pas de mourir
Peut-on jamais savoir par où commence
Et quand finit l'indifférence
Passe l'automne vienne l'hiver
Et que la chanson de Prévert
Cette chanson " Les feuilles mortes "
S'efface de mon souvenir
Et ce jour là mes amours mortes
En auront fini de mourir
Et ce jour là mes amours mortes
En auront fini de mourir
La javanaise
J'avoue j'en ai bavé pas vous, mon amour
Avant d'avoir eu vent de vous, mon amour
Ne vous déplaise
En dansant la Javanaise
Nous nous aimions
Le temps d'une chanson
À votre avis qu'avons-nous vu de l'amour?
De vous à moi vous m'avez eu mon amour
Ne vous déplaise
En dansant la Javanaise
Nous nous aimions
Le temps d'une chanson
Hélas avril en vain me voue à l'amour
J'avais envie de voir en vous cet amour
Ne vous déplaise
En dansant la Javanaise
Nous nous aimions
Le temps d'une chanson
La vie ne vaut d'être vécue sans amour
Mais c'est vous qui l'avez voulu mon amour
Ne vous déplaise
En dansant la Javanaise
Nous nous aimions
Le temps d'une chanson.
-=-=-=-=-=-=-=-=-
samedi 15 juin 2024
-=-=-
Françoise Hardy
Mon amie la rose
On est bien peu de chose
Et mon amie la rose
Me l’a dit ce matin
A l’aurore je suis née
Baptisée de rosée
Je me suis épanouie
Heureuse et amoureuse
Aux rayons du soleil
Me suis fermée la nuit
Me suis réveillée vieille
Pourtant j’étais très belle
Oui j’étais la plus belle
Des fleurs de ton jardin
On est bien peu de chose
Et mon amie la rose
Me l’a dit ce matin
Vois le dieu qui m’a faite
Me fait courber la tête
Et je sens que je tombe
Et je sens que je tombe
Mon cœur est presque nu
J’ai le pied dans la tombe
Déjà je ne suis plus
Tu m’admirais hier
Et je serai poussière
Pour toujours demain.
On est bien peu de chose
Et mon amie la rose
Est morte ce matin
La lune cette nuit
A veillé mon amie
Moi en rêve j’ai vu
Éblouissante et nue
Son âme qui dansait
Bien au-delà des nues
Et qui me souriait
Crois celui qui peut croire
Moi, j’ai besoin d’espoir
Sinon je ne suis rien
Ou bien si peu de chose
C’est mon amie la rose
Qui l’a dit hier matin.
-=-=-
Partir quand même
Partir quand même
pendant qu’il dort
pendant qu’il rêve
et qu’il est temps encore
partir quand même
au moment fort
briser les chaines
qui me lient à son sort
vont faire de moi un poids mort
un objet du décor
Partir quand même
avant qu’il veuille
couper mes ailes
et dompter mon orgueil
partir quand même
partir d’abord
quitter la scène
dans un ultime effort
avant de dire "Je t’aime"
que le piège se referme
Partir quand même
rester maître
de ses jeux
et de mes énigmes
disparaître
à ses yeux
ne plus donner signe
avant de ne plus pouvoir
revenir en arrière
avant qu’il soit trop tard
pour éviter la guerre
avant te dire je t’aime
savoir partir quand même
-=-=-
10 heures en été
Comment décrire le jardin dévasté
Dix heures du soir en été
À quoi bon vous dire
Le chaleur lourde
D'avant la foudre ?
La vie qui part
La terre qui s'ouvre
Le feu aux poudres
Dans leurs regards
Entre leurs mains, la fin de l'histoire
À tout jamais
La beauté niée, détournée
L'orage éclaté
La pluie qui tombe
Dans un fracas de fin du monde
On aimerait rire
Des faux soupirs
Au moins lui dire
Le vain miroir
Qu'elle tend, les fards
Le vent qu'elle vend
Comment décrire
Tout le carnage
D'après l'orage ?
Dix heures en été:
La nuit qui tombe
Dans un néant de fin du monde
Il devrait fuir
Les faux sourires
Se dessaisir
Du vain miroir
Qu'elle tend, des fards
Du vent qu'elle vend
-=-=-
-=-=-
samedi 8 juin 2024
-=-=-
Alfred Jarry
La chanson du décervelage
Je fus pendant longtemps ouvrier ébéniste
Dans la ru’ du Champs d’ Mars, d’ la paroiss’ de Toussaints ;
Mon épouse exerçait la profession d’ modiste
Et nous n’avions jamais manqué de rien.
Quand le dimanch’ s’annonçait sans nuage,
Nous exhibions nos beaux accoutrements
Et nous allions voir le décervelage
Ru’ d’ l’Echaudé, passer un bon moment.
Voyez, voyez la machin’ tourner,
Voyez, voyez la cervell’ sauter,
Voyez, voyez les Rentiers trembler;
(Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !
Nos deux marmots chéris, barbouillés d’ confitures,
Brandissant avec joi’ des poupins en papier
Avec nous s’installaient sur le haut d’ la voiture
Et nous roulions gaîment vers l’Echaudé.
On s’ précipite en foule à la barrière,
On s’ flanque des coups pour être au premier rang ;
Moi j’me mettais toujours sur un tas d’pierres
Pour pas salir mes godillots dans l’sang.
Voyez, voyez la machin’ tourner,
Voyez, voyez la cervell’ sauter,
Voyez, voyez les Rentiers trembler;
(Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !
Bientôt ma femme et moi nous somm’s tout blancs d’ cervelle,
Les marmots en boulott’nt et tous nous trépignons
En voyant l’Palotin qui brandit sa lumelle,
Et les blessur’s et les numéros d’ plomb.
Soudain j’ perçois dans l’ coin, près d’ la machine,
La gueul’ d’un bonz’ qui n’ m’ revient qu’à moitié.
Mon vieux, que j’ dis, je r’connais ta bobine :
Tu m’as volé, c’est pas moi qui t’ plaindrai.
Voyez, voyez la machin’ tourner,
Voyez, voyez la cervell’ sauter,
Voyez, voyez les Rentiers trembler;
(Choeur) : Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !
Soudain j’ me sens tirer la manche’par mon épouse ;
Espèc’ d’andouill’, qu’elle m’ dit, v’là l’ moment d’te montrer :
Flanque-lui par la gueule un bon gros paquet d’ bouse.
V’là l’ Palotin qu’a juste’ le dos tourné.
En entendant ce raisonn’ment superbe,
J’attrap’ sus l’ coup mon courage à deux mains :
J’ flanque au Rentier une gigantesque merdre
Qui s’aplatit sur l’ nez du Palotin.
Voyez, voyez la machin’ tourner,
Voyez, voyez la cervell’ sauter,
Voyez, voyez les Rentiers trembler;
(Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !
Aussitôt j’ suis lancé par dessus la barrière,
Par la foule en fureur je me vois bousculé
Et j’ suis précipité la tête la première
Dans l’ grand trou noir d’ousse qu’on n’ revient jamais.
Voila c’ que c’est qu’d’aller s’ prome’ner l’ dimanche
Ru’ d’ l’Echaudé pour voir décerveler,
Marcher l’ Pinc’-Porc ou bien l’Démanch’- Comanche :
On part vivant et l’on revient tudé !
Voyez, voyez la machin’ tourner,
Voyez, voyez la cervell’ sauter,
Voyez, voyez les Rentiers trembler;
(Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu!
-=-=-
Sketchs, stand-up, Chroniques (-18)
Chritine Berrou : Princes et princesses Anne-Sophie Girard : Les filles en boîte
Les inconnus : Le jeu de la vérité vraie et La campagne électorale
-=-=-
samedi 1er juin 2024
-=-=-
Georges Brassens
Les Copains d’abord
Non, ce n’était pas le radeau
De la Méduse, ce bateau,
Qu’on se le dise au fond des ports,
Dise au fond des ports,
Il naviguait en père peinard
Sur la grand-mare des canards,
Et s’appelait les Copains d’abord
Les Copains d’abord.
Ses fluctuat nec mergitur
C’était pas de la littérature,
N’en déplaise aux jeteurs de sort,
Aux jeteurs de sort,
Son capitaine et ses matelots
N’étaient pas des enfants de salauds,
Mais des amis franco de port,
Des copains d’abord.
C’étaient pas des amis de luxe,
Des petits Castor et Pollux,
Des gens de Sodome et Gomorrhe,
Sodome et Gomorrhe,
C’étaient pas des amis choisis
Par Montaigne et La Boetie,
Sur le ventre ils se tapaient fort,
Les copains d’abord.
C’étaient pas des anges non plus,
L’Évangile, ils l’avaient pas lu,
Mais ils s’aimaient toutes voiles dehors,
Toutes voiles dehors,
Jean, Pierre, Paul et compagnie,
C’était leur seule litanie
Leur Credo, leur Confiteor,
Aux copains d’abord.
Au moindre coup de Trafalgar,
C’est l’amitié qui prenait le quart,
C’est elle qui leur montrait le nord,
Leur montrait le nord.
Et quand ils étaient en détresse,
Que leur bras lançaient des S.O.S.,
On aurait dit des sémaphores,
Les copains d’abord.
Au rendez-vous des bons copains,
Y’avait pas souvent de lapins,
Quand l’un d’entre eux manquait a bord,
C’est qu’il était mort.
Oui, mais jamais, au grand jamais,
Son trou dans l’eau ne se refermait,
Cent ans après, coquin de sort !
Il manquait encore.
Des bateaux j’en ai pris beaucoup,
Mais le seul qui ait tenu le coup,
Qui n’ait jamais viré de bord,
Mais viré de port,
Naviguait en père peinard
Sur la grand-mare des canards,
Et s’appelait les Copains d’abord
Les Copains d’abord.
-=-=-
Sketchs, stand-up, Chroniques (-18)
Morgane Cadignan : La dictature du bonheur
Rosa Burztein : Les câlins après l’amour
Fanny Ruwet : Gérer ses émotions
Diane Segard : On va s'le faire La Lagouna Le lendemain
-=-=-=-=-=-=-
samedi 25 mai 2024
-=-=-=-=-=-=-
Félix Leclerc
Le Petit bonheur
C’est un petit bonheur
Que j’avais ramassé
Il était tout en pleurs
Sur le bord d’un fossé
Quand il m’a vu passer
Il s’est mis à crier:
" Monsieur, ramassez-moi
Chez vous emmenez-moi ".
Mes frères m’ont oublié, je suis tombé, je suis malade
Si vous n’me cueillez point, je vais mourir, quelle ballade !
Je me ferai petit, tendre et soumis, je vous le jure
Monsieur, je vous en prie, délivrez-moi de ma torture".
J’ai pris le p’tit bonheur
L’ai mis sous mes haillons
J’ai dit: " Faut pas qu’il meure,
Viens-t’en dans ma maison ".
Alors le p’tit bonheur
A fait sa guérison
Sur le bord de mon cœur
Y avait une chanson.
Mes jours, mes nuits, mes peines, mes deuils, mon mal, tout fut oublié.
Ma vie de désœuvré, j’avais dégoûts d'la recommencer
Quand il pleuvait dehors ou qu’mes amis m’faisaient des peines,
J’prenais mon p’tit bonheur et j’lui disais: "C’est toi ma reine".
Mon bonheur a fleuri,
Il a fait des bourgeons.
C’était le paradis,
Ça s’voyait sur mon front.
Or un matin joli
Que j’sifflais ce refrain,
Mon bonheur est parti
Sans me donner la main.
J’eus beau le supplier, le cajoler, lui faire des scènes,
Lui montrer le grand trou qu’il me faisait au fond du cœur,
Il s’en allait toujours, la tête haute, sans joie, sans haine,
Comme s’il ne pouvait plus voir le soleil dans ma demeure.
J’ai bien pensé mourir
De chagrin et d’ennui,
J’avais cessé de rire
C’était toujours la nuit.
Il me restait l’oubli,
Il me restait l’mépris,
Enfin que j’me suis dit:
" Il me reste la vie ".
J’ai repris mon bâton, mes deuils, mes peines et mes guenilles,
Et je bats la semelle dans des pays de malheureux.
Aujourd’hui quand je vois une fontaine ou une fille,
Je fais un grand détour ou bien je me ferme les yeux.
-=-=-
Hubert-Félix Thiéfaine
Je t’en remets au vent
D'avoir voulu vivre avec moi
T'as gâché deux ans de ta vie
Deux ans suspendue à ta croix
A veiller sur mes insomnies
Pourtant toi tu as tout donné
Et tout le meilleur de toi-même
A moi qui ai tout su garder
Toujours replié sur moi-même
Mon pauvre amour, sois plus heureuse maintenant
Mon pauvre amour, je t'en remets au vent
Toi tu essayais de comprendre
Ce que mes chansons voulaient dire
Agenouillée dans l'existence
Tu m'encourageais à écrire
Mais moi je restais hermétique
Indifférent à tes envies
A mettre sa vie en musique
On en oublie parfois de vivre
Mon pauvre amour, sois plus heureuse maintenant
Mon pauvre amour, je t'en remets au vent
Tout est de ma faute en ce jour
Et je reconnais mes erreurs
Indifférent à tant d'amour
J'accuse mes imbuvables humeurs
Mais toi ne te retournes pas
Va droit sur ton nouveau chemin
Je n'ai jamais aimé que moi
Et je reste sans lendemain
-=-=-
Sketchs, stand-up, Chroniques (-18)
Constance et Cie : Adam et Eve
Antonia de Rendinger : La prof de SVT
-=-=-=-=-=-=-
Samedi 18 mai 2024
-=-=-=-=-=-=-
Georges Brassens
La non demande en mariage
Ma mie, de grâce, ne mettons
Pas sous la gorge à Cupidon
Sa propre flèche
Tant d'amoureux l'ont essayé
Qui, de leur bonheur, ont payé
Ce sacrilège...
J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main
Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin
Laissons le champ libre à l'oiseau
Nous seront tous les deux priso-
niers sur parole
Au diable les maîtresses queux
Qui attachent les cœurs aux queues
Des casseroles!
J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main
Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin
Vénus se fait vielle souvent
Elle perd son latin devant
La lèchefrite
A aucun prix, moi je ne veux
Effeuiller dans le pot-au-feu
La marguerite
J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main
Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin
On leur ôte bien des attraits
En dévoilant trop les secrets
De Mélusine
L'encre des billets doux pâlit
Vite entre les feuillets des li-
vres de cuisine.
J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main
Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin
Il peut sembler de tout repos
De mettre à l'ombre, au fond d'un pot
De confiture
La jolie pomme défendue
Mais elle est cuite, elle a perdu
Son goût nature.
J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main
Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin
De servante n'ai pas besoin
Et du ménage et de ses soins
Je te dispense
Qu'en éternelle fiancée
A la dame de mes pensées
Toujours je pense
J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main
Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin
-=-=-
Sketchs, stand-up, Chroniques (-18)
Lisa Delmoitiez – J'ai pas confiance en moi et j'ai raison
Ben : Le Monopoly change ses règles (Thème imposé)
Artus : Un SDF à qui on a distribué une radio (Thème imposé)
-=-=-=-=-=-=-
samedi 11 mai 2024
-=-=-=-=-=-=-
Frédéric Dard
-=-
Un mari craint toujours que son épouse le quitte.
C'est ça la suprême force des femmes : vous faire redouter ce que vous souhaitez le plus au monde.
-=-
Maintenant, l'humanité est devenue un projectile.
Lorsqu'on boit de la bière au buffet d'Orly, on évacue dans les closets de Karachi, c'est la vie.
-=-
Moi j'appelle un chat une chatte.
-=-
Les sens, va-t-en savoir ce qui leur passe par la tête.
-=-
Une épouse adultère ne se sent jamais coupable que des tromperies que son mari connaît.
-=-
Le grand homme n'est grand que par la connerie des autres.
-=-
L'Irlandais a le goût de la porte peinte, comme le Rosbif celui de la pelouse bien tondue et le Français celui du comptoir de zinc.
-=-
Les seules vacances de l'homme sont les neuf mois qu'il passe dans le sein maternel.
-=-
Dans une administration, plus qu'ailleurs et autant que dans l'armée au moins, tu dois te soumettre au supérieur, voilà pourquoi tu as tellement tendance à faire chier l'inférieur.
L'inférieur, c'est ta compensation, ton aspro, ta soupape.
-=-
Le bon sens c'est ce qui permet d'être écouté quand vous n'êtes pas intelligent.
-=-
Il y aurait plusieurs façons d'être cons, mais le con choisit toujours la pire.
-=-
Le pétomane est mort. - Pet à son âme.
-=-
Ah! si les hommes voulaient s'aider!
Ah! si les femmes voulaient céder!
-=-
Sa femme est encore bien pour mon âge.
-=-
Quand tu bégaies en anglais, ça se remarque deux fois plus, en italien, ça passe complètement inaperçu.
-=-
Il faut avoir patienté devant une cabine téléphonique occupée par une femme pour vraiment mesurer à quel point le beau sexe est bavard.
-=-
J'aime profondément qui j'aime sans détester pour autant qui je n'aime pas.
-=-
A quoi te servirait cette imagination féconde si tu ne pouvais l'employer à travestir la dure réalité d'un vilain moment ?
-=-
Le régime basses calories, ça leur naufrage le mental.
Si tu bannis la tortore de la vie, il te reste quoi, à cet âge?
-=-
Il pleut. C'est la raison sociale de l'Irlande.
-=-
Elle était salope à faire divorcer un curé fraîchement marié.
-=-
La vie ne sert qu'à mourir.
-=-
Pour l'homme, le mensonge est un outil, pour la femme, une parure.
-=-
Le portail est grand, tout vert.
-=-
Un con vivant est plus intelligent qu'un intellectuel mort.
-=-
Mes dents se déchaussent quand je visite une mosquée.
-=-
La plupart des gens que je fréquente gagnent à être méconnus.
-=-
Dieu a fait le monde en cinq jours. Le sixième, il a fait le con.
-=-
Elle a l'air cruche, mais c'est le genre de cruche dans laquelle je me transvaserais volontiers.
-=-
L'ennui avec les cérébraux, c'est qu'ils passent leur vie à se dire qu'ils le sont.
-=-
Les crêpes, c'est comme les Français : elles retombent toujours du même côté.
-=-
Offrir une tournée à un facteur ne manque pas d'à-propos.
-=-
On a trop tendance à fabriquer des autos avant des autoroutes et des gosses avant des écoles.
-=-
L'an dernier j'étais encore un peu prétentieux, cette année je suis parfait.
-=-
Je me demande si la mort vaut vraiment le coup d'être vécue.
-=-
Il avait une voix à vous dégoûter de vos oreilles.
-=-
La devise des Kennedy : ne pas se laisser abattre.
-=-
L'Uruguay est un patelin inimportant, connu seulement des joueurs de Scrabble à cause de ses trois U.
-=-
Il n'existe pratiquement aucune différence entre un Anglais en érection et un Italien impuissant.
-=-
Tout n'est pas cirrhose dans la vie, comme dit l'alcoolique.
-=-
Il était si vieux qu'il avait l'air d'un oubli.
-=-
Tel un curé excommunié, il n'en a cure.
-=-
Mesdames, vaut mieux une chiée de types qui posent leur pantalon en votre honneur, qu'un seul qui vous le fait repasser.
-=-=-
-=-=-=-=-=-=-
samedi 4 mai 2024
-=-=-=-=-=-=-
Georges Brassens
Le gorille
C'est à travers de larges grilles,
Que les femelles du canton,
Contemplaient un puissant gorille,
Sans souci du qu'en-dira-t-on.
Avec impudeur ces commères
Lorgnaient même un endroit précis
Que rigoureusement ma mère
M'a défendu de nommer ici.
Gare au gorille …...
Tout à coup la prison bien close
Où vivait le bel animal,
S'ouvre on ne sait pourquoi, je suppose
Qu'on avait dû la fermer mal.
Le singe en sortant de sa cage dit
‘’ C'est aujourd'hui que j' le perds ‘’
Il parlait de son pucelage,
Vous aviez deviné, j'espère !
Gare au gorille…...
Le patron de la ménagerie
Criait éperdu ‘’ Nom de nom !
C'est assommant, car mon gorille
N'a jamais connu de guenon ! ‘’
Dès que la féminine engeance
Sut que le singe était puceau,
Au lieu de profiter de la chance
Elle fit feu des deux fuseaux.
Gare au gorille …...
Celles-là mêmes qui naguère
Le couvaient d'un œil décidé,
Fuirent prouvant qu'elles n'avaient guère
De la suite dans les idées,
D'autant plus vaine était leur crainte
Que le gorille est un luron
Supérieur à l'homme dans l'étreinte
Bien des femmes vous le diront.
Gare au gorille …...
Tout le monde se précipite
Hors d'atteinte du singe en rut,
Sauf une vieille décrépite
Et un jeune juge en bois brut.
Voyant que toutes se dérobent
Le quadrumane accéléra
Son dandinement vers les robes
De la vieille et du magistrat.
Gare au gorille …...
‘’ Bah ‘’, soupirait la centenaire
‘’ Qu'on pût encore me désirer
Ce serait extraordinaire
Et pour tout dire, inespéré ‘’.
Le juge pensait, impassible
‘’ Qu'on me prenne pour une guenon,
C'est complètement impossible ‘’.
La suite lui prouva que non.
Gare au gorille …...
Supposez qu'un de vous puisse être
Comme le singe obligé de
Violer un juge ou une ancêtre,
Lequel choisirait-il des deux ?
Qu'une alternative pareille
Un de ces quatre jours m'échoit
C'est j'en suis convaincu, la vieille
Qui sera l'objet de mon choix.
Gare au gorille …...
Mais par malheur, si le gorille
Au jeu de l'amour vaut son prix,
On sait qu'en revanche il ne brille
Ni par le goût, ni par l'esprit.
Lors au lieu d'opter pour la vieille
Comme aurait fait n'importe qui
Il saisit le juge à l'oreille
Et l'entraîna dans un maquis.
Gare au gorille …...
La suite serait délectable,
Malheureusement je ne peux
Pas la dire et c'est regrettable,
Ça nous aurait fait rire un peu
Car le juge au moment suprême
Criait ‘’ Maman ‘’, pleurait beaucoup
Comme l'homme auquel le jour même
Il avait fait trancher le cou.
Gare au gorille …...
-=-=-=-=-=-=-
samedi 27 avril 2024
-=-=-=-=-=-
Edmond Rostand
Cyrano de Bergerac
Tirade des nez
Ah ! non ! c'est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire… Oh ! Dieu ! … bien des choses en somme…
En variant le ton, par exemple, tenez :
Agressif :
Moi, monsieur, si j'avais un tel nez,
Il faudrait sur-le-champ que je me l'amputasse.
Amical :
Mais il doit tremper dans votre tasse
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap
Descriptif :
C'est un roc ! … c'est un pic ! … c'est un cap !
Que dis-je, c'est un cap ? … C'est une péninsule !
Curieux :
De quoi sert cette oblongue capsule,
D'écritoire, monsieur, ou de boîte à ciseaux ?
Gracieux :
Aimez-vous à ce point les oiseaux
Que paternellement vous vous préoccupâtes
De tendre ce perchoir à leurs petites pattes ?
Truculent :
Çà, monsieur, lorsque vous pétunez,
La vapeur du tabac vous sort-elle du nez
Sans qu'un voisin ne crie au feu de cheminée ?
Prévenant :
Gardez-vous, votre tête entraînée
Par ce poids, de tomber en avant sur le sol ?
Tendre :
Faites-lui faire un petit parasol
De peur que sa couleur au soleil ne se fane.
Pédant :
L'animal seul, monsieur, qu'Aristophane
Appelle Hippocampelephantocamélos
Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d'os.
Cavalier :
Quoi, l'ami, ce croc est à la mode ?
Pour pendre son chapeau, c'est vraiment très commode.
Emphatique :
Aucun vent ne peut, nez magistral,
T'enrhumer tout entier, excepté le mistral.
Dramatique :
C'est la Mer Rouge quand il saigne.
Admiratif :
Pour un parfumeur, quelle enseigne.
Lyrique :
Est-ce une conque, êtes-vous un triton ?
Naïf :
Ce monument, quand le visite-t-on ?
Respectueux :
Souffrez, monsieur, qu'on vous salue,
C'est là ce qui s'appelle avoir pignon sur rue.
Campagnard :
Hé, ardé, c'est-y un nez ? Nanain,
C'est queuqu'navet géant ou ben queuqu'melon nain.
Militaire :
Pointez contre cavalerie.
Pratique :
Voulez-vous le mettre en loterie ?
Assurément, monsieur, ce sera le gros lot.
Enfin, parodiant Pyrame en un sanglot :
Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître
A détruit l'harmonie, il en rougit, le traître.
Voilà ce qu'à peu près, mon cher, vous m'auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d'esprit.
Mais d'esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n'en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n'avez que les trois qui forment le mot : sot.
Eussiez-vous eu, d'ailleurs, l'invention qu'il faut
Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries,
Me servir toutes ces folles plaisanteries,
Que vous n'en eussiez pas articulé le quart
De la moitié, du commencement d'une, car
Je me les sers moi-même, avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu'un autre me les serve.
-=-=-
Sketchs, stand-up, Chroniques (-18)
Sandrine Sarroche : La bruxelloise - Olivier Véran
-=-=-=-=-=-=-
samedi 20 avril 2024
-=-=-=-=-=-=-
Babouillec
( Sujet déjà proposé il y a longtemps, mais cette fois plus documenté )
Née en 1985 Hélène François, Baboulliec, est une autiste très déficitaire qui ne peut verbaliser.
Après l’avoir retiré d’un IME pour s’occuper d’elle, sa mère a pu observer au cours de gestes du quotidien que sa fille savait lire et écrire, mais seulement par l’intermédiaire des lettres de l’alphabet en papier qu’elle sait agencer pour communiquer.
Babouillec est sidérale, sidérante, et emplie d’images poétiques riches, denses, et fulgurantes.
Quelques extraits de ses textes :
-=-
Je suis Babouillec très déclarée sans parole, seule,
enfermée dans l’alcôve systémique, nourricière souterraine de la lassitude du silence, j’ai cassé les limites muettes et mon cerveau a décodé votre parole symbolique
-=-
Eloïse se souvient de son début de vie très chaotique, comme balancée par-dessus bord sans avoir pied et sans savoir nager.
Une forme de cauchemar surréaliste.
C’est certainement là que commence sa drôle d’histoire, cette naissance sans fond.
Un corps qui ne sait pas nager dans une société raz-de-marée, aux vagues déferlantes qui lui tombent sur la gueule.
-=-
Penser dans le silence est-ce un acte raisonnable ?
J'ai traversé de longues années coupée du monde du dire.
Impossible pour moi d'entrer dans une relation avec les codes établis.
Un mutisme s'est emparé de mon corps.
Mon intelligence mentale est enfermée dans ce corps du silence
-=-
L’autisme n’est pas une jungle, mais un désert édulcoré.
Je le sillonne chaque jour pour trouver la sortie.
Aride est mon parcours.
Je plonge dans le cosmos tous feux éteints
-=-
Ca fait des étincelles dans la boîte à penser,
ça fait péter l’adrénaline
-=-
Je suis née un jour de neige, d’une mère qui se marre tout le temps.
Je me suis dit, ça caille, mais ça a l’air cool la vie.
Et j’ai enchaîné les galères
-=-
Les minorités sont comme les étoiles dans le ciel, elles font briller le noir
-=-
Démarrer l’écriture d’une vie sans fin, comme la vitesse de la lumière à 3600 à l’heure, une vie qui peut péter à chaque seconde.
-=-
J’ai vite compris mes limites,
j’héberge une rature indélébile,
une défaillance sporadique
-=-
Sortir de mon état mental est ma seule préoccupation mon cerveau est KO,
j’ai trop de mémoire à gérer, j’ai besoin d’un petit nettoyage de neurones
-=-
A voir :
Forbidden di sporgersi et Dernières nouvelles du cosmos
-=-=-
Maria Montessori
1870 - 1952
-=-
Maria Montessori est un médecin à l’origine du principe pédagogique qui porte son nom.
Afin d’aboutir à la formation d’adultes responsables, indépendants, et capables d’adaptation,
la pédagogie Montessori repose sur ces principes :
le libre choix de l’activité,
l’autodiscipline,
le respect du rythme individuel,
l'apprentissage par l’expérience.
Elle avait une jolie formule : ‘’ L’enfant est un roi qui marche vers l’aurore ‘’
Le film ‘’ La nouvelle femme ‘’ sur Maria Montessori est sorti en salle le 13 mars dernier.
-=-=-
Sur la même thématique :
-=-=-
-=-=-=-=-=-=-
samedi 13 avril 2024
-=-=-=-=-=-=
Stephen Moysan
Mixages poétiques de divers auteurs anciens ou contemporains, et créations
-=-=-
Là où la cupidité règne, elle réside,
L’argent qui corrompt tout, la laisse intacte,
Plus elle est insupportable, plus on l’ignore,
Celle du monde n’est pas à dimension humaine.
Elle n’a pas de frontière, elle est internationale,
Chargée d’une idée, elle devient révolutionnaire,
Les riches exagèrent leur bonne volonté
Plus que les pauvres leur misère.
-=-
Nous nous amusions comme des fous
Et ce soir-là, je t’ai dit :
Je peux t’emprunter un bisou
Je te le rendrais, promis.
Je pensais que pour te séduire
Il fallait te faire rire,
Mais à chaque fois que tu riais
C’est moi qui tombais amoureux.
-=-
Quand les nantis volent les démunis
On appelle ça les affaires,
Quand les démunis se défendent
On appelle ça la violence.
C’est de l’enfer des pauvres
Qu’est fait le paradis des riches,
Vaincre la misère n’est pas geste de charité,
C’est acte de justice.
-=-
Qui cherche la sagesse est un sage
Qui pense l’avoir trouvée est un fou,
N’estimez pas les belles paroles
Mais les belles preuves.
Que vos choix reflètent vos espoirs
Et non vos peurs !
Croire en quelque chose
Et ne pas le vivre, c’est malhonnête.
-=-
Un vent léger,
Tard le soir,
La danse des ombres.
En regardant le ciel
Je ne sais plus
Pourquoi j’étais en colère.
Nuit des étoiles filantes -
Moi aussi, sur Terre,
Je ne suis que de passage
-=-
Dans le lit
Blottis dans le non-dit
Je caresse un rêve.
Mes doigts amoureux
Lisent en braille
La poésie de son corps.
Posant ma main
Sur sa poitrine
J’entends battre le cœur du monde.
-=-
Mon amour, je ne t’offrirai pas de fleurs,
Pas de sentiments qui s’ouvrent et se fanent,
Non, pour nous, aucune épine au cœur
Plutôt de la complicité et de la tendresse.
Je t’aime sans déraison,
Une grande passion finit par un grand abandon,
Mais je t’aime à ma façon
Si haut, que s’en arrête la course des nuages.
-=-
Son cœur est un univers d’amour
Sous les lois de la relativité.
Elle n’a besoin que d’une seconde de son temps
Pour me donner un instant éternel.
Elle m’a offert une nuit
D’un rêve éveillé.
Pourquoi faut-il quand le jour se lève
Que les étoiles regagnent le fond du ciel.
-=-
De fil en aiguille
Envie d’en découdre
Avec le nœud politique
Pour faire la maille.
Quand l’absurdité
N’est pas un obstacle,
Le législatif c’est du droit
Qui va de travers
-=-=-
Tahar Ben Jelloun
Au lieu qu’elles soient
Un grand espoir pour l’humanité
La nature crée des différences
La société en fait des inégalités.
Cela devrait nous être évident
Ce qui nous empêche de vivre
Les uns avec les autres
C’est la bêtise, pas nos particularités.
-=-=-
-=-=-=-=-=-=-
Samedi 6 avril 2024
-=-=-=-=-=-=-
Jacques Prévert
Quand la vie est un collier
Quand la vie est un collier
chaque jour est une perle
Quand va la vie est une cage
chaque jour est une larme
Quand va la vie est une forêt
chaque jour est un arbre
Quand va la vie est un arbre
chaque jour est une branche
Quand va la vie est une branche
chaque jour est une feuille
Quand va la vie c'est la mer
chaque jour est une vague
chaque vague est une plainte
une chanson, un frisson
Quand va la vie est un jeu
chaque jour est une carte
le carreau ou le trèfle
le pique, le malheur
Et quand c'est le bonheur
les cartes de l'amour
c'est le cul et le cœur.
-=-=-
Le tendre et dangereux visage de l’amour
Le tendre et dangereux
visage de l’amour
m’est apparu un soir
après un trop long jour
C’était peut-être un archer
avec son arc
ou bien un musicien
avec sa harpe
Je ne sais plus
Je ne sais rien
Tout ce que je sais
c’est qu’il m’a blessée
peut-être avec une flèche
peut-être avec une chanson
Tout ce que je sais
c’est qu’il m’a blessée
blessée au cœur
et pour toujours
Brûlante trop brûlante
blessure de l’amour.
-=-=-
Voyages
Moi aussi
comme les peintres
j’ai mes modèles
Un jour
et c’est déjà hier
sur la plate-forme de l’autobus
je regardais les femmes
qui descendaient la rue d’Amsterdam
Soudain à travers la vitre du bus
j’en découvris une
que je n’avais pas vue monter
Assise et seule elle semblait sourire
A l’instant même elle me plut énormément
mais au même instant
je m’aperçus que c’était la mienne
J’étais content.
-=-=-
-=-=-=-=-=-=-
Samedi 30 mars 2024
-=-=-=-=-=-=-
Jacques Prévert
Chanson de l’oiseleur
L’oiseau qui vole si doucement
L’oiseau rouge et tiède comme le sang
L’oiseau si tendre l’oiseau moqueur
L’oiseau qui soudain prend peur
L’oiseau qui soudain se cogne
L’oiseau qui voudrait s’enfuir
L’oiseau seul et affolé
L’oiseau qui voudrait vivre
L’oiseau qui voudrait chanter
L’oiseau qui voudrait crier
L’oiseau rouge et tiède comme le sang
L’oiseau qui vole si doucement
C’est ton cœur jolie enfant
Ton cœur qui bat de l’aile si tristement
Contre ton sein si dur si blanc.
-=-=-
LE BONHOMME DE NEIGE
Dans la nuit de l'hiver
galope un grand homme blanc
c'est un bonhomme de neige
avec une pipe en bois
un grand bonhomme de neige
poursuivi par le froid
il arrive au village
voyant de la lumière
le voilà rassuré.
Dans une petite maison
il entre sans frapper
et pour se réchauffer
s'assoit sur le poêle rouge,
et d'un coup disparait
ne laissant que sa pipe
au milieu d'une flaque d'eau
ne laissant que sa pipe
et puis son vieux chapeau.
-=-=-
La vie n’a pas d’âge
La vie n’a pas d’âge
La vraie jeunesse ne s’use pas
On a beau l’appeler souvenir,
On a beau dire qu’elle disparaît,
On a beau dire et vouloir dire que tout s’en va,
Tout ce qui est vrai reste là.
Quand la vérité est laide,
C’est une bien fâcheuse histoire.
Quand la vérité est belle, rien ne ternit son miroir.
Les gens très âgés remontent en enfance
Et leur coeur bat là où il n’y a pas d’autrefois.
-=-=-
Sketchs et stand-up (-18)
Elena Nagapetyan :
Impro avec le public - Une milf
Virginie Fortin : Mes sentiments
Jérôme Commandeur : César 2023 - César 2016
-=-=-=-=-=-=-
samedi 23 mars 2024
-=-=-=-=-=-=-
Victor Hugo
Les Tuileries
(1847)
Nous sommes deux drôles,
Aux larges épaules,
De joyeux bandits,
Sachant rire et battre,
Mangeant comme quatre,
Buvant comme dix.
Quand, vidant les litres,
Nous cognons aux vitres
De l’estaminet,
Le bourgeois difforme
Tremble en uniforme
Sous son gros bonnet.
Nous vivons. En somme,
On est honnête homme,
On n’est pas mouchard.
On va le dimanche
Avec Lise ou Blanche
Dîner chez Richard.
On les mène à Pâques,
Barrière Saint-Jacques,
Souper au Chat Vert,
On dévore, on aime,
On boit, on a même
Un plat de dessert !
Nous vivons sans gîte,
Goulûment et vite,
Comme le moineau,
Haussant nos caprices
Jusqu’aux cantatrices
De chez Bobino.
La vie est diverse.
Nous bravons l’averse
Qui mouille nos peaux ;
Toujours en ribotes
Ayant peu de bottes
Et point de chapeaux.
Nous avons l’ivresse,
L’amour, la jeunesse,
L’éclair dans les yeux,
Des poings effroyables ;
Nous sommes des diables,
Nous sommes des dieux !
Nos deux seigneuries
Vont aux Tuileries
Flâner volontiers,
Et dire des choses
Aux servantes roses
Sous les marronniers.
Sous les ombres vertes
Des rampes désertes
Nous errons le soir,
L’eau fuit, les toits fument,
Les lustres s’allument,
Dans le château noir.
Notre âme recueille
Ce que dit la feuille
À la fin du jour,
L’air que chante un gnome.
Et, place Vendôme,
Le bruit du tambour.
Les blanches statues
Assez peu vêtues,
Découvrent leur sein,
Et nous font des signes
Dont rêvent les cygnes
Sur le grand bassin.
Ô Rome ! ô la Ville !
Annibal, tranquille,
Sur nous, écoliers,
Fixant ses yeux vagues,
Nous montre les bagues
De ses chevaliers !
La terrasse est brune.
Pendant que la lune
L’emplit de clarté,
D’ombres et de mensonges,
Nous faisons des songes
Pour la liberté.
-=-=-=-
-=-=-=-=-=-=-
samedi 16 mars 2024
-=-=-=-=-=-=-
Olympe de Gouges
Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne
(1791)
Article premier.
La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits.
Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.
- II -
Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la femme et de l’homme.
Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et surtout la résistance à l’oppression.
- III -
Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation, qui n’est que la réunion de la femme et de l’homme : nul corps, nul individu, ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.
- IV -
La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui, ainsi l’exercice des droits naturels de la femme n’a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l’homme lui oppose.
Ces bornes doivent être réformées par les lois de la nature et de la raison.
- V -
Les lois de la nature et de la raison défendent toutes actions nuisibles à la société.
Tout ce qui n’est pas défendu par ces lois, sages et divines, ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elles n’ordonnent pas.
- VI -
La loi doit être l’expression de la volonté générale, toutes les citoyennes et tous les citoyens doivent concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation.
Elle doit être la même pour tous.
Toutes les citoyennes et tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent être également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents.
- VII -
Nulle femme n’est exceptée, elle est accusée, arrêtée, et détenue dans les cas déterminés par la loi, les femmes obéissent comme les hommes à cette loi rigoureuse.
- VIII -
La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée aux femmes.
- IX -
Toute femme étant déclarée coupable, toute rigueur est exercée par la loi.
- X -
-Nul ne doit être inquiété pour ses opinions mêmes fondamentales.
La femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune, pourvu que ses manifestations ne troublent pas l’ordre public établi par la loi.
- XI -
La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de la femme, puisque cette liberté assure la légitimité des pères envers les enfants. Toute citoyenne peut donc dire librement, je suis mère d’un enfant qui vous appartient, sans qu’un préjugé barbare la force à dissimuler la vérité, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.
- XII -
La garantie des droits de la femme et de la citoyenne nécessite une utilité majeure. Cette garantie doit être instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de celles à qui elle est confiée.
- XIII -
Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, les contributions de la femme et de l’homme sont égales.
Elle a part à toutes les corvées, à toutes les tâches pénibles, elle doit donc avoir de même part à la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de l’industrie.
- XIV -
Les citoyennes et citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes, ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique.
Les citoyennes ne peuvent y adhérer que par l’admission d’un partage égal, non seulement dans la fortune, mais encore dans l’administration publique, et de déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement, et la durée de l’impôt.
- XV -
La masse des femmes, coalisée pour la contribution à celle des hommes, a le droit de demander compte, à tout agent public, de son administration.
- XVI -
Toute société, dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.
La Constitution est nulle, si la majorité des individus qui composent la nation, n’a pas coopéré à sa rédaction.
- XVII -
Les propriétés sont à tous les sexes réunis ou séparés, elles ont pour chacun un droit inviolable et sacré.
Nul ne peut en être privé comme vrai patrimoine de la nature, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.
-=-=-=-=-=-=-
Sketchs et stand-up (-18)
Zouc : Suzanne - Sylvie Joly : Catherine
Lou Trotignon : Genre - Morgane Gadignan : la française des gueux
-=-=-=-=-=-=-
samedi 2 mars 2024
-=-=-=-=-=-=-
Victor Hugo
Bon conseil aux amants
L'amour fut de tout temps un bien rude Ananké.
Si l'on ne veut pas être à la porte flanqué,
Dès qu'on aime une belle, on s'observe, on se scrute ;
On met le naturel de côté ; bête brute,
On se fait ange ; on est le nain Micromégas ;
Surtout on ne fait point chez elle de dégâts ;
On se tait, on attend, jamais on ne s'ennuie,
On trouve bon le givre et la bise et la pluie,
On n'a ni faim, ni soif, on est de droit transi ;
Un coup de dent de trop vous perd. Oyez ceci :
Un brave ogre des bois, natif de Moscovie,
Etait fort amoureux d'une fée, et l'envie
Qu'il avait d'épouser cette dame s'accrut
Au point de rendre fou ce pauvre coeur tout brut :
L'ogre, un beau jour d'hiver, peigne sa peau velue,
Se présente au palais de la fée, et salue,
Et s'annonce à l'huissier comme prince Ogrousky.
La fée avait un fils, on ne sait pas de qui.
Elle était ce jour-là sortie, et quant au mioche,
Bel enfant blond nourri de crème et de brioche,
Don fait par quelque Ulysse à cette Calypso,
Il était sous la porte et jouait au cerceau.
On laissa l'ogre et lui tout seuls dans l'antichambre.
Comment passer le temps quand il neige en décembre.
Et quand on n'a personne avec qui dire un mot ?
L'ogre se mit alors à croquer le marmot.
C'est très simple. Pourtant c'est aller un peu vite,
Même lorsqu'on est ogre et qu'on est moscovite,
Que de gober ainsi les mioches du prochain.
Le bâillement d'un ogre est frère de la faim.
Quand la dame rentra, plus d'enfant. On s'informe.
La fée avise l'ogre avec sa bouche énorme.
As-tu vu, cria-t-elle, un bel enfant que j'ai ?
Le bon ogre naïf lui dit : Je l'ai mangé.
Or, c'était maladroit. Vous qui cherchez à plaire,
Jugez ce que devint l'ogre devant la mère
Furieuse qu'il eût soupé de son dauphin.
Que l'exemple vous serve ; aimez, mais soyez fin ;
Adorez votre belle, et soyez plein d'astuce ;
N'allez pas lui manger, comme cet ogre russe,
Son enfant, ou marcher sur la patte à son chien.
-=-=-
Sketchs et stand-up (-18)
Nawell Madani : Les secrets du Bled
Alison Wheeler : Le dernier verre -=- Entrée, plat, dessert
-=-=-
-=-=-=-=-=-=-
samedi 24 février 2024
-=-=-=-=-=-=-
Jean-Marc Jancovici
Le Monde sans fin (extraits)
-=-
Mes forêts sont en train de brûler partout, mes coraux sont en train de crever, mes lacs s'assèchent, beaucoup de mes habitants veulent fuir leur pays.
Pour préserver ce qui peut l'être, vous avez 30 ans pour diviser les émissions de gaz à effet de serre par 3.
Vous pouvez aussi attendre que tout devienne invivable.
-=-
J'entendais parler du réchauffement climatique depuis longtemps.
Je me réfugiais derrière une échéance lointaine, ca devient réel.
-=-
Les émissions de dioxyde de carbone dues au digital sont équivalentes à celles de :
Toute la flotte mondiale de camions...
ou 2 fois la marine marchande mondiale...
ou 2/3 des voitures particulières et utilitaires mondiales...
ou 2,5 fois les émissions de la France.
-=-
Le problème climatique est une affaire de quantité.
La solution est aussi une affaire de quantité.
-=-
Le comportement qu'on a avec les énergies fossiles et les énergies renouvelables me fait penser à cette blague :
- Vous en êtes à combien ?
- Une bouteille de whisky par jour.
- Houlà !
Un mois plus tard...
- Alors ! où en sommes-nous ?
- Ça va beaucoup mieux !.
_Ah ! Racontez-moi ça !
- Je bois une bouteille de whisky et demie par jour, oui, mais attention, maintenant, je bois une orange pressée par semaine en plus.
-=-
Malheureusement, notre vaisseau spatial de 13 000 km de diamètre ne peut pas supporter une pression constante sans avoir des avaries de tous les bords.
Ou on fait un effort qui va nous coûter mais qui évitera la panne, ou on attend la panne.
-=-
On croit souvent que, quand on a des moyens de transport qui permettent d'aller plus vite, on va diminuer nos temps de déplacement pour aller aux mêmes endroits.
Or, on se déplace le même temps par jour en moyenne, mais on a augmenté la longueur des voyages.
-=-
La vitesse à laquelle il faut réformer le système n’est pas compatible avec le maintien d’une liberté individuelle accompagnée du niveau de vie auquel on est habitués aujourd’hui.
-=-
Le nucléaire est un peu comme l'avion de ligne.
Les accidents frappent les esprits et créent un sentiment d'effroi.
-=-
La vitesse à laquelle il faut réformer le système n’est pas compatible avec le maintien d'une liberté individuelle accompagnée du niveau de vie auquel on est habitué aujourd’hui.
-=-
Nous avons bâti un système qui n’est stable que dans l’expansion.
-=-
La mondialisation standardise les villes.
Où est le dépaysement ?
L’avion, désormais, dépayse moins qu’avant et nous transporte plus qu’il nous fait voyager.
Le tourisme est devenu au voyage ce que McDo est à la nourriture.
-=-
L'énergie abondante permet de mettre en route une quantité croissante de machines.
Une machine qui travaille, c'est quelqu'un pour la piloter.
Qu'est-ce qu'un emploi ouvrier ? c'est un serviteur de machine.
Avant la mécanisation, l'outil est un auxiliaire de l'homme.
Avec la mécanisation, c'est l'inverse.
L'homme dictait son rythme à l'outil, avec la machine, c'est l'inverse.
-=-
Une crise est un état transitoire...
Et là, ce n'est pas transitoire...
Les premiers chocs pétroliers étaient un avertissement...
Les ressources commencent à s'épuiser.
-=-
Nous avons construit un monde qui tend à rassembler tous les terriens au même endroit.
C'est un système qui réclame des flux toujours plus titanesques pour exister.
Le système s'enraye si un de ces flux ne peut plus circuler normalement, le flux humain par exemple.
-=-
Aujourd'hui, nous avons un sentiment global d'insécurité.
Dérive climatique
Érosion des ressources
Surpopulation
Pour calmer notre cortex cingulaire (zone du cerveau impactée par les facteurs émotionnels) nous avons plusieurs stratégies pour rendre à nouveau les choses prévisibles.
Le déni : C'est des conneries.
La croyance : La science trouvera bien une solution.
L'humanité s'en sort toujours.
Le greenwashing : J'émets toujours plus mais j'achète des crédits carbone (Je mets un peu d'argent dans des actions censées être vertes). Exemple : "Je suis neutre en carbone depuis 2007."
Le n'importe quoi : La croissance verte, c'est possible.
-=-=-=-=-=-=-
Sketchs et stand-up (-18)
Raymond Devos : La survie du squelette
Florence Foresti : Le sommeil et l’hippopotame
Les Nuls : La dernière édition
Bérangère Krief : Une fille ne peut pas faire ça !
-=-=-








-=-=-=-=-=-=-
samedi 17 février 2024
-=-=-=-=-=-=-
Olivier de Kersauson
(suite et fin)
-=-=-
Le Monde, comme il me parle (2013)
(extraits)
-=-
S'il n'y a pas un peu de poudre de perlimpinpin, rien ne peut se faire.
Aller sur la mer, c'est aller se promener aux limites de ses capacités et de son savoir.
Risquer. Oui, risquer sa vie.
Pour s'en sortir, il faut un peu de cette poudre.
-=-
Aller au risque, c'est toujours emprunter la voie la plus dure, mais elle emmène quelque part.
Les voies faciles n'emmènent nulle part.
Je le pense et je l'applique.
-=-
La politique c'est le monde de l'imposture.
Leur savoir-faire est dans le faire-savoir.
Ils sont dans leur grande majorité des voleurs d'espoirs de pauvres.
Le problème, aujourd'hui, c'est qu'il y a plus de mauvais hommes politiques que de bons.
~~
Le monde, pour moi, n'a d'intérêt que maritime.
C'est mon monde, un décor magnifique, varié, pas monotone pour peu que vous en ayez la lecture, aussi lisible que les empreintes dans un bois pour un garde-chasse.
~~
La solitude est le seul moment réel de notre vie.
La vie réelle est dans la solitude.
L'émotion est solitaire.
Même le voyage amoureux est un voyage en solitaire.
-=-
Le monde ici me dit clairement que je ne suis qu’un passant.
Alors je pense dans mon for intérieur : il me suffirait d’être ce mouvement-là pour être éternel.
Le bruit du récif m’indique que je suis déjà vaincu.
Ce bruit va continuer, continuer et continuer encore…
Cette respiration n’est pas la mienne, c’est celle du monde. Elle ne me rend que plus dérisoire et vulnérable.
Je n’ai, moi, qu’un tout petit souffle.
-=-
Le temps vient me chercher et m'emmène.
Je ne suis pas suffisamment cultivé pour que ce temps soit défini, mais je suis suffisamment sensible pour savoir qu'il est question de temps (au pluriel), définissables, présents, actifs et dérisoires.
-=-
Dans mon métier de marin, la postérité n’est pas pensable…Il n’y a pas d’autres traces que celles que creuse le sillage.
Et elles disparaissent.
-=-=-=-
Océan’s songs (2008)
(extraits)
-=-
Toujours se souvenir que le voyageur est venu pour voir.
Que la seule richesse qui ne s'achète qu'avec du courage, c'est la lenteur.
-=-
Je ne me lasse pas des peintures chères à mon coeur:
les Antilles, la Polynésie et la mer d'Iroise.
Pourtant, je n'ai jamais revendiqué une appartenance quelconque.
-=-
J'ai choisi ce métier pour aller chercher des notes de musique en mer, pour aller danser un soir d'escale à Fortaleza.
Je fais confiance au voyage pour qu'il me conduise dans le tourbillon émotionnel du monde.
-=-
Il ne faut jamais perdre de vue que le voyageur est un corps étranger.
Ne rien solliciter, ne rien demander.
Etre silencieux et paisible.
-=-
Nous, Français, avons colonisé comme on a évangélisé :pour construire un lien.
Eux, ils ont colonisé dans un but de captation qu'ils n'ont jamais caché.
Nous, si.
-=-
J'ai choisi ce métier pour aller chercher des notes de musique en mer, pour aller danser un soir d'escale à Fortaleza.
Je fais confiance au voyage pour qu'il me conduise dans le tourbillon émotionnel du monde.
-=-
Ma pensée ne se repose qu'en mer.
Je ne fuis pas mes semblables.
D'abord pour être honnête, ils ne m'intéressent qu'assez peu pour que je les boude vraiment.
-=-
Ma pensée ne se repose qu'en mer.
-=-
Il m'a toujours semblé indécent de ne pas aller voir partout dans le monde.
Il me fallait partir sur tous les océans, découvrir tous les ports.
Pour moi, c'est vital : puisqu'on est dans le monde, il faut le courir.
-=-
La miséricorde est un principe général de conduite à l'usage de ceux qui ne veulent pas abdiquer devant la lâcheté, le doute et la bêtise.
La miséricorde permet à l'homme flétri de reverdir.
Ma miséricorde est un engrais dont je fais grand usage.
-=-
Tourner autour du monde reste pour moi un inépuisable magasin d'aventures. Une seule chose a compté pour moi: le plaisir d'être en mer...
-=-
La terre ne m'intéresse pas du tout, sauf quand elle est frangée par la mer. Alors elle est belle : un champ de blé agité par les brises marines où se mêlent l'odeur du blé qui est en train de mûrir et l'air frais qui vient de la mer ,
ça , c'est extraordinaire.
-=-
Pour moi, Tabarly, il est aussi éternel que le courage, la force, la droiture.
Il représente tellement de ces valeurs que l'homme qui les incarne ne peut pas avoir disparu.
-=-=-=-





-=-=-=-
-=-=-=-=-=-








~~~~~~~~~~
samedi 10 février 2024
~~~~~~~~~~
Textes
Olivier de Kersauzon
~~
Promenades en bord de mer et étonnements heureux (2016)
(extraits)
~~
Le jour où je vais disparaître, j'aurai été poli avec la vie car je l'aurai bien aimée et beaucoup respectée.
Je n'ai jamais considéré comme chose négligeable l'odeur des lilas, le bruit du vent dans les feuilles, le bruit du ressac sur le sable, lorsque la mer est calme, le clapotis.
Tous ces moments que nous donne la nature, je les ai aimés, chéris, choyés.
Je suis poli, voilà. Ils font partie de mes promenades et de mes étonnements heureux sans cesse renouvelés.
~~
C'est très douloureux d'écrire sa vie, de regarder dans le rétroviseur, parce qu'elle se résume à peu.
Elle n'est faite que d'efforts.
Je préfère regarder devant, parce que devant il n'y a que le plaisir, puisque l'effort n'est pas encore fait !
~~
Naviguer, c’est frôler sans cesse le corps onctueux d’une femme qui, dès lors, est interminable.
La mer lamée de mauve, c’est sa peau lascive où la coque s’introduit.
C’est d’un érotisme subtil, onirique, étrange, secret.
~~
La solitude, ça ne m'impressionne pas du tout.
Au contraire, j'aime bien ça, ça ressemble à la vie réelle.
Quand l'instant est grave, important ou difficile, on est seul, toujours.
~~
La mer varie selon l’éclairage, l’heure, la position du soleil, les nébulosités, la force du vent, celle des vagues.
C’est infini.
~~
Je pense que le lever du soleil quotidien est une sanctification de notre chance de vivre.
Je vis tous les jours en me disant : tout bouge encore, tout marche aujourd'hui, pourvu que ça dure.
~~
Pour moi comme pour les gens de ma culture, c'est à dire ceux qui ne sont pas intéressés par le buzz, les autres se comportant comme des témoins assistés, la plupart de nos coreligionnaires vivent à côté du monde.
Ce qui est important pour moi, ce n'est pas le match de foot, c'est que nous soyons le jour du solstice d'hiver, par exemple, dans le Pacifique.
~~
Le passé c'est bien, mais l'exaltation du présent, c'est une façon de se tenir, un devoir.
Dans notre civilisation, on maltraite le présent, on est sans cesse tendu vers ce que l'on voudrait avoir, on ne s'émerveille plus de ce que l'on a. On se plaint de ce que l'on voudrait avoir.
Drôle de mentalité!
Se contenter, ce n'est pas péjoratif.
Revenir au bonheur de ce que l'on a, c'est un savoir vivre.
~~
Je vis dans un monde dont j'ai fixé le décor et la ligne d'horizon, le point de mire, le point de fuite.
~~~~~
Sketchs et Stand-up (-18)
~~~~~~~~~~
samedi 3 février 2024
~~~~~~~~~~
Haroun Tazieff
~~
Histoires de volcans
~~
Entre l'aube et le crépuscule, ils virent par quatre fois un énorme dôme d'eau se gonfler soudain sur la surface de la mer et éclater sous la poussée forcenée des gaz, libérant un terrible jaillissement de rocs, de bombes, de scories volcaniques, de sables noirs et d'au, qui fusait pour aller s'écarteler dans le ciel en une gerbe monstrueuse.
~~
Le monde volcanique est sombre: gris, bleu foncé, brun noir.
Les rares notes claires : jaunes, blanches ou ocre, que jettent les dépôts sains abandonnés par les fumerolles, ne font que rendre plus tragique l'ensemble du décor.
Quant aux rouges sombres ou vifs et aux ors de la lave en fusion, l'exaltation qu'ils provoquent est chaque fois suivie d'une vague dépression.
Vingt-quatre heures passées en de tels lieux n'apportent qu'enthousiasme, mais à partir du troisième ou quatrième jour l'animal humain cède peu à peu à un malaise, on a envie de voir de l'eau, des plantes.
~~
Cratères en feu
~~
L' idée tout naturelle devait leur venir d' essayer d' établir une échelle de l' importance des tremblements de terre qui en reflète l' énergie véritable sur la base des inscriptions de leurs instruments, à l'abri des influences diverses qui tendent tantôt à exagérer les effets d'un séisme, tantôt à les réduire .
~~
En Afrique orientale, les Britanniques ont un nom délicieux pour désigner une espèce particulièrement exaspérante, armée de fortes épines recourbées qui vous retiennent sans pitié par le vêtement ou par la chair.
C'est le “ Wait a bit ” (attends un peu).
Rien à faire en effet que s'arrêter et posément se décrocher (l'énervement conduirait immanquablement au résultat inverse) pour repartir avec prudence.
“ Wait a bit ”, grande institutrice végétale de patience et de sagesse.
~~
Cependant, cette gueule, dont la chaleur me touchait comme un souffle animal, cette gueule me faisait peur.
Penché sur l'embrasement, il n'y avait plus de géologue curieux des phénomène, mais un primitif angoissé : " Si je me laisse aller, je fous le camp..."
Remonté le collet, bouclée la patte de la veste de grosse toile afin qu'une sournoise escarbille ne me pénétrât pas dans le cou. J'enfonçai sur mes derniers cheveux le vieux feutre qui me tenait lieu de casque.
A Dieu vat !
~~
Debout sur le sommet du cône grondant, avant même de retrouver mon souffle coupé par la rude escalade, je plongeai mon regard dans le cratère.
~~
Ça sent le soufre !
~~
Au long de ce dernier quart de siècle, des groupes de pression trop puissants, ont corrompu trop de décideurs politiques, trop de parlementaires, trop de hauts fonctionnaires, davantage soucieux de leurs profits personnels et de leur carrière que de l'intérêt du pays.
~~
L’odeur du soufre
~~
il est impossible aujourd'hui, à moins de débilité mentale, d'accorder à l'ONU la moindre confiance, sinon dans l'art de dépenser des fortunes pour rien et d'entretenir des milliers de parasites.
~~
La Terre va t’elle cesser de tourner ?
~~
Courage, honnêteté, rigueur, cela s'apprend. A condition de s'y prendre avant que ne soient enracinés dans le jeune individu les vices qui caractérisent et déterminent notre actuelle décadence.
De nos jours on instruit certes fort bien les gosses, mais on ne les éduque pas.
Ni à la maison, ni à l'école, moins encore à la télévision.
Si l'on se décidait à les éduquer vraiment, ce qui n'a rien de sorcier, on sauverait l'humanité des catastrophes qu'elle se fabrique.
~~~~~
Sketchs et Stand-up (-18)
Elsa Barrère : Je m’embrouilles avec tout le monde !
Marina Cars : Sortir avec un moche !
Lilia Benchabane : Handicapée méchante
Paul Mirabel : Bienvenue à Marrakech
Aux heures de paix, on sait où trouver chaque objet.
On sait où joindre chaque ami.
On sait aussi où l'on ira dormir le soir.
Je survole donc des routes noires de l'interminable sirop qui n'en finit plus de couler.
On évacue, dit-on, les populations, ce n'est déjà plus vrai, elles s'évacuent d'elles-mêmes.
Il est une contagion démente dans cet exode.
Car où vont-ils ces vagabonds ?
Ils se mettent en marche vers le Sud, comme s'il était, là-bas, des logements et des aliments, comme s'il était, là-bas, des tendresses pour les accueillir.
Mais il n'est, dans le Sud, que des villes pleines à craquer, où l'on couche dans les hangars et dont les provisions s'épuisent.
Où les plus généreux se font peu à peu agressifs à cause de l'absurde de cette invasion qui, peu à peu, avec la lenteur d'un fleuve de boue, les engloutit.
Une seule province ne peut ni loger ni nourrir la France !
Où vont-ils ?
Ils ne savent pas !
Ils marchent vers des escales fantômes, car à peine cette caravane aborde-t-elle une oasis, que déjà il n'est plus d'oasis.
Chaque oasis craque à son tour, et à son tour se déverse dans la caravane.
Et si la caravane aborde un vrai village qui fait semblant de vivre encore, elle en épuise, dès le premier soir, toute la substance.
Elle le nettoie comme les vers nettoient un os.
L'ennemi progresse plus vite que l'exode.
Des voitures blindées, en certains points, doublent le fleuve qui, alors, s'empâte et reflue.
Il est des divisions allemandes qui pataugent dans cette bouillie, et l'on rencontre ce paradoxe surprenant qu'en certains points ceux-là mêmes qui tuaient ailleurs, donnent à boire.
Nous avons cantonné, au cours de la retraite, dans une dizaine de villages successifs.
Nous avons trempé dans la tourbe lente qui lentement traversait ces villages :
‘’ Où allez-vous ? – On ne sait pas ‘’.
Jamais ils ne savaient rien, personne ne savait rien, ils évacuaient.
Aucun refuge n'était plus disponible.
Aucune route n'était plus praticable.
Ils évacuaient quand même.
On avait donné dans le Nord un grand coup de pied dans la fourmilière, et les fourmis s'en allaient,
laborieusement,
sans panique,
sans espoir, sans désespoir.
Comme par devoir.
~~~~~
Sketchs et Stand-up (-18)
Valérie Lemercier : Nutella
Florence Foresti : Myriam - L'adultère
Ahmed Sylla : Waze
~~~~~~~~~~
samedi 13 janvier 2024
~~~~~~~~~~
Jean Giono
Les vraies richesses (1936)
Quand le soir vient, je monte du côté de Belleville.
À l'angle de la rue de Belleville et de la rue déserte, blême et tordue, dans laquelle se trouve La Bellevilloise, je connais un petit restaurant où je prends mon repas du soir.
Je vais à pied.
Je me sens tout dépaysé par la dureté du trottoir et le balancement des hanches qu'il faut avoir pour éviter ceux qui vous frôlent.
Je marche vite et je dépasse les gens qui vont dans ma direction.
Mais quand je les ai dépassés, je ne sais plus que faire, ni pourquoi je les ai dépassés, car c'est exactement la même foule, la même gêne, les mêmes gens toujours à dépasser sans jamais trouver devant moi d'espaces libres.
Alors, je romps mon pas et je reste nonchalant dans la foule.
Mais ce qui vient d'elle à moi n'est pas sympathique.
Je suis en présence d'une anonyme création des forces déséquilibrées de l'homme.
Cette foule n'est emportée par rien d'unanime.
Elle est un conglomérat de mille soucis, de peines, de joies, de fatigues, de désirs extrêmement personnels.
Ce n'est pas un corps organisé, c'est un entassement,
il ne peut y avoir aucune amitié entre elle, collective, et moi.
Il ne peut y avoir d'amitié qu'entre des parties d'elle-même et moi, des morceaux de cette foule, des hommes ou des femmes.
Mais alors, j'ai avantage à les rencontrer seuls et cette foule est là seulement pour me gêner.
Le premier geste qu'on aurait si on rencontrait un ami serait de le tirer de là jusqu'à la rive, jusqu'à la terrasse du café, l'encoignure de la porte, pour avoir enfin la joie de véritablement le rencontrer.
...........
De tous ces gens-là qui m'entourent, m'emportent, me heurtent et me poussent, de cette foule parisienne qui coule, me contenant sur les trottoirs devant La Samaritaine :
Combien seraient capables de recommencer les gestes essentiels de la vie s'ils se trouvaient demain à l'aube dans un monde nu ?
Qui saurait orienter son foyer en plein air et faire du feu ?
Qui saurait reconnaître et trier parmi les plantes vénéneuses les nourricières comme l'épinard sauvage, la carotte sauvage, le navet des montagnes, le chou des pâturages ?
Qui saurait tisser l’étoffe ?
Qui saurait tirer les sucs pour faire le cuir ?
Qui saurait écorcher un chevreau ?
Qui saurait tanner la peau ?
Qui saurait vivre ?
Ah ! c'est maintenant que le mot désigne enfin la chose !
Je vois ce qu'ils savent faire : ils savent prendre l'autobus et le métro.
Ils savent arrêter un taxi, traverser une rue, commander un garçon de café.
Ils le font là tout autour de moi avec une aisance qui me déconcerte et m'effraie.
~~~~~
Sketchs et Stand-up (-18)
Doully : un moment de honte n’est pas si vite passé
Florence Foresti : les taupes models
Thomas VDB : Fumeurs vs non fumeurs
~~~~~~~~~~
samedi 6 janvier 2024
~~~~~~~~~~
Aldous Huxley
Le Meilleur des mondes
(extraits)
~~
La civilisation n'a pas le moindre besoin de noblesse ou d'héroïsme.
Ces choses-là sont des symptômes d'incapacité politique.
~~
Ce ne sont pas les philosophes mais bien ceux qui s'adonnent au bois découpé et aux collections de timbres, qui
constituent l'armature de la société.
~~
Et c'est là, dit sentencieusement le directeur , en guise de contribution à cet exposé, qu'est le secret du bonheur et de la vertu :
aimer ce qu'on est obligé de faire.
Tel est le but de tout conditionnement : faire aimer aux gens la destination sociale à laquelle ils ne peuvent échapper.
~~
Comme il est difficile de prendre un ton persuasif quand on crie à pleine voix.
~~
Plus les talents d'un homme sont grands, plus il a le pouvoir de fourvoyer les autres.
~~
Savoir s'il est plus noble en esprit de subir les coups et les flèches de la fortune adverse, ou de prendre les armes contre
un océan de malheurs, et, en leur tenant tête, d'y mettre fin ?
Mais vous ne faites ni l'un ni l'autre.
Vous ne subissez ni ne tenez tête.
Vous abolissez tout bonnement les coups et les flèches.
~~
On ne peut avoir une civilisation aimable sans une bonne quantité de vices aimables.
~~
On croit les choses parce qu’on a été conditionné à les croire.
~~
Dès que l’individu ressent, la communauté est sur un sol glissant.
~~
Les mots peuvent ressembler aux rayons X :
si l’on s’en sert convenablement, ils transpercent n’importe quoi.
On lit, et l’on est transpercé.
~~
Un homme peut prodiguer les sourires et n'être qu'un scélérat.
~~
Les détails, comme chacun le sait, conduisent à la vertu et au bonheur.
Les généralités sont, au point de vue intellectuel, des maux inévitables.
~~
A mesure que diminue la liberté économique et politique,
la liberté sexuelle a tendance à s'accroître en compensation.
~~
Le bonheur est un maître exigeant, surtout le bonheur d'autrui.
~~
On ne peut pas faire de tragédies sans acier.
E on ne peut pas faire de tragédies sans instabilité sociale
~~
Les plus grands triomphes, en matière de propagande, ont été accomplis, non pas en faisant quelque chose, mais en s'abstenant de le faire.
Grande est la vérité, mais plus grand encore, du point de vue pratique, est le silence au sujet de la vérité.
~~
Dans une traduction, les tons seulement sont entendus, et non leurs harmoniques.
~~
Discours
(En 1961 à la California Medical School de San Francisco)
Il y aura dès la prochaine génération une méthode pharmaceutique pour faire aimer aux gens leur propre servitude, et
créer une dictature sans larmes, pour ainsi dire, en réalisant des camps de concentration sans douleur pour des sociétés entières, de sorte que les gens se verront privés de leurs libertés, mais en ressentiront plutôt du plaisir.
~~~~~
Sketchs et Stand-up (-18)
Doully : pas de panique
Pierre Desproges : les cons, la guerre et les impôts
~~~~~~~~~~
samedi 23 décembre 2023
~~~~~~~~~~
Milan Kundera
Extraits de '' L'insoupçonnable légèreté de l'Etre '''
Pour Sabina, vivre dans la vérité, ne mentir ni à soi-même ni aux autres, ce n'est possible qu'à la condition de vivre sans public. Dès lors qu'il y a un témoin à nos actes, nous nous adaptons bon gré mal gré aux yeux qui nous observent, et plus rien de ce que nous faisons n'est vrai.
~~
Il avait derrière lui sept années de vie avec Tereza et voilà qu'il constatait que ces années étaient plus belles dans le souvenir qu'à l'instant où il les avait vécues.
~~
On ne pourra jamais déterminer avec certitude dans quelle mesure nos relations avec autrui sont le résultat de nos sentiments, de notre amour ou non-amour, de notre bienveillance ou haine, et dans quelle mesure elles sont d'avance conditionnées par les rapports de force entre individus.
~~
Soudain, il se sentit mal à l'aise à l'idée qu'il la voyait si peu depuis deux ans et qu'il n'avait même plus l'occasion de serrer longuement ses mains dans les siennes pour les empêcher de trembler.
~~
En son for intérieur, elle lui reprochait toujours de ne pas l'aimer assez. Elle considérait que son amour à elle était au-dessus de tout reproche, mais que son amour à lui était une simple condescendance.
~~
Ce sont précisément les questions auxquelles il n'est pas de réponse qui marquent les limites des possibilités humaines et qui tracent les frontières de notre existence.
~~
Mais un événement n'est-il pas au contraire d'autant plus important et chargé de signification qu'il dépend d'un plus grand nombre de hasards ?
Seul le hasard peut nous apparaître comme un message, pour qu'un amour soit inoubliable, il faut que les hasards s'y rejoignent dès le premier instant.
~~
Tant que les gens sont plus ou moins jeunes et que la partition musicale de leur vie n'en est qu'à ses premières mesures, ils peuvent la composer ensemble et échanger des motifs, mais, quand ils se rencontrent à un âge plus mûr, leur partition musicale est plus ou moins achevée, et chaque mot, chaque objet signifie quelque chose d'autre dans la partition de chacun.
~~
La vraie bonté de l'homme ne peut se manifester en toute pureté et en toute liberté qu'à l'égard de ceux qui ne représentent aucune force.
Le véritable test moral de l'humanité, le plus radical, qui se situe à un niveau si profond qu'il échappe à notre regard, ce sont les relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux.
Et c'est ici que s'est produite la faillite fondamentale de l'homme, si fondamentale que toutes les autres en découlent.
~~
Tomas se répète le proverbe allemand : einmal ist keinmal, une fois ne compte pas, une fois c’est jamais.
Ne pouvoir vivre qu’une vie, c’est comme ne pas vivre du tout.
~~
Si nous sommes incapables d'aimer c'est peut-être parce que nous désirons être aimés, c'est à dire que nous voulons quelque chose de l'autre, l'amour, au lieu de venir à lui sans revendications et ne vouloir que sa simple présence.
~~
Cette gentillesse lui crevait le cœur, elle tourna son visage vers l'écorce de l'arbre et éclata en sanglots.
~~
Elle s'interrompit, puis elle ajouta :
" Devant c'était le mensonge intelligible, et derrière, l'incompréhensible vérité. "
~~
Et c'est pour cela qu'il est si dangereux de changer l'animal en machine animée et de faire de la vache un automate à produire du lait :
l'homme coupe ainsi le fil qui le rattachait au Paradis, et rien ne pourra l’arrêter ni le réconforter dans son vol à travers le vide du temps.
~~
... mais on peut avec raison reprocher à l'homme d'être aveugle à ces hasards et de priver ainsi la vie de sa dimension de beauté.
~~~~~
Sketchs / Stand-up (-18)
Florence Foresti : Isabelle Adjani
Muriel Robin : La réunion de chantier
Ben : 7 minutes pour apprendre à lire
~~~~~~~~~~
samedi 16 décembre 2023
~~~~~~~~~~
Simone Signoret
Extraits de ‘’ La nostalgie n’est plus ce qu’elle était ‘’
Le secret du bonheur en amour, ce n’est pas d’être aveugle mais de savoir fermer les yeux quand il le faut.
~~
Ça n'est pas un bon truc de venir là avec un gros ouvrage philosophique sous le bras et de le déposer sur la table de maquillage pour faire croire qu'on s'en fout du cinéma, alors qu'on crève de trac et d'envie d'en faire.
Ça vexe les saltimbanques qui n'ont pas fait de philo et ça fait sourire les intellectuels qui ont voulu devenir saltimbanques, ce qui ne veut pas dire qu'en devenant saltimbanques ils sont devenus idiots.
Je le sais, je l'ai fait une fois, le truc du gros bouquin... pas deux !
~~
Montand, il est formidable dans les grandes circonstances. S'il y a le feu, c'est lui qui trouve l'eau ; et si vous perdez votre sang, il saura vous faire un garrot. Il est l'homme des grandes occasions.
Disons que dans les petites occasions, il lui arrive d'être un peu difficile, pour ne pas dire pénible.
~~
...… Non, et c'est peut-être pour cela qu'elle était plus sensibilisée.
De toute façon, elle faisait toujours les choses pas comme les autres.
A peu près à la même époque, elle s'est aperçue que la brosse à dents qu'on venait d'acheter était made in Japan.
On est retourné chez le marchand de couleurs qui portait un béret basque et était certainement un militant des Croix de Feu.
Très polie, ma mère lui dit : " je voudrais échanger cette brosse à dents, parce que, voyez-vous, elle est fabriquée au Japon
‘’Ah oui, et alors ? " fait le marchand.
" Vous comprenez, monsieur, lui expliqua ma mère, les Japonais viennent de signer un pacte avec les Italiens et les Allemands et toute marchandise japonaise, la moindre brosse à dents, ce sont des armes pour le Japon, l'Italie et l'Allemagne, des pays fascistes ".
A ce moment là, j'aurais donné la terre entière pour ne pas être à côté !
Mais le type reprenait : " Vous voulez donc une brosse à dents française ? ‘’
‘’ Non, je ne suis pas chauvine. Je veux seulement une brosse à dents qui ne soit ni allemande, ni italienne, ni japonaise ".
On a dû s'accommoder d'une brosse à dents anglaise.
Ma mère considérait qu'elle n'avait pas perdu sa journée et je pense aujourd'hui qu'elle avait parfaitement raison, mais quand on a douze ou treize ans, on est terriblement gêné.
~~
Elle prit donc ses deux petits garçons sous le bras, un minimum de paquets, pour une fois, mais dont un contenait néanmoins un petit éléphant fait d'ouate enrobée d'un crochetage de laine gris : joujou artisanal s'il en fut, dans lequel elle avait dissimulé un vieux revolver de mon père qu'elle s'était refusée à livrer à la mairie en 40.
Elle n'avait pas la moindre intention de s'en servir, mais, pas plus qu'on n'achète de brosses à dents à l'ennemi, on ne lui rend les armes.
~~
Quand j'étais petite, on me racontait comment les chemineaux laissaient des signes mystérieux sur les portes des fermes auxquelles ils avaient frappé, à l'intention de leurs copains qui viendraient derrière eux.
‘’ Ici on donne … ici on est méchant … ici on donne contre du travail … ‘’ disaient les croix, les bâtons ou les losanges gravés au canif.
Il y a a sûrement plein de signes invisibles tracés sur la porte de la « roulotte ».
~~
C'est à l'hôtel d'Angleterre (de Leningrad) qu'Essenine s'était ouvert les veines et avait écrit le dernier poème de sa vie. C'était en 1925.
Assis par terre dans le salon de notre appartement princier, après un dernier verre et juste avant d'aller se coucher, l'un des guides interprètes dit que c'était peut-être sur cette moquette-là que le sang d'Essenine avait coulé.
Et tous quatre, en russe et en chœur, récitèrent le poème du jeune fou dont les derniers vers disent :
Dans cette vie mourir n'est pas nouveau,
Mais vivre n'est certes pas chose plus neuve.
~~~~~
Sketchs / Stand-up (-18)
Florence Foresti : Britney Spears
Muriel Robin : L’addition
Ben : Sketch complet
~~~~~~~~~~
samedi 9 décembre 2023
~~~~~~~~~~
Bouddha
La bienveillance
Que tous les êtres soient remplis de joie et de paix.
Que tous les êtres, partout,
Les forts et les faibles,
Les illustres et les insignifiants,
Les misérables et les puissants,
Les grands et les petits,
Les subtils et les grossiers,
En vue ou dans l’ombre,
À proximité ou à mille lieues,
Étant ou dans l’attente d’être :
Que tous soient remplis d’une joie durable.
Qu’aucun être n’en trompe un autre,
Qu’aucun être nulle part n’en méprise un autre,
Qu’aucun être sous l’emprise de la colère ou du ressentiment.
Ne souhaite jamais le malheur d’un autre.
Tout comme la mère fait de sa vie un rempart
pour protéger de la souffrance son enfant, son unique enfant,
Laisse grandir en toi un amour sans bornes de toutes les créatures.
Laisse ton amour couler et sillonner l’Univers,
Dans toute sa hauteur, sa profondeur et sa grandeur,
Un amour sans limites, sans haine et sans hostilité.
Puis, debout ou en mouvement,
Assis ou couché,
Tant que tu es éveillé,
Lutte pour cela en fixant ton esprit sur un point ;
Ta vie t’apportera le paradis sur terre.
~~~~~
Montaigne
La vie n’est en soi ni bien ni mal : c’est la place du bien et du mal selon que vous la leur faites.
~~~~~
Nelson Mandela
Il n’y a aucune passion à vivre petit, à vivre une vie qui est à mille lieues de celle que vous êtes capable de vivre.
~~~~~
Sketchs / Stand-up (-18)
Caroline Vigneaux : ( au festival du rire de Liège )
Antonia de Rendinger : Travail, famille poterie
Omar et Fred : SAV des émissions
~~~~~~~~~~
samedi 2 décembre 2023
~~~~~~~~~~
Temps calme
Parti très loin
Dans mes pensées
Je me suis perdu.
À le suivre des yeux
Un papillon me ramène
À moi même.
Au bord du lac,
Pêcher plus de silence
Que de poissons.
Chaude après-midi
Lourdeur du temps -
Le poids d’acier
Du ciel bleu métal.
Être en sueur
Comme un poisson
Sorti de l’eau.
Dans l’herbe sèche
Lentement la limace lèche
L’ombre d’un nuage.
Témoignage
Chemin de nuit
Que nul n’emprunte
Sauf les ombres.
Le long de la plage,
Clôture barbelée,
Du sable s’est évadé.
Assassin en herbe
Piétinant la pelouse
Le voleur de fleurs.
Nuit dehors
Mes rêves envolés
Avec le hibou
Qui m’a réveillé,
Sous la voie lactée,
Un nuage passe :
- Éclipse d’étoiles,
Au rythme du vent,
Les feuilles des arbres
Applaudissent.
Triste constat
À fuir le malheur
On peut faire
Le tour du monde.
À mettre nos crimes
Bout à bout
On mesure les ténèbres.
Même à reculons
Ceux qui vivent
Avancent vers la mort.
Sortie de bar
Si haut et pourtant
Aux pieds de la fourmi
Commence le ciel.
Pleines à ras bord
Les poubelles
Festins de mouches.
Ici - L’ivrogne a l’esprit
Vif comme une limace,
Et la répartie baveuse.
Six heures
Instant délicieux
À une heure matinale
Entre le jour et la nuit,
En prenant son café
Manger des yeux
Un croissant de lune,
Manque de bol
Au petit déjeuner
Moucheron qui boit la tasse.
Pause café
Prendre son temps
Au petit déjeuner
Délice du matin.
Ne rien faire -
Mais patiemment
Le faire bien.
Toucher du doigt
Que le bonheur est
À portée de main.
Sur la plage
Chaleur du matin
Le soleil a mis
Le feu aux nuages.
Je pense au futur
Et le présent est
Déjà passé.
Dans chaque vague
Un peu de sable
Du temps qui s’écoule.
S’il vous plait
Ciel d’automne -
La pluie a
Le gout des nuages.
Mort de faim de vivre
Jusqu’à l’ivresse
J’ai soif d’autre chose.
Donnez-moi à boire
Ce qui réchauffe le cœur :
Des mots d’amour.
Éloge du Bref
Ciel et mer
Ne font qu’un
À l’horizon.
Voir fleurir
Les cerisiers
Ma gourmandise.
Petit à petit
Un poème grandit
À rester petit.
~~~~~
Sketchs / Stand-up (-18)
Alexandra Pizzagali : Les femmes enceintes
Jérôme Commandeur : Le Vélib’, c’est has been !
~~~~~~~~~~
samedi 25 novembre 2023
~~~~~~~~~~
André Pieyre de Mandiargues
Fleur du Japon
Fille en fièvre dans un drap d’eau
S’ouvre se ferme s’épanouit
Comme une fleur japonaise.
Le jeu simule une treille
Tout autour de la peau qui luit
Tout au long de la peau complice
Feuilles rouillées feuilles mortes
Sous la chute des soupirs.
Pétales vains papillonneries
Entre deux gouffres de sommeil
Les ailes dorées des caresses
Ne remuent que poussière
Leurs grâces caduques
Ne nous arrêteront plus.
Mais les eaux brunes du regard
Où dort le bruit de la mer
La terre fauve au fond des yeux
À la lisière de la personne
Aux bords glacés de l’être
Et de la nuit de tous les temps.
Perdre pied gagner l’air
Dans la nuit des bois de la mer.
Une autre vie à d’autres tempes
Dans le noir de toute la vie
Une autre vie obscurément
Sève ruisselant vers la rose
Glace qui casse au printemps
Tourterelles envolées
Dans la crasse d’un ciel de suie.
Puis le sang reflue en ce corps
Qui se croyait le cœur du monde.
~~~~~
Sketchs / Stand-up (-18)
Blanche Gardin : Vie privée, vie privée
Isabelle Nanty / Paul Mirabel : Jésus adolescent
~~~~~
~~~~~~~~~~
samedi 18 novembre 2023
~~~~~~~~~~
Paul Verlaine
Puisque l'aube grandit.
Puisque l'aube grandit, puisque voici l'aurore,
Puisque, après m'avoir fui longtemps, l'espoir veut bien
Revoler devers moi qui l'appelle et l'implore,
Puisque tout ce bonheur veut bien être le mien,
C'en est fait à présent des funestes pensées,
C'en est fait des mauvais rêves, ah ! c'en est fait
Surtout de l'ironie et des lèvres pincées
Et des mots où l'esprit sans l'âme triomphait.
Arrière aussi les poings crispés et la colère
A propos des méchants et des sots rencontrés;
Arrière la rancune abominable ! arrière
L'oubli qu'on cherche en des breuvages exécrés !
Car je veux, maintenant qu'un Être de lumière
A dans ma nuit profonde émis cette clarté
D'une amour à la fois immortelle et première,
De par la grâce, le sourire et la bonté,
Je veux, guidé par vous, beaux yeux aux flammes douces,
Par toi conduit, ô main où tremblera ma main,
Marcher droit, que ce soit par des sentiers de mousses
Ou que rocs et cailloux encombrent le chemin ;
Oui, je veux marcher droit et calme dans la Vie,
Vers le but où le sort dirigera mes pas,
Sans violence, sans remords et sans envie :
Ce sera le devoir heureux et gais combats.
Et comme, pour bercer les lenteurs de la route,
Je chanterai des airs ingénus, je me dis
Qu'elle m'écoutera sans déplaisir sans doute ;
Et vraiment je ne veux pas d'autre Paradis.
~~~~~
Sketchs / Stand-up (-18)
Laura Laune : Winnie l’ourson
Blanche Gardin : La borne à buzzer
Jérôme Commandeur : Les gens moches
~~~~~~~~~~
samedi 11 novembre 2023
~~~~~~~~~~
Boris Vian
J’suis snob
J´suis snob... J´suis snob
C´est vraiment l´seul défaut que j´gobe
Ça demande des mois d´turbin
C´est une vie de galérien
Mais lorsque je sors avec Hildegard
C'est toujours moi qu'on r'gard'
J´suis snob... Foutrement snob
Tous mes amis le sont
On est snobs et c´est bon
Chemises d´organdi, chaussures de zébu
Cravate d´Italie et méchant complet vermoulu
Un rubis au doigt... de pied, pas çui-là
Les ongles tout noirs et un très joli p´tit mouchoir
J´vais au cinéma voir des films suédois
Et j´entre au bistro pour boire du whisky à gogo
J´ai pas mal au foie, personne fait plus ça
J´ai un ulcère, c´est moins banal et plus cher
J´suis snob... J´suis snob
J´m´appelle Patrick, mais on dit Bob
Je fais du ch´val tous les matins
Car j´ador´ l´odeur du crottin
Je ne fréquente que des baronnes
Aux noms comme des trombones
J´suis snob... Excessivement snob
Et quand j´parle d´amour
C´est tout nu dans la cour
On se réunit avec les amis
Tous les vendredis, pour faire des snobisme-parties
Il y a du coca, on déteste ça
Et du camembert qu´on mange à la petite cuiller
Mon appartement est vraiment charmant
J´me chauffe au diamant, on n´peut rien rêver d´plus fumant
J´avais la télé, mais ça m´ennuyait
Je l´ai r´tournée... d´l´aut´ côté c´est passionnant
J´suis snob... J´suis snob
J´suis ravagé par ce microbe
J´ai des accidents en Jaguar
Je passe le mois d´août au plumard
C´est dans les p´tits détails comme ça
Que l´on est snob ou pas
J´suis snob... Encor plus snob que tout à l´heure
Et quand je serai mort
J´veux un suaire de chez Dior!
~~~~~
Sketchs / Stand-up (-18)
~~
Standards rétros
Sylvie Joly : Catherine
Didier Bénureau : Moralès
~~
Tragi-comédie
Alexandra Pizzagali : Cocue
~~~~~~~~~~
samedi 4 novembre 2023
~~~~~~~~~~
Sophocle
De tous les prodiges de ce monde
De tous les prodiges de ce monde
Le plus grand est l'homme.
Sur les abîmes de la mer,
Sur les vagues et dans les tempêtes
Soulevées par le vent du sud,
Il s'aventure et il chemine.
La plus puissante des déesses,
La Terre impérissable, infatigable
Il la fatigue chaque année
Du va-et-vient de ses charrues,
Il la brise sous les pas des mulets.
Le peuple étourdi des oiseaux,
L'engeance des fauves voraces,
Les habitants de l'océan, il sait
Les capturer dans les nœuds des filets.
Et dans ses pièges il enveloppe
Les bêtes errantes des montagnes
Et courbe sous le joug la crinière
Du cheval et l'inépuisable taureau.
Paroles, pensées agiles, lois civiques
Tout cela il a appris à le forger lui-même
A se garder des flèches du gel et de la pluie
Et à prévoir les lendemains imprévisibles.
La mort seule échappe à ses pièges
Bien qu'il ait su se prémunir
Contre les redoutables maladies.
Mais cette ruse et ce savoir
Qui dépassent notre espérance
L'entraînent tour à tour vers le bien et le mal.
Forte sera sa cité
S'il respecte serments et dieux
Mais morte sera sa cité
S'il laisse le crime croître en lui.
~~~~~
Sketchs / Stand-up (-18)
Alexandra Pizzagali : Les femmes et les enfants d’abord
Guy Bedos : chagrin fiscal
~~~~~
~~~~~~~~~~
samedi 28 octobre 2023
~~~~~~~~~~
Jean de la Fontaine
La Montagne qui accouche
Une Montagne en mal d'enfant
Jetait une clameur si haute,
Que chacun au bruit accourant
Crut qu'elle accoucherait, sans faute,
D'une Cité plus grosse que Paris :
Elle accoucha d'une Souris.Quand je songe à cette Fable
Dont le récit est menteur
Et le sens est véritable,
Je me figure un Auteur
Qui dit : Je chanterai la guerre
Que firent les Titans au Maître du tonnerre.
C'est promettre beaucoup : mais qu'en sort-il souvent ?
Du vent.
Le Geai paré des plumes
Un Paon muait ; un Geai prit son plumage ;
Puis après se l'accommoda ;
Puis parmi d'autres Paons tout fier se panada,
Croyant être un beau personnage.
Quelqu'un le reconnut : il se vit bafoué,
Berné, sifflé, moqué, joué,
Et par Messieurs les Paons plumé d'étrange sorte ;
Même vers ses pareils s'étant réfugié,
Il fut par eux mis à la porte.
Il est assez de geais à deux pieds comme lui,
Qui se parent souvent des dépouilles d'autrui,
Et que l'on nomme plagiaires.
Je m'en tais ; et ne veux leur causer nul ennui :
Ce ne sont pas là mes affaires.
~~~~~
Sketchs / Stand-up (-18)
Emy : Confidences
Redouanne : La vie c’est dingue, la vie c’est fou !
~~~~~
~~~~~~~~~~
samedi 21 octobre 2023
~~~~~~~~~~
Paul Verlaine
Écoutez la chanson bien douce
Écoutez la chanson bien douce
Qui ne pleure que pour vous plaire.
Elle est discrète, elle est légère :
Un frisson d'eau sur de la mousse !
La voix vous fut connue (et chère?),
Mais à présent elle est voilée
Comme une veuve désolée,
Pourtant comme elle encore fière,
Et dans les longs plis de son voile
Qui palpite aux brises d'automne,
Cache et montre au cœur qui s'étonne
La vérité comme une étoile.
Elle dit, la voix reconnue,
Que la bonté c'est notre vie,
Que de la haine et de l'envie
Rien ne reste, la mort venue.
Elle parle aussi de la gloire
D'être simple sans plus attendre,
Et de noces d'or et du tendre
Bonheur d'une paix sans victoire.
Accueillez la voix qui persiste
Dans son naïf épithalame.
Allez, rien n'est meilleur à l'âme
Que de faire une âme moins triste !
Elle est en peine et de passage,
L'âme qui souffre sans colère,
Et comme sa morale est claire !
Écoutez la chanson bien sage.
~~~~~
Sketchs(-18)
Caroline Vigneaux : Féministe et avocate
Alex Vizorek : On va parler d’art
~~~~~~~~~~
samedi 14 octobre 2023
~~~~~~~~~~
José-Maria de Heredia
Les conquérants
Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.
Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde Occidental.
Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ;
Ou penchés à l’avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles.
Guillaume Apollinaire
L'adieu
J’ai cueilli ce brin de bruyère
L’automne est morte souviens-t’en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps brin de bruyère
Et souviens-toi que je t’attends
~~~~~
Sketchs(-18)
Laura Laune : Prof en CAP
Alex Vizorek :Revue de presse
~~~~~~~~~~
samedi 7 octobre 2023
~~~~~~~~~~
Sully Prudhomme
(1839-1907)
Un songe
Le laboureur m'a dit en songe : " Fais ton pain
Je ne te nourris plus, gratte la terre et sème."
Le tisserand m'a dit : "Fais tes habits toi-même."
Et le maçon m'a dit : " Prends la truelle en main."
Et seul, abandonné de tout le genre humain
Dont, je traînai partout l'implacable anathème,
Quand j'implorai du ciel une pitié suprême,
Je trouvais des lions debout sur mon chemin.
J'ouvris les yeux, doutant si l'aube était réelle ;
De hardis compagnons sifflaient sur leurs échelles.
Les métiers bourdonnaient, les champs étaient semés.
Je connus mon bonheur, et qu'au monde où nous sommes
Nul ne peut se vanter de se passer des hommes,
Et depuis ce jour-là, je les ai tous aimés.
~~~~~
Sketchs(-18)
Constance : Mademoiselle Kresselle
Florence Foresti : L’adultère
Fernand Raynaud : Le racket
~~~~~~~~~~
samedi 30 septembre 2023
~~~~~~~~~~
Gérard de Nerval
La ballet des heures
Les heures sont des fleurs l'une après l'autre écloses
Dans l'éternel hymen de la nuit et du jour ;
Il faut donc les cueillir comme on cueille les roses
Et ne les donner qu'à l'amour.
Ainsi que de l'éclair, rien ne reste de l'heure,
Qu'au néant destructeur le temps vient de donner ;
Dans son rapide vol embrassez la meilleure,
Toujours celle qui va sonner.
Et retenez-la bien au gré de votre envie,
Comme le seul instant que votre âme rêva ;
Comme si le bonheur de la plus longue vie
Était dans l'heure qui s'en va.
Vous trouverez toujours, depuis l'heure première
Jusqu'à l'heure de nuit qui parle douze fois,
Les vignes, sur les monts, inondés de lumière,
Les myrtes à l'ombre des bois.
Aimez, buvez, le reste est plein de choses vaines ;
Le vin, ce sang nouveau, sur la lèvre versé,
Rajeunit l'autre sang qui vieillit dans vos veines
Et donne l'oubli du passé.
Que l'heure de l'amour d'une autre soit suivie,
Savourez le regard qui vient de la beauté ;
Être seul, c'est la mort ! Être deux, c'est la vie !
L'amour c'est l'immortalité !
~~~~~
Sketchs(-18)
Tania Dutel : Ma mère dit .......
Florence Foresti : Lendemain de soirée
Alex Metayer :Les pâtes à la Boudoni
~~~~~~~~~~
samedi 23 septembre 2023
~~~~~~~~~~
Arthur Rimbaud
Comédie en trois baisers
Elle était fort déshabillée,
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres penchaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d’aise
Ses petits pieds si fins, si fins.
Je regardai, couleur de cire
Un petit rayon buissonnier
Papillonner, comme un sourire
Sur son beau sein, mouche au rosier.
Je baisai ses fines chevilles.
Elle eut un long rire tris-mal
Qui s’égrenait en claires trilles,
Une risure de cristal…
Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent : « Veux-tu finir ! »
La première audace permise,
Le rire feignait de punir !
Pauvrets palpitants sous ma lèvre,
Je baisai doucement ses yeux :
Elle jeta sa tête mièvre
En arrière : « Oh c’est encor mieux !… »
‘’ Monsieur, j’ai deux mots à te dire… »
Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D’un bon rire qui voulait bien…
Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres penchaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
~~~~~
Sketchs (-18)
Antonia de Rendinger : Vive le nombril
Isabeau de R : La leçon de jardinage
Raymond Devos : La survie du squelette
~~~~~~~~~~
samedi 16 septembre 2023
~~~~~~~~~~
Rudyard Kipling
(1865 / 1936)
Si (Tu seras un homme mon fils)
Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre d'un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;
Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d'un seul mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;
Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser, sans n'être qu'un penseur ;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant ;
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui est mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un homme, mon fils.
~~~~~
Sketchs (-18)
Florence Foresti : La fille douée en amour
Blanche Gardin : La télévision / réfugiés climatiques
Pierre Desproges : A quoi reconnaître un con
~~~~~~~~~~
samedi 9 septembre 2023
~~~~~~~~~~
Stéphane Moysan
Illustrateur et poète de Douarnenez
Début de l’été
Fatigués du métro
Ils s’entassent
Sur la plage.
Le chant des sirènes
N’attire
Que des naufragés.
Une foule allongée
En code barre
Le prix des vacances.
Messe de midi
Au chant du clocher
Les ombres s’enterrent.
Place de l’église
Trop de monde
À la terrasse des cafés.
Brune, blonde ou rousse
Il les aime toutes !
Le soiffard.
Le soleil
À trop le regarder
On plonge
Dans l’obscurité.
À lui tourner le dos
On fait face
À son ombre.
Il est pourtant
Sans côté sombre
Le soleil.
Les reflets
Comme un reflet
Dans les yeux du pêcheur
La couleur de la mer,
En cette fin de soirée,
Il a offert à son fils
Le meilleur anniversaire,
Heureux de l’avoir attrapée
Dans son seau d’eau
L’enfant repart avec la lune.
~~~~~
Sketchs (-18)
Maude Landry : Stand-upà Montreux
Jamel Debbouze : La circoncision
~~~~~~~~~~
samedi 2 septembre 2023
~~~~~~~~~~
Classique et triste, mais si beau !
Océano Nox - Victor Hugo
Oh ! combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis ?
Combien ont disparu, dure et triste fortune ?
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l’aveugle océan à jamais enfoui ?
Combien de patrons morts avec leurs équipages ?
L’ouragan de leur vie a pris toutes les pages
Et d’un souffle il a tout dispersé sur les flots !
Nul ne saura leur fin dans l’abîme plongée,
Chaque vague en passant d’un butin s’est chargée,
L’une a saisi l’esquif, l’autre les matelots !
Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues !
Vous roulez à travers les sombres étendues,
Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus
Oh ! que de vieux parents qui n’avaient plus qu’un rêve,
Sont morts en attendant tous les jours sur la grève
Ceux qui ne sont pas revenus !
On s’entretient de vous parfois dans les veillées,
Maint joyeux cercle, assis sur les ancres rouillées,
Mêle encore quelque temps vos noms d’ombre couverts,
Aux rires, aux refrains, aux récits d’aventures,
Aux baisers qu’on dérobe à vos belles futures
Tandis que vous dormez dans les goémons verts !
On demande: ‘’ Où sont-ils ? Sont-ils rois dans quelque île ?
Nous ont’ ils délaissés pour un bord plus fertile ? ‘’
Puis, votre souvenir même est enseveli.
Le corps se perd dans l’eau, le nom dans la mémoire.
Le temps qui sur toute ombre en verse une plus noire,
Sur le sombre océan jette le sombre oubli.
Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue.
L’un n’a-t-il pas sa barque et l’autre sa charrue ?
Seules, durant ces nuits où l’orage est vainqueur,
Vos veuves aux fronts blancs, lasses de vous attendre,
Parlent encore de vous en remuant la cendre
De leur foyer et de leur cœur !
Et quand la tombe enfin a fermé leur paupière,
Rien ne sait plus vos noms, pas même une humble pierre
Dans l’étroit cimetière où l’écho nous répond,
Pas même un saule vert qui s’effeuille à l’automne,
Pas même la chanson naïve et monotone
Que chante un mendiant à l’angle d’un vieux pont !
Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires ?
O flots ! que vous savez de lugubres histoires !
Flots profonds redoutés des mères à genoux !
Vous vous les racontez en montant les marées,
Et c’est ce qui vous fait ces voix désespérées
Que vous avez le soir, quand vous venez vers nous !
~~~~~
Sketchs
~~
Nicole Ferroni : Wonder Woman
Pierre Desproges : La fête des enfants
Antonia : La dictée revue et corrigée
~~~~~~~~~~
samedi 26 août 2023
~~~~~~~~~~
Jacques Prévert
Florilège de textes cours
(troisième et dernier volet)
~~
Il est terrible le petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d'étain
Il est terrible ce bruit quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim.
~~
Et toi vieille cloche qui vendais des crayons
et qui trouvait dans le vin rouge et dans tes rêves sous les ponts
d'extraordinaires balivernes des histoires d'un autre monde.
~~
J'aime celui qui m'aime,
Est-ce ma faute à moi,
Si ce n'est pas le même
Qui m'aime à chaque fois.
~~
Si notre amour voulait partir
Nous ferions tout pour le retenir
Que serait notre vie sans lui :
une valse lente sans musique
un enfant qui jamais ne rit
un roman que personne ne lit
la mécanique de l'ennui
Sans amour, sans vie !
~~
Vous je ne vous regarde pas, ma vie non plus ne vous regarde pas
J'aime ce que j'aime et cela seul me regarde et me voit
J'aime ceux que j'aime, je les regarde, ils m'en donnent droit.
~~
Le bonheur, en partant, m'a dit qu'il reviendrait.
Que quand la colère hisserait le drapeau blanc, il comprendrait.
Le temps du pardon et du calme revenu, il saurait
retrouver le chemin de la sérénité, de l'arc-en-ciel et de l'après.
Le bonheur, en partant, m'a promis de ne jamais m'abandonner
De ne pas oublier les doux moments partagés,
Et d'y écrire une suite en plusieurs volumes reliés,
Tous dédiés à la gloire du moment présent à respirer.
~~
Dis donc camarade Soleil
tu ne trouves pas que c'est plutôt con
de donner une journée pareille à un patron ?
~~
Jadis
les arbres étaient des gens comme nous
mais plus solides
plus heureux
plus amoureux peut-être
plus sages
C'est tout.
~~
Les gens très âgés remontent en enfance
et leur cœur bat
là où il n'y a plus d'autrefois.
~~
Quand on n'était pas sage, on allait au coin avec une queue d'artichaut dans la bouche pour bien comprendre l'amertume de la faute.
~~
Mais un jour le vrai soleil viendra
un vrai soleil dur qui réveillera le paysage trop mou
et les travailleurs sortiront
ils verront alors le soleil
le vrai le dur le rouge soleil de la révolution
et ils se compteront
et ils se comprendront
et ils verront leur nombre
et ils regarderont l'ombre et ils riront
et ils s'avanceront
une dernière fois le capital voudra les empêcher de rire
ils le tueront
et ils l'enterreront dans la terre sous le paysage de misère et profits de poussières et de charbon ils le brûleront ils le raseront et ils en fabriqueront un autre en chantant
un paysage tout nouveau tout beau
un vrai paysage tout vivant
ils feront beaucoup de choses avec le soleil
et même ils changeront l'hiver en printemps.
~~
Nous allions à Pornichet dans la Loire Inférieure.
La mer, je courais après elle,
elle courait après moi,
tous les deux, on faisait ce qu'elle voulait.
C'était comme les contes de fée,
elle changeait les gens.
~~~~~
Sketchs (-18)
Geremy Credeville : les soirées films en couple
Laura Laune : attention à ce qu’on dit aux enfants
Paul Mirabel : ma pire anecdote de honte
~~~~~~~~~~
samedi 19 août 2023
~~~~~~~~~~
Jacques Prévert
Florilège de textes cours (suite)
La terre aime le soleil,
et elle tourne
pour se faire admirer
et le soleil la trouve belle
et il brille pour elle.
Et quand il est fatigué
il va se coucher,
et la lune se lève.
~~
Comme ils sont ridicules et blêmes vos rayons
lorsque la lumière de celle qui aime l'amour
rencontre la lumière de celui qui aime l'amour.
~~
Deux amoureux humains
deux rescapés
s'approchèrent d'un peuplier
sur son cœur ils gravèrent
leurs cœurs et leurs noms enlacés
et furent épargnés.
~~
Le bonheur, en partant, m'a fait de grands signes de la main,
comme des caresses pleines de promesses sur mes lendemains.
Il m'a adressé ses meilleurs vœux sur mon destin qui s'en vient,
et je crois en lui bien plus qu'en tous les devins.
~~
Le bonheur est un ange aux ailes fragiles, un colosse aux pieds d'argile,
Il a besoin d'air, de lumière, de liberté et d'une terre d'asile,
Je veux être son antre dès ses premiers babils,
Pour peu qu'il me le permette, le bonheur n'est jamais un projet futile.
~~
Le bonheur est parti
on le demande ailleurs
mais la terre est trop petite pour un trop grand malheur.
Le bonheur en partant
a dit qu'il reviendrait.
Toujours, ils l'attendaient.
~~
Les enfants qui s’aiment s’embrassent debout
contre les portes de la nuit.
Et les passants qui passent les désignent du doigt
mais les enfants qui s’aiment
ne sont là pour personne.
Et c’est seulement leur ombre
qui tremble dans la nuit
excitant la rage des passants
leur rage, leur mépris, leurs rires et leur envie.
Les enfants qui s’aiment ne sont là pour personne
Ils sont ailleurs bien plus loin que la nuit
Bien plus haut que le jour
dans l’éblouissante clarté de leur premier amour.
~~~~~
Sketchs (-18)
Constance : La bonne sœur
Blandine Lehout : L’amour c’est mieux à deux
Pierre Desproges : Les rues de Paris ne sont plus sûres
~~~~~~~~~~
samedi 12 août 2023
~~~~~~~~~~
Jacques Prévert
Florilèges de textes courts
Au loin déjà la mer s'est retirée
mais dans tes yeux entrouverts
deux petites vagues sont restées
démons et merveilles
vents et marées
deux petites vagues pour me noyer.
~~
Et ta robe en tombant
sur le parquet ciré
n'a pas fait plus de bruit
qu'une écorce d'orange.
~~
La fermeture éclair a glissé sur tes reins
et tout l'orage heureux
de ton corps amoureux
au beau milieu de l'ombre
a éclaté soudain.
~~
La pointe de ton sein
a tracé tendrement la ligne de ma chance
dans le creux de ma main.
~~
Trois allumettes, une à une allumées dans la nuit
la première pour voir ton visage tout entier
la seconde pour voir tes yeux
la dernière pour voir ta bouche
et l'obscurité toute entière pour me rappeler tout cela
en te serrant dans mes bras.
~~
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
et tu marchais souriante
épanouie, ravie, ruisselante
sous la pluie.
~~
La vraie jeunesse ne s'use pas.
On a beau l'appeler souvenir,
On a beau dire qu'elle disparaît,
On a beau dire et vouloir dire que tout s'en va ....
~~
C'était tout petit Pornichet, un peu sauvage,
mais il y avait le facteur,
des pêcheurs,
des marchands de cœur à la crème,
et même une fois, un cirque est arrivé avec quelques pauvres animaux savants et un clown
~~
Nous allions à Pornichet dans la Loire Inférieure.
La mer changeait les gens.
A peine arrivés, ils n'avaient plus la même couleur,
ni la même façon de parler.
Ils étaient remis à neuf,
on aurait dit des autres.
~~
Arbres
chevaux sauvages et sages
à la crinière verte
au grand galop discret
dans le vent vous piaffez
debout dans le soleil vous dormez
et rêvez.
~~~~~
Sketchs (-18)
Tania Dutel : séance chez l’esthéticienne
Marina Rollman : l’addiction au sport
Pierre Desproges : Les piles
~~~~~~~~~~
samedi 5 août 2023
~~~~~~~~~~
Richard Bohringer
Ca me fait penser à Roland.
J'aime faire la route avec lui.
Il a des grands silences.
Moi, je remonte le fil de sa nuit.
A petits pas, à petits mots.
Sans rien presser pour rien casser.
Il est fragile, Roland.
Roland, c'est un beau souvenir.
On a fraternisé.
Fraternisé pour la vie.
Mon frère l'acteur.
Le païen !
L'éructant !
Mon miel en colère.
Celui qui a des paillettes d'or dans les mirettes.
~~
Je veux écrire pour être avec les autres.
Ceux que j'ai connus.
Ceux que je vais connaître.
Ceux que je ne connaîtrai jamais.
Je veux écrire pour être meilleur humain.
Pour éviter la disgrâce.
~~~~~
Sketchs
Laura Laune : La prof
Doully : Qu’est-ce qu ‘elle a ma voix
Paul Mirabel : ma pire anecdote de honte
~~~~~
~~~~~~~~~~
samedi 29 juillet 2023
~~~~~~~~~~
Julos Beaucarne
Textes dédiés à sa femme Loulou assassinée dans le métro en 1975
Sans vous commander, je vous demande d’aimer plus que jamais ceux qui vous sont proches.
Le monde est une triste boutique,
les cœurs purs doivent se mettre ensemble pour l’embellir,
il faut reboiser l’âme humaine.
Je resterai sur le pont,
je resterai un jardinier,
je cultiverai mes plantes de langage.
Il n’est de vrai que l’amitié et l’amour.
Je suis maintenant très loin au fond du panier des tristesses.
~~
Chanson Pour Loulou
T'es partie su' l'coup d'une heure
En février, à la chandeleur
Et l'hiver a repris vigueur Au fond d' mon cœur
Je suis resté seul sur le pont
Avec mes deux p'tits moussaillons
Il paraît qu'on t'a vue passer
Dans les pays de l'autre côté
Il paraît qu'on t'a vue passer
Dans les pays de l'autre côté
Ceux qui l'ont dit en ont menti
Car quand le soir est doux ici
Je sens ton sourire qui revient
Et la caresse de ta main
Je sens ton sourire qui revient
Et la caresse de ta main
Je sens qu' tu es tout contre moi
Que ta fraîcheur pénètre en moi
Que tu me dis dedans l'oreille
Des mots d'amour doux comme le miel
Pourtant des fois, quand j'y pense pas
Je m' dis que j' te reverrai pas
J' t'entends alors rire aux éclats
De l'autre côté de la paroi
J' t'entends alors rire aux éclats
De l'autre côté de la paroi
Il est des amis du Québec
Qui te parlent parfois le soir
En même temps t'es à Carpentras
À Methamis et à Java
La mort fait voyager son monde
Tu vas plus vite que le son
T'es partout sur la Terre ronde
T'es devenue une chanson
T'es partout sur la Terre ronde
T'es devenue Une chanson
~~~~~
Sketchs (-18)
Blanche Gardin : la vie éternelle
Nawell Madani - Etre en couple
Ahmed Sylla - Les accros du téléphone
~~~~~~~~~~
samedi 22 juillet 2023
~~~~~~~~~~
Jacques Prévert
Bain de soleil
La salle de bains est fermée à clef
Le soleil entre par la fenêtre
et il se baigne dans la baignoire
et il se frotte avec le savon
et le savon pleure
il a du soleil dans l'œil.
~~~~~
Robert Desnos
Le Capitaine Jonathan
Le Capitaine Jonathan
Etant âgé de dix-huit ans
Capture un jour un pélican
Dans une île d'Extrême-orient.
Le pélican de Jonathan
Au matin, pond un œuf tout blanc
Et il en sort un pélican
Lui ressemblant étonnamment.
Et ce deuxième pélican
Pond, à son tour, un œuf tout blanc
D'où sort, inévitablement
Un autre, qui en fait autant.
Cela peut durer pendant très longtemps
Si l'on ne fait pas d'omelette avant.
~~~~~
Paul Verlaine
Femme et chatte
Elle jouait avec sa chatte,
Et c’était merveille de voir
La main blanche et la blanche patte
S’ébattre dans l’ombre du soir.
Elle cachait – la scélérate ! –
Sous ces mitaines de fil noir
Ses meurtriers ongles d’agate,
Coupants et clairs comme un rasoir.
L’autre aussi faisait la sucrée
Et rentrait sa griffe acérée,
Mais le diable n’y perdait rien…
Et dans le boudoir où, sonore,
Tintait son rire aérien,
Brillaient quatre points de phosphore.
~~~~~
Sketchs (-18)
Thaïs : Les sites de rencontre
Elodie Poux : Vivre sans enfants
Ahmed Sylla : MDR 2018
~~~~~
~~~~~~~~~~
samedi 15 juillet 2023
~~~~~~~~~~
Alfred Jarry
Faustroll plus petit que Faustroll
( autre extrait )
Le docteur Faustroll (si l’on nous permet de parler d’expérience personnelle) se voulut un jour plus petit que soi-même, et résolut d’aller explorer l’un des éléments, afin d’examiner quelles perturbations cette différence de grandeur apporterait dans leurs rapports réciproques.
Il choisit ce corps ordinairement liquide, incolore, incompressible et horizontal en petite quantité ; de surface courbe, de profondeur bleue et de bords animés d’un mouvement de va-et-vient quand il est étendu ; qu’Aristote dit, comme la terre, de nature grave ; ennemi du feu et renaissant de lui, quand il est décomposé, avec explosion ; qui se vaporise à cent degrés, qu’il détermine, et solidifié flotte sur soi-même, l’eau, quoi ! Et s’étant réduit, comme paradigme de petitesse, à la taille classique du ciron, il voyagea le long de la feuille d’un chou, inattentif aux cirons collègues et aux aspects agrandis de tout, jusqu’à ce qu’il rencontrât l’Eau.
Ce fut une boule, haute deux fois comme lui, à travers la transparence de laquelle les parois de l’univers lui parurent faites gigantesques et sa propre image, obscurément reflétée par le tain des feuilles, haussée à la stature qu’il avait quittée. Il heurta la sphère d’un coup léger, comme on frappe à une porte : l’œil désorbité de malléable verre « s’accommoda » comme un œil vivant, se fit presbyte, se rallongea selon son diamètre horizontal jusqu’à l’ovoïde myopie, repoussa en cette élastique inertie Faustroll et refut sphère.
Le docteur roula à petits pas, non sans grand’peine, le globe de cristal jusqu’à un globe voisin, glissant sur les rails des nervures du chou ; rapprochées, les deux sphères s’aspirèrent mutuellement jusqu’à s’en effiler, et le nouveau globe, de double volume, libra placidement devant Faustroll.
Du bout de sa bottine, le docteur crossa l’aspect inattendu de l’élément : une explosion, formidable d’éclats et de son, retentit, après la projection à la ronde de nouvelles et minuscules sphères, à la dureté sèche de diamant, qui roulèrent çà et là le long de la verte arène, chacune entraînant sous soi l’image du point tangent de l’univers qu’elle déformait selon la projection de la sphère et dont elle agrandissait le fabuleux centre.
Au-dessous de tout, la chlorophylle, comme un banc de poissons verts, suivait ses courants connus dans les canaux souterrains du chou…
~~~~~~~~~~
Sketchs(-18)
Bérengère Krief - Une Fille Ne Peut Pas Faire Ca
Tania Dutel - #MeToo
Pierre Desproges - QI 130
~~~~~~~~~~
samedi 8 juillet 2023
~~~~~~~~~~
Alfred Jarry
De l'habitude et des contenances du docteur Faustroll
( extrait )
Le docteur Faustroll naquit en Circassie, en 1898 (le xxe siècle avait -2 ans), et à l’âge de soixante-trois ans.
À cet âge-là, lequel il conserva toute sa vie, le docteur Faustroll était un homme de taille moyenne, soit, pour être exactement véridique, de (8 × 1010 + 109 + 4 × 108 + 5 × 106) diamètres d’atomes ; de peau jaune d’or, au visage glabre, sauf des moustaches vert de mer, telles que les portait le roi Saleh ; les cheveux alternativement, poil par poil, blond cendré et très noir, ambiguïté auburnienne changeante avec l’heure du soleil ; les yeux, deux capsules de simple encre à écrire, préparée comme l’eau-de-vie de Dantzick, avec des spermatozoïdes d’or dedans.
Il était imberbe, sauf ses moustaches, par l’emploi bien entendu des microbes de la calvitie, saturant sa peau des aines aux paupières, et qui lui rongeaient tous les bulbes, sans que Faustroll eût à craindre la chute de sa chevelure ni de ses cils, car ils ne s’attaquent qu’aux cheveux jeunes. Des aines aux pieds par contraste, il s'engainait dans un satyrique pelage noir, car il était un homme plus qu’il n’est de bienséance.
Ce matin-là, il prit son sponge-bath quotidien, qui fut d’un papier peint en deux tons par Maurice Denis, des trains rampant le long de spirales ; dès longtemps il avait substitué à l’eau une tapisserie de saison, de mode ou de son caprice.
Pour ne point choquer le peuple, il se vêtit, par-dessus cette tenture, d’une chemise en toile de quartz, d’un pantalon large, serré à la cheville, de velours noir mat ; de bottines minuscules et grises, la poussière y étant maintenue, non sans grands frais, en couche égale, depuis des mois, sauf les geysers secs des fourmilions ; d’un gilet de soie jaune d’or, de la couleur exacte de son teint, sans plus de boutons qu’un maillot, deux rubis fermant deux goussets, très haut ; et d’une grande pelisse de renard bleu.
Il empila sur son index droit des bagues, émeraudes et topazes, jusqu’à l’ongle, le seul de ses dix qu’il ne rongeât point, et arrêta la file d’anneaux par une goupille perfectionnée, en molybdène, vissée dans l’os de phalangette, à travers l’ongle.
En guise de cravate, il se passa au cou le grand cordon de la Grande-Gidouille, ordre inventé par lui et breveté, afin qu’il ne fût galvaudé.
Il se pendit par ce cordon à une potence disposée à cet effet, hésitant quelques quarts d’heure entre les deux maquillages suffocatoires dits pendu blanc et pendu bleu.
Et, s’étant décroché, il se coiffa d’un casque colonial.
~~~~~
Sketchs (-18)
La place handicapée : Morgane Cadignan
Les femmes et les enfants d'abord : Alexandra Pizzagali
La vie éternelle : Blanche Gardin
la partouze : Virginie Hocq
~~~~~~~~~~
samedi 1er juillet 2023
~~~~~~~~~~
Pierre Perret
Lily
On la trouvait plutôt jolie, Lily
Elle arrivait des Somalis Lily
Dans un bateau plein d´émigrés
Qui venaient tous de leur plein gré
Vider les poubelles à Paris
Elle croyait qu´on était égaux Lily
Au pays d’Voltaire et d´Hugo Lily
Mais pour Debussy en revanche
Il faut deux noires pour une blanche
Ça fait un sacré distinguo
Elle aimait tant la liberté Lily
Elle rêvait de fraternité Lily
Un hôtelier rue Secrétan
Lui a précisé en arrivant
Qu´on ne recevait que des Blancs
Elle a déchargé des cageots Lily
Elle s´est tapé les sales boulots Lily
Elle crie pour vendre des choux-fleurs
Dans la rue ses frères de couleur
L´accompagnent au marteau-piqueur
Et quand on l´appelait Blanche-Neige Lily
Elle se laissait plus prendre au piège Lily
Elle trouvait ça très amusant
Même s´il fallait serrer les dents
Ils auraient été trop contents
Elle aima un beau blond frisé Lily
Qui était tout prêt à l´épouser Lily
Mais la belle-famille lui dit nous
Ne sommes pas racistes pour deux sous
Mais on veut pas de ça chez nous
Elle a essayé l´Amérique Lily
Ce grand pays démocratique Lily
Elle aurait pas cru sans le voir
Que la couleur du désespoir
Là-bas aussi ce fût le noir
Mais dans un meeting à Memphis Lily
Elle a vu Angela Davis Lily
Qui lui dit viens ma petite sœur
En s´unissant on a moins peur
Des loups qui guettent le trappeur
Et c´est pour conjurer sa peur Lily
Qu´elle lève aussi un poing rageur Lily
Au milieu de tous ces gugus
Qui foutent le feu aux autobus
Interdits aux gens de couleur
Mais dans ton combat quotidien Lily
Tu connaîtras un type bien Lily
Et l´enfant qui naîtra un jour
Aura la couleur de l´amour
Contre laquelle on ne peut rien
On la trouvait plutôt jolie, Lily
Elle arrivait des Somalies Lily
Dans un bateau plein d´émigrés
Qui venaient tous de leur plein gré
Vider les poubelles à Paris.
~~~~~
Sketchs (-18)
Les Catacombes – Tania Dutel
L’infirmière – Constance
~~~~~~~~~~
samedi 24 juin 2023
~~~~~~~~~~
Jacques Prévert
La chanson du géolier
Où vas-tu beau geôlier
Avec cette clé tachée de sang
Je vais délivrer celle que j’aime
S’il en est encore temps
Et que j’ai enfermée
Tendrement cruellement
Au plus secret de mon désir
Au plus profond de mon tourment
Dans les mensonges de l’avenir
Dans les bêtises des serments
Je veux la délivrer
Je veux qu’elle soit libre
Et même de m’oublier
Et même de s’en aller
Et même de revenir
Et encore de m’aimer
Ou d’en aimer un autre
Si un autre lui plaît
Et si je reste seul
Et elle en allée
Je garderai seulement
Je garderai toujours
Dans mes deux mains en creux
Jusqu’à la fin des jours
La douceur de ses seins modelés par l’amour.
~~~~~
Sketchs (-18)
Professeur Rollin: ‘’ la longueur du nom ‘’
Laurie Peret : ‘’ Choisir un prénom ‘’ et ‘’ Noël ‘’
~~~~~~~~~~
samedi 17 juin 2023
~~~~~~~~~~
Jacques Prévert
Message sur la paix
Vers la fin d’un discours extrêmement important
le grand homme d’Etat trébuchant
sur une belle phrase creuse
tombe dedans
et désemparé la bouche grande ouverte
haletant
montre les dents
et la carie dentaire de ses pacifiques raisonnements
met à vif le nerf de la guerre
la délicate question d’argent.
Les enfants qui s’aiment
Les enfants qui s’aiment s’embrassent debout
Contre les portes de la nuit
Et les passants qui passent les désignent du doigt
Mais les enfants qui s’aiment
Ne sont là pour personne
Et c’est seulement leur ombre
Qui tremble dans la nuit
Excitant la rage des passants
Leur rage, leur mépris, leurs rires et leur envie
Les enfants qui s’aiment ne sont là pour personne
Ils sont ailleurs bien plus loin que la nuit
Bien plus haut que le jour
Dans l’éblouissante clarté de leur premier amour
~~~~~
Sketchs (-18)
Constance : ‘’ Contrôler l’alcool dans les soirées étudiantes '’
Ben : ‘’ Le rasage, moment important du matin ‘’
~~~~~~~~~~
samedi 10 juin 2023
~~~~~~~~~~
François Cavanna
( 1923 - 2014 )
Pierre Desproges disait de Cavanna qu'il était un des derniers hommes honnêtes et une sorte de Rabelais (un autre François) contemporain.
Il a rédigé en 1995 un texte définissant ses valeurs humaines et intemporelles, et celles de Charlie-Hebdo dont il fut le co-fondateur et animateur. Il a fait ajouter le texte ci-dessous à son testament :
" ... L’exploitation du titre Charlie-Hebdo est concédée par moi à la société Kalachnikof à la condition expresse et incontournable que l’idéal dans lequel fut conçue cette publication (et qui l’anime actuellement) continuera à l’animer.
Cet '' idéal '' porte sur quelques notions de base dont je vais énoncer l’essentiel (énumération non exhaustive) :
Combat pour une démocratie effective, et donc contre toute forme d’absolutisme, de dictature ainsi que leurs conséquences : racisme, xénophobie, sexisme, exclusions, fanatismes religieux, politiques ou chauvins, guerre, militarisme, excitation à la haine collective sous toutes ses formes, culte du chef, atteinte aux libertés publiques.
Défense et illustration du rationalisme et de la pensée féconde, et, en conséquence, dénonciation de toutes les formes d’obscurantisme (religions, sectes, occultismes, fausses sciences, divination, flatteries démagogiques…), de désinformation (publicité…) ou d’abrutissement collectif (sport idolâtre, niaiseries audiovisuelles…).
Promotion d’une écologie active, totale, et non plus seulement « environnementale », considérée comme le nouveau « socialisme » en ce qu’elle prendrait en compte l’ensemble des problèmes de la vie en société sur une planète aux ressources limitées ainsi que la répartition équitable des ressources entre tous les êtres vivants.
Prise de conscience de la misère animale, lutte contre la chasse, la pêche, la corrida, la vivisection, l’abandon, et en général contre toute forme de meurtre, de torture ou de mauvais traitements envers les animaux au même titre qu’envers les humains.
Cette liste, je le répète, n’est pas exhaustive, mais donne une idée de l’esprit qui anime CHARLIE HEBDO. Cet esprit s’exprime par l’humour, cet humour « bête et méchant » qui l’a, depuis l’origine, caractérisé, humour iconoclaste, ne respectant rien, aucun tabou, méprisant le calembour et les effets faciles pour aller au fond des choses, de façon directe, brutale s’il le faut.
Fait à Paris le 19 juin 1995 ... "
~~~~~
Sketch : Claude Pieplu et Roland Dubillard : '' Le compte-gouttes "
Chronique vidéo de Doully sur France Inter : '' La dame pipi ''
~~~~~~~~~~
samedi 3 juin 2023
~~~~~~~~~~
Peut-être de Léopold Sedar Senghor ?
Cher frère blanc,
Quand je suis né, j’étais noir,
Quand j’ai grandi, j’étais noir,
Quand je suis au soleil, je suis noir,
Quand je suis malade, je suis noir,
Quand je mourrai, je serai noir.
Tandis que toi, homme blanc,
Quand tu es né, tu étais rose,
Quand tu as grandi, tu étais blanc,
Quand tu vas au soleil, tu es rouge,
Quand tu as froid, tu es bleu,
Quand tu as peur, tu es vert,
Quand tu es malade, tu es jaune,
Quand tu mourras, tu seras gris.
Alors, de nous deux,
Qui est l’homme de couleur ?
~~~~~
Sketchs(-18)
Nicole Ferroni : agrégée en SVT passée à l'humour
" 1er test de grossesse " et " 6 nouvelles disciplines au JO "
~~~~~
~~~~~~~~~~
samedi 27 mai 2023
~~~~~~~~~~
Aimé Césaire
Et voici au bout de ce petit matin ma prière virile
Et voici au bout de ce petit matin ma prière virile
Que je n’entende ni les rires, ni les cris, les yeux fixés sur cette ville que je prophétise, belle,
Donnez-moi la foi sauvage du sorcier
Donnez à mes mains puissance de modeler
Donnez à mon âme la trempe de l’épée.
Je ne me dérobe point.
Faites de ma tête une proue et de moi même, mon coeur, ne faites ni un père,
ni un frère,
ni un fils, mais le père, mais le frère, mais le fils,
ni un mari, mais l’amant de cet unique peuple.
Faites-moi rebelle à toute vanité, mais docile à son génie
Comme le point à l’allongée du bras !
Faites-moi commissaire de son sang.
Faites-moi dépositaire de son ressentiment
Faites de moi un homme de terminaison
Faites de moi un homme d’initiation
Faites de moi un homme de recueillement mais faites aussi de moi un homme d’encensement.
Faites de moi l’exécuteur de ces oeuvres hautes.
Voici le temps de se ceindre les reins comme un vaillant homme.
Mais les faisant, mon cœur, préservez-moi de toute haine ....…
~~~~~
Sketchs (-18)
Séquence rétro - Fernand Raynaud : '' Le défilé ''
( ne zappez pas toute de suite, super numéro de mime ! )
Antonia de Rendinger : '' dictée revue et corrigée ''
~~~~~
~~~~~~~~~~
samedi 20 mai 2023
~~~~~~~~~~
Jacques Prévert
Pater noster
Notre Père qui êtes aux cieux
Restez-y
Et nous nous resterons sur la terre
Qui est quelquefois si jolie
Avec ses mystères de New York
Et puis ses mystères de Paris
Qui valent bien celui de la Trinité
Avec son petit canal de l'Ourcq
Sa grande muraille de Chine
Sa rivière de Morlaix
Ses bêtises de Cambrai
Avec son Océan Pacifique
Et ses deux bassins aux Tuileries
Avec ses bons enfants et ses mauvais sujets
Avec toutes les merveilles du monde
Qui sont là
Simplement sur la terre
Offertes à tout le monde
Éparpillées
Émerveillées elles-mêmes d'être de telles merveilles
Et qui n'osent se l'avouer
Comme une jolie fille nue qui n'ose se montrer
Avec les épouvantables malheurs du monde
Qui sont légion
Avec leurs légionnaires
Avec leurs tortionnaires
Avec les maîtres de ce monde
Les maîtres avec leurs prêtres leurs traîtres et leurs reîtres
Avec les saisons
Avec les années
Avec les jolies filles et avec les vieux cons
Avec la paille de la misère pourrissant dans l'acier des canons.
~~~~
Sketch (-18)
La maison de Jacqueline - Antonia de Rendinger
~~~~~~~~~~
samedi 13 mai 2023
~~~~~~~~~~
Pablo Neruda,
Poète, écrivain, homme politique chilien, 12/07/1904 – 23/09/73
Prix Nobel de Littérature en 1971
Décédé en 1973, quelques jours après la destitution et la mort du Président chilien Salvador Allende, par Augusto Pinochet, destitution violente saluée avec enthousiasme et bienveillance (voire participation ?) par Richard Nixon, Henry Kissinger (Prix Nobel de la Paix 1973, la même année ?!) et les républicains américains.
Fille brune, fille agile, le soleil qui fait les fruits
Fille brune, fille agile, le soleil qui fait les fruits,
qui alourdit les blés et tourmente les algues,
a fait ton corps joyeux et tes yeux lumineux,
et ta bouche qui a le sourire de l’eau.
Noir, anxieux, un soleil s’est enroulé aux fils
de ta crinière noire, et toi tu étires les bras.
Et tu joues avec lui comme avec un ruisseau,
qui laisse dans tes yeux deux sombres eaux dormantes.
Fille brune, fille agile, rien ne me rapproche de toi.
Tout m’éloigne de toi, comme du plein midi.
Tu es la délirante enfance de l’abeille,
la force de l’épi, l’ivresse de la vague.
Mon cœur sombre pourtant te cherche.
J’aime ton corps joyeux et ta voix libre et mince.
Ô mon papillon brun, doux et définitif,
tu es blés et soleil, eau et coquelicot.
~~~~~~~~~~
Sketch (-18)
" L'homme idéal " par Antonia de Rendinger
~~~~~~~~~~
samedi 6 mai 2023
~~~~~~~~~~
François Cavanna
Extraits de ‘’ Les doigts pleins d’encre ‘’
… Il y a aussi des animaux qui ne sont ni utiles ni nuisibles parce qu'ils ne servent à rien mais ne détruisent pas les récoltes, comme la cigale et la fourmi.
La fourmi est travailleuse, elle n'arrête pas de porter des bouts de bois sur son dos toute la journée en courant sur ses petites pattes.
Nous devons admirer la fourmi et nous inspirer de la leçon qu'elle nous donne.
La cigale est une grosse feignante qui ne pense qu'à rigoler et à chanter, on l'a appris dans une fable de La Fontaine qu'il fallait réciter par cœur.
Le maître nous a expliqué qu'il fallait comprendre cette fable avec finesse parce que ça fait semblant de parler d'animaux comme la cigale et la fourmi, pour ne pas vexer les gens humains, mais que si tu es instruit, tu comprends que la fourmi, ça veut dire les enfants travailleurs et la cigale les gros paresseux, comme par exemple, les mauvais sujets au fond de la classe.
Ça nous faisait réfléchir profond et on était bien contents d'être des bons sujets ou des moyens sujets, et alors on regardait au fond de la classe tous ces mauvais sujets qui allaient finir misérablement comme la cigale, peut-être même sur l'échafaud …
~~
… Les pauvres ont un plumier, creusé dans un bloc de hêtre et fermé par un couvercle coulissant qui se coince à tous les coups.
Il y a aussi des plumiers en carton bouilli verni noir avec des fleurs dessus, très jolis, mais ceux-là font gonzesse, on les laisse aux filles.
Les riches ont des trousses en cuir imitation croco que tu dirais du vrai, avec dedans, des petites brides pour tenir en place les crayons et tout le bazar, vachement bien foutues.
Tiens, il y a la bride pour le taille crayon, la bride pour la gomme, la bride pour le compas, si tu te trompes et que tu essaies d'enfiler un truc à une place qu'est pas la sienne, ça marche pas, y a rien à faire.
Finalement être riche, c'est pas tellement marrant, en plus qu'ils ont des beaux habits qu'il ne faut pas qu'ils salissent, des pull-overs avec des dessins dessus, des pantalons de golf que nous on appelle des culottes à chier dedans.
S'ils filent un coup de pied dans un gros caillou pour jouer au foot, crac, ils s'écorchent les belles tatanes en cuir jaune.
Nous, nos affaires, on les bourre en vrac dans nos plumiers, nos tabliers noirs, on n'a pas les jetons de les dégueulasser, ils sont faits juste pour ça, et nos tatanes, c'est des galoches avec la semelle en bois.
Quand tu cavales sur les pavetons, tu dirais la grande guerre, et quand tu loupes le ballon, et que le copain prend ça sur l'os du devant de la jambe, là où qu'il y a juste la peau et pas de viande, qu'est-ce que ça fait mal, la vache ! …
~~
… Qu'est-ce qu'il a de la veine, Tarzan, de vivre rien qu'au milieu des bêtes, dans une forêt pleine de bananes, de noix de coco, d'ananas et de choses bonnes à manger que t'as juste à tendre la main pour les cueillir!
Et ses copains, les éléphants, les singes, les gorilles, les lions, les tigres, les panthères! quand il est en danger, il gueule de toutes ses forces, il pousse son grand cri de guerre, hop, aussitôt ses copains les bêtes rappliquent de partout et il casse la gueule aux sales types.
Tarzan, c'est le héros qu'on préfère, dans les bandes dessinées. On se dit entre nous que, quand on sera grands, on ira en Afrique, dans la forêt, et on vivra comme Tarzan.
On comprend pas pourquoi nos vieux restent ici, à travailler comme des pauvres cons, dans le froid et dans la pluie, au lieu d'aller manger des bananes et se faire des copains chez les éléphants. En plus, c'est vachement nourrissant les bananes, et plein de vitamines, le maître nous l'a appris ...
~~~~~
Sketchs (-18)
Paul Mirabel Omar Sy et Fred Testot
'' Je me suis fait racketter " " le licenciement "
~~~~~~~~~~
samedi 29 avril 2023
~~~~~~~~~~
Jacques Prévert
L'école des beaux arts
Dans une boîte de paille tressée
Le père choisit une petite boule de papier
Et il la jette
Dans la cuvette
Devant ses enfants intrigués
Surgit alors
Multicolore
La grande fleur japonaise
Le nénuphar instantané
Et les enfants se taisent
Émerveillés
Jamais plus tard dans leur souvenir
Cette fleur ne pourra se faner
Cette fleur subite
Faite pour eux
A la minute
Devant eux.
~~~~~
Thaïs Vauquières (-18)
La voisine des Tuche, confessions intimes : ici
~~~~~~~~~~
samedi 22 avril 2023
~~~~~~~~~~
Jacques Prévert
Être ange
Être ange
C'est étrange
Dit l'ange
Être âne
C'est étrâne
Dit l'âne
Cela ne veut rien dire
Dit l'ange en haussant les ailes
Pourtant
Si étrange veut dire quelque chose
Étrâne est plus étrange qu'étrange
Dit l'âne
Étrange est
Dit l'ange en tapant des pieds
Étranger vous-même
Dit l'âne
Et il s'envole
~~~~~
'' La drague '' Sophie Daumier et Guy Bedos ici
~~~~~
~~~~~~~~~~
samedi 15 avril 2023
~~~~~~~~~~
Extrait de l'émission '' Merci Bernard ! '', '' le championnat d'Europe de la gentillesse '' ici
~~~~~~~~~~
samedi 08 avril 2023
~~~~~~~~~~
Jacques Villeret dans " Histoires sans paroles " ici
~~~~~~~~~~
samedi 01 avril 2023
~~~~~~~~~~
Jacques Villeret en ministre interviewé par plusieurs journalistes dont Pierre Desproges dans :
'' La Grande-Bretagne doit sortir de l'Europe à cause de la gastronomie ''
vidéo Ici
~~~~~~~~~~
samedi 25 mars 2023
~~~~~~~~~~
Pierre Desproges
(extrait du sketch : je ne suis pas n'importe qui !)
C'est vrai que je ne suis pas n'importe qui.
J'ai un quotient intellectuel de 130.
Cela signifie que j'ai un niveau d'intelligence exceptionnel.
C'est important, l'intelligence.
L'intelligence :
c'est le seul outil qui permet à l'homme de mesurer l'étendue de son malheur.
L'intelligence,
c'est comme les parachutes :
Quand on n'en a pas, on s'écrase.
130 !
vous rendez-vous compte ?
Je m'en suis aperçu en passant un test professionnel.
Je voulais quitter ce glorieux métier de la scène,
pour lequel je suis si peu doué,
et devenir cadre à la SNCF.
Cesser de lutter pour les feux de la rampe
et céder enfin à l'appel du rail.
Ne plus mépriser cette voie qui me poussait au train.
A quoi bon ?,
me disais-je,
faire un bras d'honneur aux chemins de fer,
quand on perd son bras de fer sur les chemins de l'honneur ?
J'ai fait le test.
Résultat :
130 !
C'est énorme.
C'était ardu, les questions du test.
(A une femme des premiers rangs.)
Tenez., vous, là, qui devez plafonner à 100 ?
110 ? 90 ? 90 - 60 - 90.
Essayez un peu, pour voir.
Parmi cette liste de mots, cherchez l'intrus :
métastase, Schwartzenberg, chimiothérapie, avenir...
Et ça :
parmi ces quatre prénoms, un seul n'est pas ridicule :
Bernard-Henri, Rika, Pierre, Jean-Edern...
Je ne fréquente plus que des Q.I. de 130.
Je ne suis pas raciste mais en dessous de 130,
c'est pas des gens comme nous.
Je ne donnerais pas ma fille à un 115.
Nous formons un club très fermé,.
que des 130.
Fabius vient, Giscard vient, Pasqua aimerait bien venir.
Notez qu'avec un petit Q.I. de 100-110,
on n'est pas complètement démuni.
Il est à la portée du premier plombier venu de comprendre qu'un kilo de plumes pèse autant qu'un kilo de plomb,
à peu de chose près. ..........
~~~~~
~~~~~~~~~
samedi 18 mars 2023
~~~~~~~~~~
Trois petits textes de Cavanna contre la morosité ambiante
ndlr: il aurait eu 100 ans le 22 février dernier
Et, sixièmement, les anges sont des mammifères, bien qu'ils aient des ailes.
La baleine aussi est un mammifère, mais elle cache ses ailes derrière son dos car elle est très modeste.
Si l'on plonge la tête dans la mer, on voit très bien que la baleine vole à l'envers.
L'âne aussi est un mammifère, malgré son vol un peu lourd.
Les anges se moquent de l'âne, mais l'âne les emmerde, car il sait faire bouger ses oreilles.
Les anges ne savent pas faire bouger leurs oreilles.
Seuls, l'âne et l'Éternel savent faire bouger leurs oreilles.
Alors Marie resta toute songeuse en sa demeure, et elle s'interrogea pour savoir si cela signifiait que Dieu la demandait en mariage, et elle se dit qu'alors Dieu était vraiment timide.
Elle se reprocha de ne l'avoir pas un peu aidé au lieu de laisser l'ange tourner comme ça autour du pot,
et elle regretta de s'être fiancée à Joseph, qui était vieux, pas très futé, avait l'haleine forte et n'était nullement dieu.
Après la terrible cuite qu'ils prirent aux noces de Cana, les disciples de Jésus se trouvent confrontés avec ce dilemme sublime qu'on appellera plus tard le pari de Pascal :
Ou bien ce type-là est vraiment le fils de Dieu, ou bien il ne l'est pas,
mais dans tous les cas son pinard tape au moins ses treize degrés, alors y a pas à hésiter.
~~~~~
~~~~~~~~~~
samedi 11 mars 2023
~~~~~~~~~~
Il suffirait de presque rien
Paroles de Jean-Max Rivière, chanson de Serge Reggiani
Il suffirait de presque rien,
Peut-être dix années de moins,
Pour que je te dise "Je t'aime".
Que je te prenne par la main
Pour t'emmener à Saint-Germain,
T'offrir un autre café-crème.
Mais pourquoi faire ce cinéma ?
Fillette allons regarde-moi,
Et vois les rides qui nous séparent.
A quoi bon jouer la comédie
Du vieil amant qui rajeunit,
Toi même ferait semblant d'y croire.
Vraiment de quoi aurions-nous l'air ?
J'entends déjà les commentaires,
"Elle est jolie, comment peut-il encore lui plaire
Elle au printemps, lui en hiver".
Il suffirait de presque rien,
Pourtant personne tu le sais bien,
Ne repasse par sa jeunesse.
Ne sois pas stupide et comprends,
Si j'avais comme toi vingt ans,
Je te couvrirais de promesses.
Allons bon voilà ton sourire,
Qui tourne à l'eau et qui chavire,
Je ne veux pas que tu sois triste,
Imagine ta vie demain,
Tout à côté d'un clown en train,
De faire son dernier tour de piste.
Vraiment de quoi aurais-tu l'air ?
J'entends déjà les commentaires,
"Elle est jolie, comment peut-il encore lui plaire ?
Elle au printemps, lui en hiver".
C'est un autre que moi demain,
Qui t'emmènera à St-Germain
Prendre le premier café crème.
Il suffisait de presque rien,
Peut-être dix années de moins
Pour que je te dise "Je t'aime"
~~~~~~~~~~
samedi 4 mars 2023
~~~~~~~~~~
Léo Ferré
La Montagne et la Mer
La marée, je l'ai dans le coeur
Qui me remonte comme un signe
Je meurs de ma petite soeur,
De mon enfant et de mon cygne
Un bateau, ça dépend comment
On l'arrime au port de justesse
Il pleure de mon firmament
Des années lumières et j'en laisse
Je suis le fantôme jersey
Celui qui vient les soirs de frime
Te lancer la brume en baiser
Et te ramasser dans ses rimes
Comme le trémail de juillet
Où luisait le loup solitaire
Celui que je voyais briller
Aux doigts du sable de la terre
Rappelle-toi ce chien de mer
Que nous libérions sur parole
Et qui gueule dans le désert
Des goémons de nécropole
Je suis sûr que la vie est là
Avec ses poumons de flanelle
Quand il pleure de ces temps-là
Le froid tout gris qui nous appelle
Je me souviens des soirs là-bas
Et des sprints gagnés sur l'écume
Cette bave des chevaux ras
Au ras des rocs qui se consument
Ô l'ange des plaisirs perdus
Ô rumeurs d'une autre habitude
Mes désirs dès lors ne sont plus
Qu'un chagrin de ma solitude
Et le diable des soirs conquis
Avec ses pâleurs de rescousse
Et le squale des paradis
Dans le lieu mouillé de mousse
Reviens fille verte des fjords
Reviens violon des violonades
Dans le port fanfare les cors
Pour le retour des camarades
Ô parfum rare des salants
Dans le poivre feu des gerçures
Quand j'allais, géométrisant,
Mon âme au creux de ta blessure
Dans le désordre de ton cul
Poissé dans des draps d'aube fine
Je voyais un vitrail de plus,
Et toi fille verte, mon spleen
Les coquillages figurant
Sous les sunlights cassés liquides
Jouent de la castagnette tant
Qu'on dirait l'Espagne livide
Dieux des granits, ayez pitié
De leur vocation de parure
Quand le couteau vient s'immiscer
Dans leurs castagnettes figure
Et je voyais ce qu'on pressent
Quand on pressent l'entrevoyure
Entre les persiennes du sang
Et que les globules figurent
Une mathématique bleue,
Dans cette mer jamais étale
D'où me remonte peu à peu
Cette mémoire des étoiles
Cette rumeur qui vient de là
Sous l'arc copain où je m'aveugle
Ces mains qui me font du fla-fla
Ces mains ruminantes qui meuglent
Cette rumeur me suit longtemps
Comme un mendiant sous l'anathème
Comme l'ombre qui perd son temps
À dessiner mon théorème
Et sur mon maquillage roux
S'en vient battre comme une porte
Cette rumeur qui va debout
Dans la rue, aux musiques mortes
C'est fini, la mer, c'est fini
Sur la plage, le sable bêle
Comme des moutons d'infini
Quand la mer bergère m'appelle
~~~~~
~~~~~~~~~~
samedi 25 février 2023
~~~~~~~~~~
Pablo Neruda
(Textes et poèmes courts)
Fille brune, fille agile, le soleil qui fait les fruits,
qui alourdit les blés et tourmente les algues,
a fait ton corps joyeux et tes yeux lumineux
et ta bouche qui a le sourire de l'eau.
Immensité des pins, rumeur brisée des vagues,
contre le crépuscule et ses vieilles hélices
crépuscule tombant sur tes yeux de poupée,
coquillage terrestre, en toi la terre chante !
Toute la nuit j'ai dormi avec toi
près de la mer, dans l'île.
Sauvage et douce tu étais entre le plaisir et le sommeil,
entre le feu et l'eau.
Tu joues tous les jours avec la lumière de l’univers.
Subtile visiteuse, venue sur l'eau et sur la fleur.
Tu passas la blancheur de ce petit visage que je serre
Ici je t'aime.
Dans les pins obscurs le vent se démêle.
La lune resplendit sur les eaux vagabondes.
Des jours égaux marchent et se poursuivent.
Etre arbre. Un arbre ailé. Dénuder ses racines
Dans la terre puissante et les livrer au sol
Et quand, autour de nous, tout sera bien plus vaste,
Ouvrir en grand nos ailes et nous mettre à voler.
~~~~~~~~~~
samedi 18 février 2023
~~~~~~~~~~
Angélique Ionatos
Le Funambule
Il était gracieux, il était agile
comme un demi-dieu sur son fil d'acier
Et ce fut ainsi qu'un enfant le vit,
un enfant puni ou un fils de pauvre
qui s'était glissé dans l'odeur des fauves
et qui le suivait d'un regard ravi
Spectateur fortuit de ce numéro
l'enfant applaudit à tant de merveilles
mais un somnambule, quand on le réveille
comme un funambule, ça tombe de haut !
De tous ses copains du cirque forain
pas un n'avait dit au vieux funambule
qu'il était aussi parfois somnambule.
Les gens du voyage sont des gens très bien.
~~
Liberté
Ne nous parlez plus de héros,
ne nous parlez plus de révolution,
dites-nous combien ils restent encore ?
Vous laissez derrière vous des rêves pillés,
des mondes gaspillés,
des soleils brûlés,
Laissez nous créer.
Une arme en amour,
une bombe à lumière,
un fusil à fleurs,
une vie sans barrières,
laissez-nous rêver.
d’un enfant président,
d’un roi sans couronne,
d’un Jésus indien,
d’un Dieu qui pardonne,
même ceux qui l’oublient.
Vous laissez derrière vous
des mères matraquées,
des lunes piétinées,
des hommes qui mouraient
pour la liberté.
~~~~~~~~~~
samedi 11 février 2023
~~~~~~~~~~
Jacques Prévert
Grasse matinée
Il est terrible
le petit bruit de l'oeuf dur cassé sur un comptoir d'étain
il est terrible ce bruit
quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim
elle est terrible aussi la tête de l'homme
la tête de l'homme qui a faim
quand il se regarde à six heures du matin
dans la glace du grand magasin
une tête couleur de poussière
ce n'est pas sa tête pourtant qu'il regarde
dans la vitrine de chez Potin
il s'en fout de sa tête l'homme
il n'y pense pas
il songe
il imagine une autre tête
une tête de veau par exemple
avec une sauce de vinaigre
ou une tête de n'importe quoi qui se mange
et il remue doucement la mâchoire
doucement
et il grince des dents doucement
car le monde se paye sa tête
et il ne peut rien contre ce monde
et il compte sur ses doigts un deux trois
un deux trois
cela fait trois jours qu'il n'a pas mangé
et il a beau se répéter depuis trois jours
Ça ne peut pas durer
ça dure
trois jours
trois nuits
sans manger
et derrière ces vitres
ces pâtés ces bouteilles ces conserves
poissons morts protégés par les boîtes
boîtes protégées par les vitres
vitres protégées par les flics
flics protégés par la crainte
que de barricades pour six malheureuses sardines.
Un peu plus loin le bistrot
café-crème et croissants chauds
l'homme titube
et dans l'intérieur de sa tête
un brouillard de mots
un brouillard de mots
sardines à manger
oeuf dur café-crème
café arrosé rhum
café-crème
café-crème
café-crime arrosé sang !...
Un homme très estimé dans son quartier
a été égorgé en plein jour
l'assassin le vagabond lui a volé
deux francs
soit un café arrosé
zéro franc soixante-dix
deux tartines beurrées
et vingt-cinq centimes pour le pourboire du garçon.
Il est terrible
le petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d'étain
il est terrible ce bruit
quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim.
~~~~~~~~~~
samedi 4 février 2023
~~~~~~~~~~
Victor Hugo
(titre inconnu)
Tu me vois bon, charmant et doux, ô ma beauté ;
Mes défauts ne sont pas tournés de ton côté ;
C’est tout simple. L’amour, étant de la lumière,
Change en temple la grotte, en palais la chaumière,
La ronce en laurier-rose et l’homme en demi-dieu.
Tel que je suis, rêvant beaucoup et valant peu,
Je ne te déplais pas assez pour que ta bouche
Me refuse un baiser, ô ma belle farouche,
Et cela me suffit sous le ciel étoilé.
Comme Pétrarque Laure et comme Horace Églé,
Je t’aime. Sans l’amour l’homme n’existe guère.
Ah ! j’oublie à tes pieds la patrie et la guerre
Et je ne suis plus rien qu’un songeur éperdu.
~~~~~~~~~~
samedi 28 janvier 2023
~~~~~~~~~~
Louis Aragon
Elsa
Tandis que je parlais le langage des vers
Elle s'est doucement tendrement endormie
Comme une maison d'ombre au creux de notre vie
Une lampe baissée au coeur des myrtes verts
Sa joue a retrouvé le printemps du repos
Ô corps sans poids pose dans un songe de toile
Ciel formé de ses yeux à l'heure des étoiles
Un jeune sang l'habite au couvert de sa peau
La voila qui reprend le versant de ses fables
Dieu sait obéissant à quels lointains signaux
Et c'est toujours le bal la neige les traîneaux
Elle a rejoint la nuit dans ses bras adorables
Je vois sa main bouger sa bouche et je me dis
Qu'elle reste pareille aux marches du silence
Qui m'échappe pourtant de toute son enfance
Dans ce pays secret à mes pas interdit
Je te supplie amour au nom de nous ensemble
De ma suppliciante et folle jalousie
Ne t'en va pas trop loin sur la pente choisie
Je suis auprès de toi comme un saule qui tremble
J'ai peur éperdument du sommeil de tes yeux
Je me ronge le coeur de ce coeur que j'écoute
Amour arrête-toi dans ton rêve et ta route
Rends-moi ta conscience et mon mal merveilleux.
~~~~~~~~~~
samedi 21 janvier 2023
~~~~~~~~~~
Lamartine
Prière de l'indigent
Ô toi dont l'oreille s'incline
Au nid du pauvre passereau,
Au brin d'herbe de la colline
Qui soupire après un peu d'eau ;
Providence qui les console,
Toi qui sais de quelle humble main
S'échappe la secrète obole
Dont le pauvre achète son pain ;
Toi qui tiens dans ta main diverse
L'abondance et la nudité,
Afin que de leur doux commerce
Naissent justice et charité ;
Charge-toi seule, ô Providence,
De connaître nos bienfaiteurs,
Et de puiser leur récompense
Dans les trésors de tes faveurs !
Notre cœur, qui pour eux t'implore,
À l'ignorance est condamné ;
Car toujours leur main gauche ignore
Ce que leur main droite a donné.
~~~~~~~~~~
samedi 14 janvier 2023
~~~~~~~~~~
Victor Hugo
Printemps
Voici donc les longs jours, lumière, amour, délire !
Voici le printemps ! mars, avril au doux sourire,
Mai fleuri, juin brûlant, tous les beaux mois amis !
Les peupliers, au bord des fleuves endormis,
Se courbent mollement comme de grandes palmes ;
L’oiseau palpite au fond des bois tièdes et calmes ;
Il semble que tout rit, et que les arbres verts
Sont joyeux d’être ensemble et se disent des vers.
Le jour naît couronné d’une aube fraîche et tendre ;
Le soir est plein d’amour ; la nuit, on croit entendre,
À travers l’ombre immense et sous le ciel béni,
Quelque chose d’heureux chanter dans l’infini.
Jacques Prévert
Sables mouvants
Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s’est retirée
Démons et merveilles
Vents et marées
Et toi
Comme une algue doucement caressée par le vent
Dans les sables du lit tu remues en rêvant
Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s’est retirée
Mais dans tes yeux entrouverts
Deux petites vagues sont restées
Démons et merveilles
Vents et marées
Deux petites vagues pour me noyer.
~~~~~~~~~~
samedi 26 novembre 2022
~~~~~~~~~~
Henri-Frédéric Amiel
Envers et contre tous
Montre à tes amis ton cœur et ta bonne foi,
Montre ton front à tous tes adversaires.
Fidèle à ta nature et conforme à ta loi :
Laisse dire les sots, écoute les sincères,
Consulte les sensés et marche devant toi.
Clément Marot
De soi-même
Plus ne suis ce que j'ai été,
Et ne le saurais jamais être.
Mon beau printemps et mon été
Ont fait le saut par la fenêtre.
Amour, tu as été mon maître,
Je t'ai servi sur tous les Dieux.
Ah si je pouvais deux fois naître,
Comme je te servirais mieux !
~~~~~~~~~~
samedi 19 novembre 2022
~~~~~~~~~~
Henri-Frédéric Amiel
Le Talisman
Il est un feu discret qui se cache en ton âme,
Mais qui tremble et palpite à tous les coups du sort :
C'est l'espoir ! Défends bien cette petite flamme ;
Si la flamme s'éteint, ami, ton cœur est mort.
~~~~~~~~~~
samedi 12 novembre 2022
~~~~~~~~~~
Jacques Prévert
Alicante
Une orange sur la table
Ta robe sur le tapis
Et toi dans mon lit
Doux présent du présent
Fraîcheur de la nuit
Chaleur de ma vie.
Le cancre
Il dit non avec la tête
Mais il dit oui avec le coeur
Il dit oui à ce qu’il aime
Il dit non au professeur
Il est debout
On le questionne
Et tous les problèmes sont posés
Soudain le fou rire le prend
Et il efface tout
Les chiffres et les mots
Les dates et les noms
Les phrases et les pièges
Et malgré les menaces du maître
Sous les huées des enfants prodiges
Avec des craies de toutes les couleurs
Sur le tableau noir du malheur
Il dessine le visage du bonheur.
~~~~~~~~~~
samedi 5 novembre
Gérard de Nerval
Allée du Luxembourg
Elle a passé, la jeune fille
Vive et preste comme un oiseau
À la main une fleur qui brille,
À la bouche un refrain nouveau.
C’est peut-être la seule au monde
Dont le cœur au mien répondrait,
Qui venant dans ma nuit profonde
D’un seul regard l’éclaircirait !
Mais non, – ma jeunesse est finie …
Adieu, doux rayon qui m’as lui, –
Parfum, jeune fille, harmonie…
Le bonheur passait, – il a fui !
Avril
Déjà les beaux jours, – la poussière,
Un ciel d’azur et de lumière,
Les murs enflammés, les longs soirs ; –
Et rien de vert : – à peine encore
Un reflet rougeâtre décore
Les grands arbres aux rameaux noirs !
Ce beau temps me pèse et m’ennuie.–
Ce n’est qu’après des jours de pluie
Que doit surgir, en un tableau,
Le printemps verdissant et rose,
Comme une nymphe fraîche éclose
Qui, souriante, sort de l’eau.
~~~~~~~~~~
samedi 29 octobre 2022
~~~~~~~~~~~
Gilles Nicolet
Etreinte d'été
Il faisait une lune absente.
La nuit clignotait
Les éclairs fusaient,
Signaient les documents célestes.
Des étoiles plongeaient sans prévenir,
Rebondissaient même,
Le sol frissonnait de terreur,
Écumait de chaleur
En exhalant ses arômes de mousse coupés de rosée.
Et alors que tout autour de nous,
Invisibles et bruyants,
Mille nocturnes s'attablaient
Ou fuyaient à perdre haleine,
Toi,
Toi insoucieuse et alanguie,
En roulant sur moi tu riais,
Sûre de pouvoir éteindre ce ciel
Et suspendre le temps
À l'instant où tu m'offrirais tes lèvres.
Arthur Raimbaud
La dormeur du val (octobre 1870)
C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent. Où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, lèvres, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort. Il est étendu dans l'herbe sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort.
Souriant comme
sourirait un enfant malade,
il fait un somme
" Nature, berce-le chaudement : il a froid"
Les parfums ne font pas frissonner sa narine,
il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille, il a deux trous rouges au côté droit.
Georges Brassens
Les Passantes
(poëme de Antoine Pol)
Je veux dédier ce poème
A toutes les femmes qu’on aime
Pendant quelques instants secrets
A celles qu’on connaît à peine
Qu’un destin différent entraîne
Et qu’on ne retrouve jamais
A celle qu’on voit apparaître
Une seconde à sa fenêtre
Et qui, preste, s’évanouit
Mais dont la svelte silhouette
Est si gracieuse et fluette
Qu’on en demeure épanoui
A la compagne de voyage
Dont les yeux, charmant paysage
Font paraître court le chemin
Qu’on est seul, peut-être, à comprendre
Et qu’on laisse pourtant descendre
Sans avoir effleuré sa main
A la fine et souple valseuse
Qui vous sembla triste et nerveuse
Par une nuit de carnaval
Qui voulut rester inconnue
Et qui n’est jamais revenue
Tournoyer dans un autre bal
A celles qui sont déjà prises
Et qui, vivant des heures grises
Près d’un être trop différent
Vous ont, inutile folie,
Laissé voir la mélancolie
D’un avenir désespérant
A ces timides amoureuses
Qui restèrent silencieuses
Et portent encore votre deuil
A celles qui s’en sont allées
Loin de vous, tristes esseulées
Victimes d’un stupide orgueil.
Chères images aperçues
Espérances d’un jour déçues
Vous serez dans l’oubli demain
Pour peu que le bonheur survienne
Il est rare qu’on se souvienne
Des épisodes du chemin
Mais si l’on a manqué sa vie
On songe avec un peu d’envie
A tous ces bonheurs entrevus
Aux baisers qu’on n’osa pas prendre
Aux coeurs qui doivent vous attendre
Aux yeux qu’on n’a jamais revus
Alors, aux soirs de lassitude
Tout en peuplant sa solitude
Des fantômes du souvenir
On pleure les lèvres absentes
De toutes ces belles passantes
Que l’on n’a pas su retenir.
Jacques Prévert
Le déjeuner du matin
Il a mis le café
Dans la tasse
Il a mis le lait
Dans la tasse de café
Il a mis le sucre
Dans le café au lait
Avec la petite cuiller
Il a tourné
Il a bu le café au lait
Et il a reposé la tasse
Sans me parler
Il a allumé
Une cigarette
Il a fait des ronds
Avec la fumée
Il a mis les cendres
Dans le cendrier
Sans me parler
Sans me regarder
Il s'est levé
Il a mis
Son chapeau sur sa tête
Il a mis son manteau de pluie
Parce qu'il pleuvait
Et il est parti
Sous la pluie
Sans une parole
Sans me regarder
Et moi j'ai pris
Ma tête dans ma main
Et j'ai pleuré.
Les cireurs de souliers de Broadway
Aujourd'hui l'homme blanc
Ne s'étonne plus de rien
Et quand il jette à l'enfant noir
Au gentil cireur de Broadway
Une misérable pièce de monnaie
Il ne prend pas la peine de voir
Les reflets du soleil miroitant à ses pieds
Et comme il va se perdre
Dans la foule de Broadway
Ses pas indifférents emportent la lumière
Que l'enfant noir a prise au piège
En véritable homme du métier
La fugitive petite lumière
Que l'enfant noir aux dents de neige
A doucement apprivoisée
Avec une vieille brosse
Avec un vieux chiffon
Avec un grand sourire
Avec une petite chanson
La chanson qui raconte l'histoire
L'histoire de Tom le grand homme noir
L'empereur des cireurs de souliers
Dans le ciel tout noir de Harlem
L'échoppe de Tom est dressée
Tout ce qui brille dans le quartier noir
C'est lui qui le fait briller
Avec ses grandes brosses
Avec ses vieux chiffons
Avec son grand sourire
Et avec ses chansons
C'est lui qui passe au blanc d'argent
Les vieilles espadrilles de la lune
C'est lui qui fait reluire
Les souliers vernis de la nuit
Et qui dépose devant chaque porte
Au Grand Hôtel du Petit Jour
Les chaussures neuves du matin
Et c'est lui qui astique les cuivres
De tous les orchestres de Harlem
C'est lui qui chante la joie de vivre
La joie de faire l'amour et la joie de danser
Et puis la joie d'être ivre
Et la joie de chanter
Mais la chanson du Noir
L'homme blanc n'y entend rien
Et tout ce qu'il entend
C'est le bruit dans sa main
Le misérable bruit d'une pièce de monnaie
Qui saute sans rien dire
Qui saute sans briller
Tristement sur un pied.